Petits meurtres de liens entre amis : la presse, le ministère et Google News

Vous avez peut-être entendu parler des demandes d’une partie de la presse française vis-à-vis de Google, ainsi motivées :

  1. Google News indexe les articles de presse
  2. Google gagne de l’argent avec ces articles
  3. La presse, en difficulté, a besoin d’argent au delà de ses aides, publicités et abonnements…
  4. donc Google doit reverser à la presse française sa part « légitime »

(par la suite pour alléger je parle de “la presse”, mais il faut savoir que le lobbying en question se limite à quelques grands journaux parisiens liés au SPQN, ne mettons donc pas tout le monde dans le même panier)

Munie de cette argumentaire, la presse a donc proposé un projet de loi au ministère de la Culture et de la Communication, pour lui demander de légiférer dès que possible, ce à quoi il a commencé à s’employer. Le projet en question n’est pas public, mais sa première version a fuité grâce à Télérama. Au moment de cette fuite, on a appris qu’il ne s’agissait que d’un document de travail déjà périmé, la version à jour étant encore aujourd’hui tenue secrète et réservée à la presse et au ministère (P. Jannet sur twitter : “il avance, mais je prefererai parler avec Google avant …“)

Nous avons néanmoins eu droit à quelques détails sur les changements, qui révèlent la stratégie des lobbyistes. J’y reviens plus loin.

Le premier problème, c’est que l’argumentaire de la presse prend l’eau littéralement dans tous les sens :

  1. Google News ne permet pas de lire les articles car il ne fournit que le titre et un début de phrase, il faut aller sur le site du journal qui a publié l’article ;
  2. Google ne gagne pas d’argent avec cette activité : il n’y a aucune publicité sur Google News ; et Google ne gagne ni plus ni moins d’argent sur son moteur de recherche habituel avec la presse qu’avec les autres types de contenus indexés ;
  3. Google fournit gratuitement ce service d’indexation et de recherche ;
  4. C’est la presse elle-même qui gagne de l’argent avec ses articles, en général en publiant sur la même page des publicités ;
  5. Mieux, Google attire des lecteurs sur les articles en question, permettant donc déjà à la presse de gagner plus d’argent qu’en l’absence d’indexation.

Bref, le ministère de la Culture a beau soutenir contre vents et marées, par construction de ses missions et par principe, les lobbyistes de la presse, il faut peut-être que l’argumentaire tienne la route, et à l’évidence ce n’est pas le cas.

La position de Google a été connue assez rapidement, et elle tombe sous le sens. Vous ne souhaitez pas que l’on vous indexe gratuitement ? Eh bien ce n’est pas grave, on va cesser de vous indexer, car nous ne souhaitons pas vous payer quoi que ce soit (cela a déjà été pratiqué avec les journaux belges dans des circonstances similaires ; ceux-ci ont tenu trois jours).

Nous avons aussitôt eu droit à quelques déclarations indignées, notamment de Laurent Joffrin du Nouvel Observateur, s’étranglant que Google ose menacer ainsi de « censure » la presse locale : non seulement Google devrait payer pour l’indexation, mais il devrait en plus en tant que service d’« ‘intérêt général » être obligé d’indexer, donc de payer. Le système parfait.

Les lobbyistes ayant vu venir la réponse de Google et sa logique implacable, l’argumentaire a été largement modifié. Je rermercie Philippe Jannet (consultant, directeur général de ePresse. fr, ex-PDG du Monde Interactif, ex-DG numérique des Echos, ex-Président du Geste) de me l’avoir signalé  dans nos discussions sur Twitter. On peut lire chez Libération son article de samedi : “Oui, Google capte la valeur créée”. Cet article, à la différence de celui de Laurent Joffrin, a la franchise de reconnaître que tout cela n’est qu’une histoire de gros sous, et rien d’autre. C’est Philippe Jannet lui-même qui insiste sur le pivot crucial, sur Twitter :  « j’ai mis moteur de recherche… Agrégateur c’est pas pareil », en réponse à quelqu’un qui lui demandait pourquoi cibler “Google” plutôt que “les agrégateurs”.

Google News ne vend pas de publicité et ne gagne donc pas d’argent ? Qu’à cela ne tienne, on va arrêter de parler de Google News et d’agrégateurs, on va maintenant parler de Google qui lui, à l’évidence, gagne beaucoup d’argent et pratique l’« optimisation » fiscale, ce qui justifie par avance une taxation, fût-elle au profit exclusif d’intérêt privés.

