En mars 2022, j’ai voulu tenter une petite expérimentation : est-il possible en ville d’assurer 100 % de sa consommation énergétique numérique mobile (ordinateur portable + ordiphone) par énergie solaire renouvelable ?
L’idée de fond n’était pas de décarboner ni de faire une économie sur la facture d’électricité : malgré le pilonnage médiatique anti-numérique sur le poids colossal supposé de celui-ci, les quantités en jeu sont insignifiantes : tout au plus 50 à 100 Wh par jour, soit moins de 0,02 € sur la facture.
Le but était surtout de voir si on peut s’assurer une autonomie minimale en cas de coupure prolongée du réseau électrique.
L’habitat en ville, en immeuble, introduit quelques contraintes :
impossible d’utiliser un groupe électrogène classique : solution de toute façon exclue car polluante, bruyante, et non autonome puisqu’il faut de l’essence ;
difficile de déployer des panneaux solaires fixes sans accès à la toiture.
J’ai donc opté pour cette batterie de camping, d’une capacité de 500 Wh avec sortie 220 V et USB :
… et ce panneau solaire d’un peu moins de 1 m² , pour une puissance crête théorique de 120 W :
Le coût des 2 équipements est de presque 700 €, ce qui exclut toute rentabilité de l’investissement en terme de production d’électricité.
Avec une telle capacité de batterie, on peut en gros espérer alimenter un ordinateur portable pendant 20 à 30 heures, ou faire 30 recharges complètes de téléphone mobile.
La batterie pourrait se recharger théoriquement en 4-5 heures si le panneau produisait au maximum (120 W), mais la batterie possède un limiteur qui n’accepte pas plus de 65 W en charge. Cependant, il est possible de dépasser cette valeur par grand soleil en branchant des charges directement en sortie : elles seront alors alimentées directement par l’électricité reçue du panneau. L’électronique se charge alors de gérer les excédents en chargeant la batterie, ou les déficits en la déchargeant.
Par un beau jour et par éclairage direct, il est possible de récupérer 65 W, donc recharger la batterie théoriquement en 8-9 heures. En pratique, même au solstice d’été, en ville avec les ombres portées par les immeubles, il est difficile de dépasser 3-4 heures de charge maximale.
On peut bien sûr optimiser la production en déplaçant le panneau manuellement pour suivre au mieux le soleil, mais c’est peu pratique et très chronophage.
En novembre, ça se corse : le soleil est plus bas — ce qui, en ville, augmente très sensiblement les périodes d’ombre portée –, le temps est plus couvert, il est difficile de récupérer plus de 5-10 W. Ici, par temps couvert, on atteint péniblement 3 W, soit environ 2 heures pour gagner 1 % de charge batterie seulement. Depuis que j’ai pris cette photo, la puissance de charge est tombée à 1 W en plein midi…
La batterie était tombée à 10 % en début de mois, mais j’ai pu récupérer 30 % de charge en 2 journées relativement ensoleillées et avec un suivi serré du soleil.
En conclusion, si par une belle journée d’été ou de printemps il est assez facile de produire 100 à 200 Wh avec un tel matériel, on doit plutôt tabler sur 10 à 20 Wh par jour en moyenne en automne en région parisienne sur une journée couverte, et elles sont nombreuses.
Je considère donc que fonctionner en autonomie complète sur mon matériel mobile, malgré une utilisation très sobre (30 mn d’ordinateur portable par jour), est un quasi-échec.
Rassurez-vous, je ne suis pas — pas encore — ministre de l’Intérieur.
Ce billet est une réécriture rapide d’un fil que j’ai fait sur Twitter sur la question, veuillez pardonner le style informel voire télégraphique.
Il s’agissait simplement de déposer les candidatures du Parti Pirate dans les circonscriptions des français établis à l’étranger pour les législatives 2022. J’avais pour cela pris rendez-vous en ligne suivant la procédure expliquée ici :
copie d’écran du site du ministère
Tout a commencé par « Pierre, tu habites à Paris, tu pourrais aller à Beauvau déposer les dossiers de candidats de circonscriptions de l’étranger ? ». Tel l’agneau qui vient de naître, pensant que ça prendrait 4-8h : « oh oui, bien entendu ».
