Depuis 1954, à l’exception d’un intermède allemand en 1988 avec l’ICE, c’est la France qui a détenu le record mondial de vitesse sur rail sur infrastructure classique (le Maglev japonais est un cas à part).
Le record de 1954 est réalisé à 243 km/h entre Dijon et Beaune sur une ligne presque neuve (l’électrification est toute récente) avec une locomotive électrique Alsthom de la série des CC 7100, la CC 7121, sans modification, et une rame de trois voitures. La vitesse atteinte est la vitesse maximale théorique de l’engin, cependant prévu pour rouler en service commercial à la vitesse limite de 150 km/h.
Ce n’est qu’une mise en jambes (disons en roues) pour le record qui fera date, celui des 28 et 29 mars 1955. À la CC 7107, du même type que la locomotive du record précédent, s’ajoute la BB 9004 (prototype des BB 9200). Elle vont effectuer séparément la même tentative, à la tête d’une rame de 3 voitures voyageurs carénées. C’est la ligne des Landes, 30 kilomètres de voie droite entre Lamothe et Morcenx, qui sert à réaliser le record. Les locomotives utilisent leurs moteurs de série, les rapports d’engrenages sont modifiés et des roues plus grandes montées. La tension électrique à la caténaire est poussée à 1900 volts et des sous-stations temporaires sont installées pour fournir la puissance électrique nécessaire. Après le passage de la rame tractée par la BB 9004, au moment du freinage, la voie est littéralement défoncée sur 500 mètres. Néanmoins, la vitesse de 331 km/h a officiellement été atteinte par les deux locomotives (en réalité, on a su lors du cinquantenaire du record que la CC 7107 n’avait pas dépassé 327 km/h, mais la SNCF n’a voulu vexer personne en 1955, vu la faiblesse de l’écart).
Ce record remarquable tient jusqu’au 26 février 1981, où l’ouverture imminente de la ligne TGV Sud-Est facilite évidemment une nouvelle tentative : ligne nouvelle et matériel moteur sont neufs et conçus pour la grande vitesse. Le record est porté à 380 km/h, chiffre qui montre la marge de sécurité disponible pour l’exploitation initiale de la ligne Sud-Est à la vitesse de 260 km/h (portée depuis à 300 km/h).
L’Allemagne, au moment de la préparation du premier ICE, en profite pour rafler quelques temps la vedette au TGV avec 406,9 km/h le 1er mai 1988 sur la ligne Hanovre-Würzburg.
Ce record sera pulvérisé le 18 mai 1990 par un nouveau record établi sur la ligne Atlantique à 515,3 km/h près de Vendôme et qui n’a pas été battu à ce jour. Le matériel utilisé est une rame TGV Atlantique modifiée : moteurs de série mais électronique de commande modifiée, roues plus grandes, rame raccourcie à 3 remorques (au lieu de 10), pantographe spécialement réglé… quant à l’infrastructure, outre une ligne à grande vitesse avec voie neuve réglée au millimètre sur une section en alignement conçue pour la tentative de record, la caténaire est tendue spécialement pour permettre le captage du courant aux vitesses envisagées (une étude japonaise avait conclu peu avant à l’impossibilité de dépasser 450 km/h avec une captation du courant par pantographe…).
Et maintenant, dans le plus grand secret — même si l’information a fuité fin novembre 2006 et que depuis quelques temps la presse ferroviaire bruisse de chuchotements d’initiés sur le mode tout le monde le sait mais personne n’en parle –, la SNCF, Alstom et RFF nous préparent un nouveau record.
Le journal La Vie du Rail, probablement dans la confidence mais se retenant d’en parler jusque là, se livre alors dans son numéro du 13 décembre à un exercice d’acrobatie journalistique magistralement réussi : détailler et discuter les rumeurs, sans jamais les confirmer, tout en donnant un avis technique sur la question… et en lâchant tout de même la photo « d’un drôle d’attelage qui circule sur Internet » : les deux motrices carénées acheminées par une locomotive Diesel après leur préparation.
Le record sera tenté entre les gares de Meuse et de Champagne sur une nouvelle ligne, celle du TGV Est, taillée pour 320 km/h dès l’ouverture (avec des marches d’essai à 360 km/h pour validation) et 350 km/h à terme, les nouvelles motrices POS plus puissantes avec de nouveaux moteurs (voir l’article technique de la RGCF) et une rame constituée spécialement : 3 remorques Duplex équipées de 2 bogies moteurs supplémentaires (leur chaîne de traction est installée dans la voiture bar…), pour un total de 20 MW de puissance motrice, soit plus du double d’une rame TGV classique (8,8 MW).
Le 15 janvier la rame a commencé à circuler près de Chalons en Champagne. La ligne Est entrant en exploitation commerciale le 10 juin 2007, le record devra obligatoirement être établi avant. La période entre le 15 janvier et le 14 mars a été citée.
Le projet est baptisé V150 comme 150 m/s, soit 540 km/h, la vitesse visée officiellement, qui dépasserait tout juste le record de 1990. Les experts évoqués par La Vie du Rail affirment qu’il ne faut pas espérer atteindre les 600 km/h. Cependant, bien que les promoteurs du projet jouent profil bas pour l’instant histoire de pouvoir travailler sans avoir les media sur le dos, si les essais se passent bien le record pourra peut-être s’approcher au plus près de la limite annoncée (ne serait-ce que pour battre le record du Maglev en 2003 à 581 km/h), et, pourquoi pas, la dépasser si les experts se trompent…
Ajout : malheureusement la photo de la rame sur la ligne nouvelle le 15 janvier (images de la semaine du site de La Vie du Rail) ne semble plus accessible, en revanche on peut trouver ici et ici (enregistrement nécessaire) de très belles vues prises pendant son stationnement dans un triage et son acheminement.
2 thoughts on “De record en record jusqu’à V150”
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