Le lien entre l’affichage sur Google News et la publicité vendue par Google Search est inexistant ? Aucune importance, on invente de toutes pièces une explication à base de « sémantique » de l’algorithme d’indexation, qui en extrayant automatiquement le sens des articles de la presse, permettrait à Google d’améliorer la qualité de la réponse (on ne sait pas comment), donc de générer plus de revenu (on ne sait pas comment non plus).

Mais c’est un gros mensonge car l’algorithme de Google, dont les grandes lignes sont bien connues, ne fonctionne pas du tout comme cela.

Second écueil passé sous silence au bénéfice de la rhétorique, les articles de presse n’ont pour un moteur de recherche ni plus ni moins d’intérêt que les pages « normales » du web. Mais ce fait est évidemment occulté, car il s’agit bien de demander une taxe au profit de la presse, pas une taxe générale sur les liens du web qui, pour le coup, n’aurait strictement aucune chance d’être votée, et a fortiori appliquée.

Bref, on ne sait trop comment Philippe Jannet arrive à la conclusion suivante, mais c’est celle qui l’intéresse et qui va tenir lieu de justification pour la suite du lobbying : « En clair, grâce aux contenus de la presse en ligne, Google améliore jour après jour son revenu. ».

Au total ce nouvel argumentaire ne tient en réalité pas plus la route que le précédent. Va-t-il sauver suffisamment les apparences pour convenir au ministère de la Culture ?

Mais sur le fond, le plus grave, c’est que la presse demande donc que soit établi à son bénéfice exclusif un précédent : « la mise en place d’un droit voisin » sur les liens du web. Autrement dit il y aurait les « bons » contenus bénéficiant de reversement de taxes parce qu’ils proviennent de professionnels encartés, et les « mauvais » contenus, tous les autres (on note à ce propos que la presse en ligne se bat depuis des années pour un alignement de ses droits avec ceux de la presse papier, considérée de facto comme plus « noble »). Même avec beaucoup d’optimisme, difficile d’imaginer comment cela pourrait être bénéfique pour quiconque.

Ce lundi, Eric Schmidt (président exécutif de Google) est reçu par la ministre, Aurélie Filippetti, après que le président Hollande ait déclaré dans le courant de la semaine dernière à des représentants de la presse que la loi demandée serait votée au plus tard en janvier 2013. Autrement dit, la conclusion est déjà écrite, et maintenant nous allons négocier.

 

 

 

IPv6 ICMP “packet too big” filtering considered harmful

If you intend to seriously run Internet servers or firewalls in the future (hence, IPv6 servers and firewalls), please read this.

This problem is so well-known, so old and yet still so unfixed and pervasive nowadays that, after pulling my hair for days on many hanging or time-outing IPv6 sessions, I felt I had to write this.

Executive summary: there are a huge number of sites with misconfigured firewalls who filter out “ICMP6 packet too big” packets. This breaks Path MTU discovery, causing hanging or broken IPv6 sessions.

Many sites unknowingly assume that the Internet MTU is at least 1500 bytes. This is wrong, whether in IPv4 or IPv6.

Many Internet hosts are connected through tunnels reducing the real MTU. Use of PPPoE for example, on ADSL links, reduces the MTU by a few bytes, and use of 6rd (“6 rapid deployment” tunneling) reduces it more than that. As 6rd is used extensively in France (Free ISP), this is a big problem.

1. The symptom: hanging IPv6 connections

Here’s a sample capture for a request where the server has more than 1 data packet.

08:39:57.785196 IP6 2a01:e35:8b50:2c40::7.39738 > 2001:xxx.43: S 165844086:165844086(0) win 65535 <mss 1440,nop,wscale 3,sackOK,timestamp 901

08:39:57.807709 IP6 2001:xxx.43 > 2a01:e35:8b50:2c40::7.39738: S 883894656:883894656(0) ack 165844087 win 14280 <mss 1440,sackOK,timestamp 2377433946 90108,nop,wscale 7>

08:39:57.808452 IP6 2a01:e35:8b50:2c40::7.39738 > 2001:xxx.43: .ack 1 win 8211 <nop,nop,timestamp 90132 2377433946>

08:39:57.808655 IP6 2a01:e35:8b50:2c40::7.39738 > 2001:xxx.43: P 1:9(8) ack 1 win 8211 <nop,nop,timestamp 90132 2377433946>

08:39:57.833052 IP6 2001:xxx.43 > 2a01:e35:8b50:2c40::7.39738: .ack 9 win 112 <nop,nop,timestamp 2377433972 90132>

08:39:57.888981 IP6 2001:xxx.43 > 2a01:e35:8b50:2c40::7.39738: P 1:1025(1024) ack 9 win 112 <nop,nop,timestamp 2377434026 90132>

(missing packet here : 1025:2453 containing 1428 bytes)