Je pensais aussi que c’était la semaine d’après (16-20 mai) comme pour les candidatures sur le territoire national. « Alors non, date de clôture 13 mai 18h ». Il est conseillé de prendre rendez-vous en ligne.
Dimanche dernier, je me renseigne sur les pièces à fournir à Beauvau. Je vois qu’il y en a un monceau et je commence à solliciter des originaux pour les cas où il en faut, en prenant en compte les délais postaux. Ce n’est pas super clair quand on ne connaît pas, et même quand on connaît.
Ainsi, la déclaration de candidature doit être un original signé du candidat, mais son suppléant doit fournir un formulaire similaire avec une mention “manuscrite” très longue. Que veut dire “manuscrite”, manuscrite sur la feuille à donner (donc original), ou manuscrite en apparence (donc copie permise) ? Suspense…
La question a son importance, car quand on doit faire venir des originaux de l’autre bout de la planète (les candidats pour les circonscriptions de l’étranger résident souvent… à l’étranger) il faut s’y prendre un peu à l’avance. On avait donc demandé à nos candidats d’expédier les papiers nécessaires à Paris.
Nous avons eu des courriers reçus à J+1 ou J+2 venant de France, et même un miracle : courrier arrivé de Prague à Paris à J+2. En revanche un opérateur courrier “J+1” Belgique -> France nous a explosé les délais (mouvement social), à J+3 les papiers ne sont toujours pas arrivés.
Je m’étais constitué une petite checklist pour préparer tout ça le circonscription par circonscription. J’ai découvert après que Beauvau avait une checklist très similaire mais bien plus complète, qui incluait les points à vérifier sur chaque document fourni.
J’avais donc préparé :
déclaration de candidature original+copie
mandat du candidat au déposant (inclus dans la précédente)
déclaration du suppléant : elle dispose d’une mention manuscrite longue, plus compliquée que pour le candidat…
copie des pièces d’identité candidat + suppléant + mandataire
preuves d’inscriptions sur les listes électorales du candidat et du suppléant : elles s’obtiennent en ligne en 30 secondes mais il faut avoir les informations précises d’état civil et la commune de vote
déclaration de rattachement du candidat à un parti et à la campagne audiovisuelle
pièces prouvant la déclaration du mandataire financier (récépissé de la préfecture) ou pièces nécessaires à celle-ci [déclaration signée + pièce d’identité], on y reviendra plus loin.
Le problème s’est donc posé de savoir si la déclaration du suppléant devait être sous forme originale, ou si une copie était acceptée. Le service des élections fournit un numéro de téléphone sur sa page web, très disponible, ce qui m’a permis de demander vers 11h30 (presque au dernier moment, donc) si “manuscrit” voulait dire “original” ou “écrit à la main et scanné”. La réponse 2, “toléré”, nous a beaucoup simplifié la vie.
Au vu de la checklist, à 12h55 — l’heure théorique de mon départ — j’avais encore quelques documents manquants, et je voulais éviter de planter des candidatures sur un oubli, donc j’ai échangé à fond avec les assesseurs Pirates par Internet, qui avaient déjà préparé plein de documents, pour récupérer les morceaux manquants.
Je suis parti avec 3 dossiers qui sont les seuls que j’ai eu le temps de boucler. Une 4e circonscription est malheureusement passée à la trappe faute de temps pour en imprimer et vérifier les papiers.
Finalement, je suis parti à 13h06 à vélo du 13e arrondissement pour un rendez-vous à 13h30 à Beauvau. Inutile de dire que je n’étais pas à l’heure et que j’ai effectué une interprétation créative de la signalisation tricolore. Je posais mon vélo à 13h31 place des Saussaies et j’avais encore la sécurité du site à passer.
À Beauvau, sans grande surprise, l’entrée est soumise à un contrôle de sécurité type aéroport (portique) et il faut laisser une pièce d’identité à l’entrée. Il faut donc venir avec 2 pièces pour montrer l’autre au service des élections. Mais tout cela est très bien expliqué dans les instructions.