08:39:57.889315 IP6 2001:xxx.43 > 2a01:e35:8b50:2c40::7.39738: FP 2453:2723(270) ack 9 win 112 <nop,nop,timestamp 2377434027 90132> 08:39:57.890100 IP6 2a01:e35:8b50:2c40::7.39738 > 2001:xxx.43: .ack 1025 win 8211 <nop,nop,timestamp 90213 2377434026,nop,nop,sack 1 {2453:2723}>

(session hangs here, unterminated because of the missing bytes)

This is difficult to debug as modern Unices have a “TCP host cache” keeping track of Path MTUs on a host-by-host basis, causing the problem to suddenly disappear. in unpredictable ways depending on the size of transmitted data.

2. A sample successful session with working trial-and-error Path MTU discovery

10:09:55.291649 IP6 2a01:e35:8b50:2c40::7.40948 > 2a01:e0d:1:3:58bf:fa61:0:1.43: S 1032533547:1032533547(0) win 65535 <mss 1440,nop,wscale 3,sackOK,timestamp 5487603 0>

10:09:55.291787 IP6 2a01:e0d:1:3:58bf:fa61:0:1.43 > 2a01:e35:8b50:2c40::7.40948:S 3695299654:3695299654(0) ack 1032533548 win 65535 <mss 1440,nop,wscale 3,sackOK,timestamp 3185067848 5487603>

10:09:55.316234 IP6 2a01:e35:8b50:2c40::7.40948 > 2a01:e0d:1:3:58bf:fa61:0:1.43: . ack 1 win 8211 <nop,nop,timestamp 5487628 3185067848>

10:09:55.317965 IP6 2a01:e35:8b50:2c40::7.40948 > 2a01:e0d:1:3:58bf:fa61:0:1.43: P 1:9(8) ack 1 win 8211 <nop,nop,timestamp 5487628 3185067848> 10:09:55.417301 IP6 2a01:e0d:1:3:58bf:fa61:0:1.43 > 2a01:e35:8b50:2c40::7.40948: . ack 9 win 8210 <nop,nop,timestamp 3185067974 5487628>

Now the big packet that was missing in the broken session above:

10:09:56.084457 IP6 2a01:e0d:1:3:58bf:fa61:0:1.43 > 2a01:e35:8b50:2c40::7.40948: . 1:1429(1428) ack 9 win 8210 <nop,nop,timestamp 3185068641 5487628>

The 6rd gateway replies with an ICMP6 message:

10:09:56.085221 IP6 2a01:e00:1:11::2 > 2a01:e0d:1:3:58bf:fa61:0:1: ICMP6, packet too big, mtu 1480, length 584

Missing data is retransmitted by the server using a lower packet size (and an entry is created in the server’s host cache to remember that):

10:09:56.085489 IP6 2a01:e0d:1:3:58bf:fa61:0:1.43 > 2a01:e35:8b50:2c40::7.40948: . 1:1409(1408) ack 9 win 8210 <nop,nop,timestamp 3185068642 5487628> 10:09:56.085522 IP6 2a01:e0d:1:3:58bf:fa61:0:1.43 > 2a01:e35:8b50:2c40::7.40948: . 1409:1429(20) ack 9 win 8210 <nop,nop,timestamp 3185068642 5487628>

Then the connection goes on to correct completion (no use showing the packets here).

Interestingly, trying an identical request then shows that the MSS negotiation takes the host cache into account, with a MSS set to 1420 instead of 1440 from the start in the server reply:

10:10:14.053218 IP6 2a01:e35:8b50:2c40::7.20482 > 2a01:e0d:1:3:58bf:fa61:0:1.43: S 2231600544:2231600544(0) win 65535 <mss 1440,nop,wscale 3,sackOK,timestamp 5506365 0>

10:10:14.053382 IP6 2a01:e0d:1:3:58bf:fa61:0:1.43 > 2a01:e35:8b50:2c40::7.20482: S 2676514636:2676514636(0) ack 2231600545 win 65535 <mss 1420,nop,wscale 3,sackOK,timestamp 1128201317 5506365>

3. The simple fix

The fix is dead simple: just make sure that your filters are configured so that ICMP6 “packet too big”, type number 2, messages are correctly transmitted end-to-end, and correctly handled.

 

Le parcours du combattant de l’abonné FTTH français en copropriété

(suite de mes pérégrinations débutées ici)

Les opérateurs délivrant de la fibre jusqu’à l’abonné (dite “FTTH”) sont au nombre de 3 :

  • FT/Orange
  • SFR
  • Free

On peut y ajouter Numéricâble qui est un cas particulier. Numéricâble est un cablo-opérateur de télévision qui a ajouté à son offre, à la fin des années 90, l’accès à Internet utilisant la technologie DOCSIS. Il ne délivre pas de la fibre jusqu’à l’abonné mais du câble coaxial cuivre pour télévision (quoiqu’il semblerait que Numéricâble fournisse maintenant de la “vraie” fibre FTTH mais je n’en sais pas plus).

Alors comment obtenir la fibre chez soi ?

Signature d’une convention avec un opérateur d’immeuble (OI)

Pour cela, il faut procéder au vote d’une résolution en assemblée générale. Le plus économique est de le faire lors de l’assemblée générale annuelle, afin de ne pas multiplier les convocations coûteuses.  Cette résolution donne l’autorisation au syndic d’immeuble de signer une convention avec un opérateur.

Or, les opérateurs se déplacent rarement avant d’avoir une convention signée, et ne peuvent vérifier la faisabilité technique qu’en se déplaçant.

Par ailleurs, comme je l’ai expliqué précédemment, Free s’est retiré de l’activité d’opérateur d’immeuble, et les autres opérateurs semblent éviter de (ou ne peuvent) se rendre dans les immeubles où Numéricable a été choisi comme opérateur d’immeuble.

Les deux seuls fournisseurs d’accès également opérateurs d’immeuble existant à Paris (et a priori c’est le cas par défaut dans toutes les grandes villes, à part les exceptions locales) à l’heure actuelle sont donc SFR (voir ici) et Orange (ici).

Mais il existe la possibilité d’être simplement opérateur d’immeuble sans être fournisseur d’accès, c’est par exemple ce qui se passe dans les Hauts de Seine avec Sequalum (merci à J.-B. Favre). On peut même imaginer des syndics d’immeuble qui seraient leur propre opérateur.

De plus, il est évidemment impossible d’être certain qu’un opérateur pressenti installera effectivement la fibre. Il a 6 mois pour le faire, après quoi la convention est caduque et il faut procéder à la signature avec un autre opérateur, en général à l’assemblée générale annuelle suivante. Sauf convocation exceptionnelle on peut donc perdre un an, c’est ce qui est arrivé dans ma copropriété.

Il est donc conseillé de rédiger une résolution d’AG “générique”, du style “accord de principe pour signer une convention avec un opérateur pour la pose de fibre, avec pouvoir au conseil syndical pour le choix de l’opérateur”, plutôt qu’une résolution nommant explicitement un opérateur.

Arrivée de l’opérateur d’immeuble

Une fois la convention signée, dans un délai de 6 mois, l’opérateur va venir :

  • effectuer un repérage des lieux pour le câblage horizontal (arrivée en bas d’immeuble) et le câblage vertical (relier les étages) et faire viser un dossier de travaux par le syndic d’immeuble ;
  • tirer une fibre de son réseau métropolitain jusqu’au bas d’immeuble
  • installer en bas d’immeuble un “point de mutualisation” permettant aux autres opérateurs de desservir l’immeuble
  • installer le câblage dit “vertical” pour desservir chaque bâtiment et chaque étage

Ces opérations prennent un certain temps. La pose effective du câblage vertical demande 1 ou 2 jours de travaux.

Création d’un accès abonné

Tout n’est pas encore prêt pour s’abonner à n’importe quel opérateur. !

  • cas le plus simple : on souhaite s’abonner à l’opérateur d’immeuble. Celui-ci envoie alors un technicien qui va procéder au raccordement de l’appartement, en posant un câble optique de l’armoire de palier (desservie en câblage vertical) jusqu’à l’appartement. Eh oui, les appartements ne sont pas systématiquement raccordés complètement lors du câblage vertical, en raison des coûts induits et des contraintes logistiques d’accès !
  • cas plus compliqué : on souhaite s’abonner à un autre opérateur.. C’est possible. Il faut alors que celui-ci pose à son tour une fibre horizontale jusqu’au bas d’immeuble, ou qu’il réutilise une fibre horizontale existante posée par un opérateur déjà présent (ce cas semble rare mais il existe entre SFR et Orange, voir les commentaires), puis se mette en contact avec l’opérateur d’immeuble pour être raccordé au point de mutualisation local. Il ne lui reste alors plus, comme ci-dessus, qu’à poser du câblage d’étage pour desservir l’appartement désiré.

Les délais ?

Il faut d’abord penser à intégrer une résolution à l’ordre du jour de l’assemblée générale suivante. Délai légal de convocation : 1 mois (il n’y a pas si longtemps, il me semble me souvenir que c’était seulement 2 semaines…)

Puis, si la résolution est votée, signer et envoyer la convocation, et attendre le passage de l’opérateur pour le repérage : de 1 semaine à 1 mois (estimation au doigt mouillé)

Puis pour les travaux : de 1 semaine à un mois pour attendre son tour (estimé aux entrailles de poisson), puis 1 ou 2 jours de pose horizontale + verticale.