Et une fois au service des élections, petite attente dans un des fauteuils en cuir du couloir, avec une vue imprenable sur le parquet et le câble de l’imprimante. J’ai pu discuter avec un autre déposant, suppléant pour une candidate résidant en Suisse.
Le rendez-vous s’est très bien passé, de manière détendue, beaucoup moins stressante que je l’imaginais. Les papiers étaient presque corrects, il manquait juste une copie de pièce d’identité que j’ai pu faire parvenir par mail grâce à la réactivité des Pirates.
La mention “récépissé de déclaration du mandataire financier ou pièces nécessaires pour sa déclaration” semblait mystérieuse. Elle laissait entendre qu’on pouvait effectuer la déclaration de mandataire après la déclaration de candidature : pas du tout. Le mandataire doit être déclaré avant la candidature. Mais si ce n’est pas le cas, le service élections, dans sa grande sagesse, s’en charge si on lui fournit les pièces, ce qui nous évite un rendez-vous supplémentaire préalable à la préfecture.
J’ai reçu un récépissé provisoire de déclaration de candidature pour chacune des 3 circonscriptions. Comme je sais que vous adorez les papiers administratifs tamponnés, voici à quoi il ressemble :
J’ai également reçu ce papier établi par l’Intérieur indiquant la répartition prédésignée des partis. En France, le ministère de l’Intérieur décide si un parti est de gauche ou de droite. Je ne sais pas comment sera classé le Parti Pirate.
Et enfin, les horaires des tirages au sort le soir même concernant l’ordre de citation des partis dans chaque circonscription. En l’absence de petits fours, et ayant déjà d’autres engagements, j’ai choisi de ne pas y assister.
Tout a commencé par une modeste vidéo de mariage prise avec mon téléphone ces dernières semaines.
Ce week-end, en une soirée, j’en ai effectué un premier montage rapide avec kdenlive, pour l’envoyer à quelques membres de la famille pour premier visionnage.
Ce qui semblait le plus simple pour leur faciliter la vie était de placer la vidéo sur Youtube.
Les modes de publication sur Youtube
Si vous connaissez la publication sur Youtube, vous pouvez passer directement à la section « Exécution ».
Trois options sont possibles : vidéo privée, non répertoriée, ou publique :
options de visibilité de Youtube
Le mode « privé » ne donne accès qu’aux personnes qui ont un compte Google et qui sont explicitement listées par l’auteur comme autorisées. Ce mode est très peu pratique dans la plupart des cas, soit que l’on ne connaisse pas l’identifiant Google de tous les destinataires, soit que certains d’entre eux n’en possèdent tout simplement pas.
Le mode « public » rend la vidéo accessible à tous et indexée par les moteurs de recherche, donc trouvable à travers eux. Elle est également annoncée dès publication à tous les abonnés de la chaîne.
Le mode « non répertorié », enfin, est intermédiaire. Il rend la vidéo accessible à tous ceux qui en connaissent l’adresse, qui peuvent la transmettre à qui ils le souhaitent, mais la vidéo reste discrète : elle n’est annoncée à personne, ni trouvable par des moteurs de recherche.
C’est ce dernier mode que j’avais choisi, car il semble le plus pratique pour diffuser une vidéo personnelle familiale.
Exécution sans sommation
Avec mon insouciance et mon innocence coutumières, je téléverse donc samedi soir la vidéo sur Youtube.
Le lendemain, je découvre que la vidéo a été bloquée suite à « Réclamation ». Ce n’est pas vraiment une surprise, puisque j’ai déjà abondamment parlé ici de Content-ID et de la directive copyright, le système qui détecte des extraits d’œuvres et rend les intermédiaires responsables des contrefaçons, et que ma vidéo comporte un large extrait filmé de la piste de danse.
Extrait de la page “gérer les vidéos” de Youtube
On peut obtenir la liste des « Réclamations » pour identifier les œuvres à problèmes :
Liste des réclamations d’ayants-droit (2 parties réassemblées)
Ma vidéo a donné lieu à 13 réclamations : 11 d’entre elles sont mineures et m’empêchent de monétiser la vidéo, ce qui n’était de toute façon pas mon intention. Deux sont bloquantes : elles empêchent la vidéo d’être visible par d’autres personnes que moi, y compris en la passant en mode « privé ».
De là, il est possible de voir à quels morceaux de la vidéo s’appliquent les réclamations :
Petits meurtres d’œuvres entre amis
Ensuite, on peut choisir le sort à réserver à chaque passage litigieux :
le supprimer purement et simplement
remplacer la musique (ce qui pourrait être amusant sur un morceau dansé)
couper le son pendant le passage
Le remplacement propose directement une liste de titres gratuits. On peut également, apparemment, placer un morceau que l’on a importé soi-même.
Quant à la suppression du son, il existe deux possibilités : remplacer par un silence, ou tenter d’enlever uniquement le morceau musical contesté, donc supposément en conservant les bruits d’ambiance, par traitement du signal.
J’ai choisi « ne couper que le son du titre », espérant un résultat cocasse où l’on aurait encore entendu des applaudissements, cris et bruits de pas sans la musique, mais ça n’a pas fonctionné : aucun son n’a subsisté. On était prévenu par la mention bêta qu’il ne fallait pas s’attendre à des miracles. De plus, le traitement est particulièrement long et ne peut être réalisé que sur un seul morceau à la fois.
La résurrection
Finalement, de guerre lasse, j’ai mis la vidéo en « non listée » sur ma propre instance Peertube.
Peertube est un logiciel libre qui permet de créer sa propre plateforme vidéo personnelle en évitant les systèmes de censure a priori installés sur les grandes plateformes pour respecter la directive copyright.
Les promesses non tenues des sociétés d’ayants-droit et de la directive copyright
Rappelons qu’à l’origine de toutes ces complications, la directive copyright, pour reprendre les mots d’un ancien ministre de la culture, Franck Riester, serait là pour protéger « les créateurs et la diversité culturelle européenne » :
En parlant de résurrection, j’ai exhumé ces deux affirmations évidemment rassurantes du secrétaire général de la Sacem — une des organisations à l’origine de l’article 17 de la directive, ici en jeu –, David El Sayegh, dans cet article des Échos. Il s’agissait alors, en 2018, d’appuyer le vote de la directive à l’époque incertain en raison d’un premier vote défavorable.
cela n’aboutira pas à un filtrage généralisé (si)
« vous pouvez vous marier plusieurs fois avec des chansons différentes » (non)
Cette fiction n’a été que de courte durée puisque, dès le vote de la directive, Jean-Marie Cavada, son rapporteur, se félicitait du filtrage automatisé qui serait mis en œuvre.
On voit.
archivé ici https://twitter.com/reesmarc/status/1014540988617056256 (remerciements à Marc Rees)
En raison de l’actualité — révision de la loi renseignement de 2015 –, on parle à nouveau des boites noires, dispositifs que les services de renseignement ont souhaité installer dès 2015 sur Internet dans l’espoir d’opérer un équivalent des écoutes téléphoniques.
Ce billet se veut une réflexion purement théorique sur les aspects juridiques et possibilités techniques des boites noires [pour les aspects techniques réels voire a-légaux, on peut se référer à cet article de Reflets sur IOL et j’y reviendrai peut-être ; pour le juridique, à cet article très détaillé de Félix Tréguer].
il peut être imposé aux opérateurs et aux personnes mentionnés à l’article L. 851-1 la mise en œuvre sur leurs réseaux de traitements automatisés destinés, en fonction de paramètres précisés dans l’autorisation, à détecter des connexions susceptibles de révéler une menace terroriste.
Le législateur ne dit rien ici des moyens à mettre en œuvre. En théorie, il peut s’agir de traitements purement logiciels — utilisant donc les moyens existants de l’opérateur –, ou de matériel dédié à cet usage — ce que l’on entend en général par “boites boires” –.
C’est la CNCTR (Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement) qui se charge de la mise en œuvre administrative des boites noires : procédures d’autorisation, etc.