Puis , pour un abonnement à l’opérateur d’immeuble ou un opérateur déjà présent : de 1 semaine à 1 mois (estimation marc de café), 1 ou 2 heures de pose.

Pour un abonnement à un autre opérateur non présent : repérage + pose fibre horizontale, de 1 à 3 mois (estimation astrologique), raccordement au point de mutualisation après accord avec l’opérateur d’immeuble : quelques semaines, pose chez l’abonné : idem ci-dessus.

Les totaux sont assez déprimants :

  • presque 2 mois d’attente dans le meilleur des cas, si l’on a la chance de s’y prendre juste avant l’AG et dans les délais.
  • probablement plutôt 3 à 4 mois si l’on fait vite côté immeuble et syndic mais que l’opérateur prend du temps ;
  • au pire, 8 à 9 mois si l’on fait vite côté immeuble et syndic mais que  l’opérateur ne réalise les travaux qu’à la fin de son délai de 6 mois
  • à quoi il faut ajouter 11 mois pour attendre la prochaine AG annuelle si elle vient juste d’avoir lieu

Ajoutez un mauvais suivi de la part du syndic (cas très fréquent), une mauvaise compréhension des procédures, un opérateur faisant faux bond, et vous pouvez facilement perdre des années supplémentaires.

Ainsi dans notre immeuble les démarches (signature de la première convention) ont été initiées en mars 2008 ; 4 ans 1/2 plus tard il faut tout reprendre à zéro.

Conclusions

  • ne pas s’étonner de la faible demande pour la fibre, vu le parcours du combattant qui précède et demande une sérieuse motivation de la part du syndic d’immeuble et conseil syndical, les opérateurs ne venant absolument solliciter personne.
  • ne pas s’étonner du retard français

Sans être grand devin, il est facile de voir que ce retard ne sera pas résorbé dans les années qui viennent, bien au contraire, puisque :

  • aucun changement législatif ou organisationnel ne semble actuellement en préparation pour simplifier cette procédure ;
  • le sujet qui intéresse l’ARCEP et les opérateurs est le déploiement du VDSL2, qui à moindre coût donnera une “seconde vie” au cuivre du siècle dernier ;
  • les opérateurs préfèrent investir dans la téléphonie mobile 4e génération (LTE), potentiellement plus rémunératrice.

Et grands merci à @_Galak_ et @lprevosto (sur Twitter) ainsi que l’assistance SFR qui m’ont grandement aidé à mieux comprendre ce qui précède…

Quant à Orange, c’est l’électroencéphalogramme totalement plat, aucune nouvelle d’eux directe ou indirecte, 9 jours après le premier contact avec l’assistance qui m’a assuré afin de me forcer à raccrocher que l’on allait “me rappeler”.

Mise à jour : suites

FTTH en France, saison 6 : du rififi chez le syndic, relance du dossier et repérage v2

Installation de la fibre (FTTH), suite de la saison 5.

 

Quand la fibre Free se fait attendre, même à Paris

(précision sur le titre : le “même à Paris” est une allusion à la densité de la ville, où donc la rentabilité par rapport à l’investissement, prétexte souvent soulevé par les opérateurs, est le moins susceptible de poser un problème)

À l’heure où beaucoup monde se plaint de ne pouvoir obtenir la fibre (à part une poignée de privilégiés qui l’ont déjà, sans compter les très rares qui pourraient l’avoir mais n’en veulent pas), une étude OCDE signalée par Numerama confirme le colossal retard français en la matière.

Récemment, Orange a annoncé triomphalement activer 4000 prises par semaine.

La situation dans mon immeuble :

  • immeuble construit en 2008
  • convention Free signée début 2011
  • repérage puis pose par Free de la desserte horizontale (égouts -> immeuble) en octobre/novembre 2011
  • depuis… rien !

On appelle “desserte horizontale” le raccordement par la rue, les égouts, etc, d’un immeuble au réseau d’un opérateur.

La “desserte verticale” est le câblage interne de l’immeuble, reliant l’arrivée horizontale aux logements à desservir.

Lorsque les deux sont réunis, on parle d’accès FTTH (fiber to the home, fibre jusqu’à l’habitation).