La CNCTR et l’« algorithme »
Dans le rapport d’activité 2019 de la CNCTR, les « boites noires » sont plaisamment baptisées « technique de l’algorithme ». On peut lire page 51 :
“S’agissant enfin de l’algorithme52 sur des données de connexion en vue de détecter des menaces terroristes, aucune nouvelle autorisation de mise en œuvre n’a été sollicitée en 2019. À la fin de l’année 2019 trois algorithmes avaient été autorisés depuis l’entrée en vigueur du cadre légal et continuaient à être en fonctionnement.”
52 – Il s’agit de la technique prévue par les dispositions de l’article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure.
À ce stade, avec 3 mises en œuvre en 2019, le déploiement des boites noires semble assez limité. Dans son rapport 2020 qui vient tout juste d’être publié, la CNCTR affirme que rien n’a changé cette année-là : ces mêmes 3 boites noires sont toujours en place.
Malgré de nombreux débats et questions au parlement lors de leur vote, on ne sait rien sur leurs capacités physiques, ni sur les données et algorithmes utilisés, ni sur les emplacements choisis. La raison invoquée est le secret défense.
Sous le capot : les données de connexion
Un rapide détour technique s’impose. Si cela vous ennuie, vous pouvez passer directement à la section suivante.
C’est un document technique, la RFC 791, qui a défini le format des informations échangées sur Internet, autrement le paquet IPv4 (je ne parlerai pas ici du paquet IPv6, mais les principes sont les mêmes). C’est son entête qui contient l’intégralité des données de connexion réellement utilisées par le fournisseur d’accès. On parle aussi de métadonnées. Surlignées en vert, les données indispensables à l’acheminement du paquet : l’adresse source et l’adresse destination. En orange, d’autres données également utiles à l’acheminement. En jaune, on commence à entrer dans les détails des données transmises : il ne s’agit plus vraiment de données de connexion au sens strict.
La RFC 793, quant à elle, définit les informations de l’entête TCP, qui est utilisé notamment pour les connexions http (web), et vient s’ajouter aux données IP précédentes.
TCP définit le port source et le port destination (ici en jaune) : ils permettent en particulier de distinguer une connexion web (port 80 ou 443) d’une connexion de courrier électronique (25, 143, 993, 587, etc, suivant le cas). TCP transporte également les données utiles — l’intérieur de l’enveloppe –, c’est le “data” en rouge en bas du paquet.
L’inspection profonde, ou DPI
On appelle Deep Packet Inspection (DPI), en français « inspection de paquets », l’accès aux données au delà des données de connexion. C’est un procédé beaucoup plus intrusif, et qui sort du cadre de ce qui est permis par la loi même au titre des boites noires.
En matière postale, cela reviendrait à ouvrir une enveloppe pour en lire le contenu, ce qui est formellement prohibé (secret des correspondances).
Le terme de DPI éveille donc l’attention lorsqu’il est utilisé.
Que sont les boites noires et où les met-on ?
Ce point à lui seul mériterait un billet complet. Les questions à se poser sont, notamment :
les boites noires contiennent-elles des moyens de stockage ?
où sont-elles placées : sur les dorsales de réseaux, aux points d’échange, aux points de raccordement des abonnés, chez les hébergeurs, sur des liens internationaux… liste non exhaustive et non exclusive ?
quelles informations pré-triées remontent-elles aux services de police ?
quels traitements sont réalisés, dans la boite noire et après celle-ci, sur les informations ?
La nouvelle loi et l’accès aux URL…
D’après Gérald Darmanin reçu par France Inter le 28 avril 2021, la nouveauté sera l’accès aux URL : « La difficulté que nous avions, c’est que nous n’utilisions pas les URL. Là vous utilisez les URL, c’est à dire les données de connexion qui vous permettent de voir quelle recherche exacte vous faites. » (émission ici).
[Mise à jour : Il invoque ensuite — et c’est un sujet légèrement différent, mais connexe et plus inquiétant — la collaboration des plateformes pour accéder à nos messages chiffrés et possiblement aux journaux de connexion, qui permettent de savoir les URL consultées.]
… et pourquoi ce n’est pas si simple qu’à la radio ou au parlement
Cela pose deux problèmes : un de principe, et un technique.