Voici donc une photo, prise le 13 novembre 2011, de l’arrivée de la fibre Free dans le sous-sol de mon immeuble, via les égouts de Paris. La fibre est munie d’une jolie étiquette verte “FREE INFRASTRUCTURE” avec une référence et un numéro de téléphone qui tombe sur un répondeur, renvoyant l’appelant vers d’autres numéros “spéciaux syndics d’immeuble” qui ne permettent jamais d’obtenir quelqu’un. On voit que la fibre est sagement enroulée, inutile, en attente d’être branchée sur un réseau vertical qui n’est toujours pas là, près d’un an après.

Dans mon immeuble, les questions logiques des résidents : “On a bien voté la convention fibre pour Free en assemblée générale annuelle ? Ça en est où ? Faut-il qu’on demande à un autre opérateur ?”

Notre immeuble est très loin de représenter un cas isolé, j’ai entendu parler d’exemples similaires à Paris et à Lyon. Les opérateurs se sont fait la course pour mettre un pied le plus rapidement possible dans les immeubles, mais se font tirer l’oreille pour terminer les travaux, prétextant une faible demande des abonnés..

Parallèlement, pour masquer le retard français, les pouvoirs publics utilisent les statistiques faussement flatteuses de Numéricâble, un réseau câblé de télévision vieux, à quelques rénovations près, de 30 ans, en fibre (moderne à l’époque) prolongée dans les immeubles par du câble coaxial tout à fait classique et aux performances bien moindres que la fibre optique de bout-en-bout.

Quant aux opérateurs, par souci d’économie, ils misent sur la technologie VDSL2 pour donner une “2ème vie” [sic] au réseau cuivre du téléphone classique. On ignorait que celui-ci était mort une première fois.

Mise à jour : je ne regrette pas d’avoir écrit et diffusé ceci sur twitter, j’ai pu avoir des retours sur la procédure à suivre pour avancer. Free semble avoir résilié la convention d’immeuble.

Il nous appartient donc de choisir un nouvel opérateur d’immeuble  lors de la prochaine assemblée générale ; cet opérateur pourra effectuer la pose du câblage vertical et utiliser la fibre posée par Free.

Mise à jour 2 : il s’avère que les deux seuls opérateurs installant du FTTH en France en tant qu’opérateur d’immeuble actuellement sont SFR et FT/Orange. Merci beaucoup aux personnes qui m’ont donné des contacts (SFR très réactif…).

L’ARC (association conseillant les syndics de copropriété) arrive aux mêmes constatations, mais conseille carrément de rester en ADSL, ce qui est absurde et désolant. L’ARC soulève des arguments spécieux à mon sens contre les conventions des opérateurs (en fait reprises d’un modèle ARCEP) : durée de 25 ans (compréhensible, cela limite les interventions perpétuelles en AG, mais elles peuvent être résiliées avec préavis de 18 mois) et non-propriété du câblage à l’issue de la convention (compréhensible également : je vois mal les copropriétés se charger de la maintenance/entretien/évolution technique ou avoir un prestataire supplémentaire à trouver pour cela).

Voir :

Fusion (froide) CSA-ARCEP-HADOPI, préservation des anachronismes

La dernière idée en date des lobbyistes de l’industrie du divertissement, très écoutés au ministère de la Culture, date de plusieurs mois mais fait couler beaucoup d’encre depuis la rentrée.

Il s’agit de proposer la fusion de trois éminentes “autorités administratives indépendantes” : CSA, HADOPI et ARCEP, sous prétexte d’accompagner l’évolution technologique (la déferlante Internet qui s’annonce an matière de télévision), mais en réalité dans le but d’en ralentir les effets néfastes sur les situations acquises de l’industrie du divertissement et le contrôle politique “citoyen” sur les média.

Le CSA

D’un côté le CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel) dont la mission consiste à garantir la liberté de communication audiovisuelle en France. Le CSA a été constitué (sous le nom de Haute Autorité de la communication audiovisuelle) en 1982, quelques années après la disparition de l’ORTF, et pour préparer l’arrivée des premières chaînes privées.

Le CSA indique avoir les responsabilités suivantes :

  • la protection des mineurs
  • le respect de l’expression pluraliste des courants d’opinion
  • l’organisation des campagnes électorales à la radio et à la télévision
  • la rigueur dans le traitement de l’information
  • l’attribution des fréquences aux opérateurs
  • le respect de la dignité de la personne humaine, la protection des consommateurs
  • « veiller à la défense et à l’illustration de la langue et de la culture françaises » sur les antennes
  • rendre les programmes de la télévision accessibles aux personnes souffrant d’un handicap auditif ou visuel
  • veiller à la représentation de la diversité de notre société dans les médias
  • contribuer aux actions en faveur de la protection de la santé
  • etc [sic]

Une autre page détaille d’autres missions, dont l’attribution des canaux de télévision hertzienne (maintenant TNT), en expliquant que “la contrepartie de cette liberté est l’institution d’une fonction de régulation, chargée d’accompagner ce mouvement et d’en prévenir les éventuelles dérives“.