Le problème de principe est simple : l’URL est transportée uniquement dans la partie data des paquets. Si on se limite aux données de connexion, comme l’exige actuellement la loi, il est impossible d’y accéder. En fait, la loi interdit même, en théorie, à la police de distinguer une connexion web d’une connexion de courrier électronique ou d’une requête DNS, puisqu’il faut regarder les numéros de ports, et que ceux-ci ne relèvent pas à strictement parler des données de connexion au sens du fournisseur d’accès.
Pour accéder aux URL, il faut donc exploiter du DPI, mentionné plus haut.
Admettons donc qu’une analyse complète du paquet par DPI soit permise juridiquement.
Aujourd’hui, 80 % des communications de données sur Internet sont chiffrées. C’est ce qu’indique le cadenas dans votre navigateur, désormais présent sur presque tous les sites. [Correction : @cryptopartyrns sur twitter m’indique qu’en 2021 on est plutôt autour des 90-95 %]
Or, il est impossible d’accéder à ces données de manière instantanée. Au mieux, il faut dépenser des semaines ou mois de calcul intensif pour casser le chiffrement (décrypter). C’est évidemment impossible à réaliser sur une proportion significative du trafic Internet : ce type de décryptage, coûteux et lent, n’est effectué que dans des cas rares et limités.
La CNIL dans sa délibération du 8 avril 2021 confirme d’ailleurs que seule l’écoute des URL “en clair” est envisagée à ce stade :
Le chiffrement ne protège pas toutes nos communications
Sans casser le chiffrement, il existe encore plusieurs failles à la confidentialité de notre trafic :
les adresses IP source et destination, nécessaires pour acheminer le trafic.
les numéros de ports utilisés, qui donnent des indices sur l’activité (web, mail, etc).
le DNS, qui circule encore largement en clair aujourd’hui, même si DoH et DoT visent à mettre fin à cette faille. En écoutant le DNS, il est possible de savoir le nom du site auquel quelqu’un accède. Si le site est youtube.com ou facebook.com, cela ne va pas nous en apprendre autant sur le contenu que s’il s’agit de openrailwaymap.org.
le chiffrement web, appelé TLS, ne chiffre pas encore le nom du site demandé. On peut donc le connaître également par ce biais. C’est en cours de résolution avec une extension appelée ESNI, dont le déploiement est balbutiant.
il existe aussi des failles occasionnelles de sécurité permettant de casser plus rapidement du trafic chiffré. Ces failles sont évidemment corrigées après leur découverte, et tout est fait pour les éviter. Leur exploitation ne peut être qu’aléatoire et temporaire, il n’est pas possible de fonder une stratégie d’écoutes sur elles.
il y a enfin la possibilité d’émettre des faux certificats pour écouter le trafic. Ce type d’intervention n’est cependant pas discret, il ne peut donc pas être utilisé à grande échelle sous peine d’être rapidement découvert.
L’existence de très grandes plateformes rend la connaissance du nom de serveur de moins en moins utile : personne ne peut savoir par ce simple nom si la vidéo Youtube ou la page Facebook que je consulte sont celles d’un groupe faisant l’apologie du terrorisme ou d’un club de fondamentalistes des chatons.
Il existe un dernier moyen, plus aléatoire mais plus rapide, de découvrir quel contenu chiffré a été accédé : la connaissance de la quantité de données transférées. Si j’accède sur nextinpact.com ou partipirate.org à une page de 367813 octets, il est relativement facile à partir de cette simple information de retrouver de quelle page il s’agit à partir d’un index du site, tel que les moteurs de recherche peuvent en posséder. Là aussi, des contre-mesures sont envisageables dans le futur proche (bourrage de paquets, ou padding).
Déterminer quelle vidéo a été consultée à partir de la taille transmise est plus difficile, les retours en arrière ou visionnages partiels étant fréquents. En revanche, on peut tenter d’estimer le débit de la vidéo, voire le passage visionné, à partir des intervalles temporels et des tailles de paquets.
Je suppose que l’on parle ici de la technique particulière de l’apprentissage profond (réseaux neuronaux). L’effet de mode étant patent, le terme d’IA utilisé en tant que poudre de perlimpinpin, comme le secret défense, permet de se dispenser d’argumentation.