Je laisse au lecteur le soin de déterminer en quoi les responsabilités qui précèdent ont, ou pas, un rapport avec la mission générale de garantie de la liberté de communication audiovisuelle.

En ce qui concerne par exemple l’organisation des campagnes électorales, on se souviendra de la dernière élection présidentielle avec les débats ubuesques sur les temps de parole comparés, ou les heures autorisées de publication de résultats estimés qui ont toujours circulé sous le manteau et aujourd’hui quasi ouvertement via Internet, les nuages IP ne s’arrêtant pas à la frontière (incidemment j’ai écrit ceci avant de voir qu’un des articles cités en bas se servait du même exemple comme argument en faveur d’une fusion, alors qu’à l’évidence ni une fusion ni une extension des pouvoirs du CSA ne changera rien à la situation, ni à ce que les média étrangers ont le droit de diffuser, ni aux personnes qu’il est possible de poursuivre).

Le CSA tire sa légitimité, ou plutôt sa capacité d’action donc son influence, de la rareté des ressources. Les canaux hertziens de télévision ou radio ne sont pas (ou plutôt n’étaient pas, mais n’anticipons pas) en nombre illimité, et leur attribution nécessite de pouvoir montrer patte blanche et une capacité à les remplir.

L’ARCEP

L’ARCEP quant à elle a pour mission la régulation des télécommunications et des postes, dont l’attribution des ressources rares que sont fréquences hertziennes et plages de numéros téléphoniques. L’ARCEP possède un rôle essentiellement technique et concurrentiel et en aucun cas ne se mêle de régulation des contenus, respectant d’ailleurs en cela le bon vieux modèle OSI d’indépendance des couches.

La HADOPI

La HADOPI, bien connue sur Internet et ici, est proposée également comme partie prenante de la fusion, et ses missions “pédagogiques” sont explicitement téléguidées par l’industrie du divertissement via le ministère de la Culture.

Les mutations de l’audiovisuel

Jusqu’à ces dernières années, les choses étaient simples.

D’un côté la télévision, média grand public aux canaux gérés depuis des décennies par une poignée de groupes bien établis, chapeautés par des autorités dont le dernir avatar en date est le CSA.

De l’autre, Internet, réseau informatique presque confidentiel par comparaison avec la télévision, et dont les capacités techniques permettaient difficilement le transport à grande échelle de contenus vidéo.

En à peine 10 ans, quatre évolutions technologiques ont tout balayé : la vidéo numérique (mpeg…), l’ADSL et le triple-play, la TNT, le P2P.

La TNT est à la fois un succès et un échec. Un succès technologique, puisqu’elle remplace haut la main la télévision analogique et augmente considérablement la capacité hertzienne (dividende numérique, permettant de libérer des fréquences pour le téléphone mobile). Mais un échec en termes de contenus (remplissage avec des séries américaines de seconde zone, difficulté à trouver des opérateurs pour les nouvelles chaînes disponibles) et d’audience, mécaniquement éparpillée sur 5 à 6 fois plus de chaînes, et concurrencée par le développement d’Internet.

La TNP (télévision numérique personnelle), avatar mobile de la TNT, et la radio numérique, sont un échec complet et ne sont pas déployées.

L’ADSL a permis l’augmentation des débits des abonnés Internet, et la diffusion de bouquets télévisés par les fournisseur d’accès. Cette évolution n’avait absolument pas été anticipée par les chaînes de télévision.

Enfin, le P2P, profitant de la vidéo numérique et de l’augmentation des débits, a fourni un moyen d’échange pratique de contenus “à la demande” ou presque, en l’absence d’offre commerciale sérieuse.

La délinéarisation

La délinéarisation, c’est la disparition de la nécessité d’être devant son poste de télévision à l’heure dite pour regarder son émission préférée. Grâce à la numérisation, aux progrès en termes de stockage et de transmission, elle a beaucoup avancé depuis ce que permettait le magnétoscope :

  • le P2P, précurseur
  • la VoD gratuite sur Internet (Youtube…)
  • la VoD payante…
  • les fonctions d’enregistreur numérique des box ADSL
  • les divers services de Replay, par les fournisseurs d’accès ou les chaînes elles-mêmes

Et ce n’est qu’un début. Là où aujourd’hui il est possible de retrouver l’émission ou l’épisode que l’on a raté la veille au soir, dans quelques années on pourra demander n’importe quel épisode, dès que les ayants-droit l’auront accepté.

La délinéarisation massive et Internet sont les grands amis des missions principales du CSA :

  1. Ils multiplient à l’infini les sources, assurant le pluralisme qui devient “naturel”
  2. Ils donnent accès à tous ceux qui le désirent à une diffusion planétaire
  3. Ils réduisent la granularité du contenu, faisant disparaître la notion de “chaîne” et rendant caduque celle de “quota”

Sur Internet le CSA ne peut donc se prévaloir d’aucune utilité sur lesdites missions.

À plus ou moins long terme on peut prédire que la délinéarisation va transférer sur Internet l’essentiel des diffusions “en boite” : tout ce qui n’est pas diffusé en direct, émissions, séries, films, etc. La diffusion télévisée garde encore temporairement son intérêt pour la diffusion à grande échelle d’émissions ou événements en direct.

Internet est en train (à 5-10 ans d’échéance) de tuer révolutionner la télévision telle que nous la connaissons, et c’est bien cela qui inquiète l’industrie du divertissement. Pour les sceptiques, voir ceci : MIPCOM : Youtube part à l’assaut de la télévision.

La télévision connectée

Parler de “télévision connectée” pour justifier une fusion CSA-ARCEP-HADOPI, c’est voir les choses par le petit bout de la lorgnette.

Le terminal utilisé n’a aucune importance, si ce n’est savoir qui en maîtrise le logiciel.

Certains brancheront leur télévision sur Internet pour des visionnages en famille, d’autres se contenteront d’une tablette ou d’un téléphone mobile, d’autres encore brancheront l’ordinateur sur la télévision.

Même d’un point de vue de politique industrielle ou protectionniste, cela fait bien longtemps que tous ces matériels électroniques ne sont plus fabriqués en Europe sinon en quantités insignifiantes.

Les Google-TV et Apple-TV ont été des flops mémorables… pour l’instant, mais l’essentiel est là pour diffuser massivement de la vidéo à la demande : les périphériques (ordinateurs, téléphones, tablettes ou téléviseurs améliorés…), l’infrastructure, l’offre commerciale (les app-stores). Seuls les catalogues laissent encore à désirer..

Qu’on ne s’y trompe pas : Google et Apple vont très prochainement être présentés comme les forces à combattre ou à taxer, justifiant protectionnisme législatif et fiscal, mais la fusion CSA-ARCEP vise la régulation des contenus sur Internet au sens large.

La situation à ce jour

On se trouve donc en présence aujourd’hui :

  • d’un CSA qui voit son pouvoir et sa légitimité s’effriter à mesure que l’audience et les contenus se déplacent de la télévision vers Internet, et qui n’a jamais franchement prouvé son indépendance par rapport au pouvoir politique ;
  • de conglomérats d’anciens média qui tirent les mêmes conclusions que le CSA, ne comprennent Intenet que comme un danger, et de plus constatent le rétrécissement progressif de leurs recettes publicitaires télévisées ;
  • d’un pouvoir politique tenté, comme toujours en France, de préserver des situations acquises au détriment de l’avenir, et éventuellement désireux d’économiser quelques postes en réduisant le nombre pléthorique d'”autorités” ;
  • d’une ARCEP qui défend une indépendance relative mais assez largement reconnue, démontrée notamment lors de l’attribution de la 4e licence de téléphonie mobile.

La proposition de fusion CSA-ARCEP, dont les premières réflexions ont été initiées sous la présidence précédente, vise donc avant tout à tenter de préserver les situations acquises, indépendamment de tout pragmatisme vis-à-vis d’usages et de technologie dont l’évolution n’a pas attendu  le législateur. Sans grande surprise, cette fusion est d’ailleurs soutenue par Bouygues (propriétaire de TF1) et Vivendi.

Sur le papier, le CSA a beaucoup à y gagner, avec une  extension théorique de ses pouvoirs, un transfert de ceux-ci sur Internet ne faisant que suivre celui des contenus. En pratique, ces moyens ont été pensés à l’ère de la télévision et sont totalement inapplicables sur Internet ; quant à ses missions officielles, elles sont remplies “par construction” sur Internet.

Pour se convaincre de l’impossibilité de gérer Internet comme la télévision, il suffit de se demander s’il semble possible de rendre Internet aussi aseptisé que la télévision française.

La proposition de joindre à cette fusion la HADOPI ne fait que démontrer à nouveau la volonté de mainmise des industries du divertissement.

En revanche l’ARCEP, qui reste la dernière instance à peu près indépendante des industries du divertissement, a énormément à y perdre, et avec elle le citoyen, le consommateur, et toute l’industrie d’Internet.

 

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