Or l’intelligence artificielle — comme l’informatique — a besoin, pour fonctionner, de données concrètes et ne peut pas deviner des données non accessibles, par exemple chiffrées, qui sont majoritaires dans l’Internet d’aujourd’hui.
Supposons malgré cela qu’on ait des données suffisamment « en clair ».
L’intelligence artificielle a en outre besoin d’une quantité suffisante de données : un jeu de données initial, de préférence aussi étendu que possible, fourni avec les « réponses ». Dans le cas de l’apprentissage lié aux boites noires, puisque nous voulons déclencher, ou ne pas déclencher, des alarmes appelant à une investigation plus poussée, il faudrait donc les données suivantes :
des données de connexion anodines ne devant pas déclencher d’alarme
des données de connexion de présumés terroristes déclenchant l’alarme
Si l’ensemble 1 ne pose pas de problème technique pour être obtenu en volume, l’ensemble 2 est moins simple : il existe heureusement peu de terroristes, on ne dispose donc pas a priori de beaucoup de données de connexion en rapport, et les signaux à repérer vont varier dans le temps : nouveaux sites, nouveaux contenus, nouvelles applications.
L’usage de l’intelligence artificielle pour détecter des terroristes ne semble pouvoir mener qu’à une impasse également : les données d’apprentissage ont toutes les chances d’êtres insuffisantes, la cible est rare, et la combinaison de ces deux facteurs va donc produire une quantité élevée de faux positifs. Tous les systèmes de « détection automatique de terroristes » ont ce même problème statistique.
Comment réagir ?
Il est établi que l’accès aux URL n’est pas possible avec le degré et l’utilité que laissent entendre les déclarations de Gérald Darmanin.
Concernant l’usage de l’intelligence artificielle, le ministre cherche manifestement à développer l’industrie des technologies de surveillance par de la subvention déguisée. Autrement dit : chacun sait que cela ne peut pas marcher, mais cela permet d’attribuer de la commande publique à des sociétés bien choisies. Cette intention de soutenir l’industrie de la surveillance a déjà été explicitée par le gouvernement, notamment lors des discussions sur la reconnaissance faciale.
Il est probable que la loi ne va pas changer grand chose à l’efficacité des boites noires. Si la disposition permettant l’accès aux URL est adoptée, elles vont devenir plus intrusives : l’accès au delà des données de connexion est un précédent et supprime une protection notable. Il faut donc nécessairement le refuser, en tant que position de principe.
Mais l’impact de ce renoncement est fortement atténué par le déploiement du chiffrement suite aux révélations d’Edward Snowden concernant la surveillance de masse.
Nous devons donc continuer à privilégier les outils chiffrés de bout en bout, et les informaticiens à les déployer et les développer (je pense à la protection des noms de domaine). Fondés sur les mathématiques plutôt que sur les intentions de nos gouvernants et de nos polices, ils restent le meilleur moyen à ce stade de nous protéger des intrusions à grande échelle dans nos communications personnelles et notre vie privée.
Quant aux intentions exprimées par Gérald Darmanin sur la collaboration des plateformes pour accéder à nos contenus chiffrés en passant par la petite porte, elles sont à suivre avec une grande attention, car elles constituent une autre forme notable d’extension de la surveillance, d’autant plus inquiétante qu’il n’y a jamais de retour en arrière (effet cliquet).
Tout a commencé en septembre 2017 par un banal achat d’imprimante laser couleur. Il nous fallait une imprimante utilisable facilement ailleurs que sous Windows, idéalement en réseau pour éviter des allées et venues entre ordinateurs, et recto-verso. De préférence, connaissant les formats Postscript ou PDF pour éviter d’avoir à réaliser des conversions. La plupart de ces fonctions sont réalisables par logiciel pour compenser leur absence, mais c’est toujours plus compliqué à mettre en œuvre.
Par ailleurs, nous souhaitions une imprimante laser au lieu d’une jet d’encre. Ces dernières ne sont pas particulièrement moins chères, et sont moins fiables (l’encre sèche avec le temps), alors que nous imprimons assez peu. Je pensais aussi échapper aux restrictions d’usage qui touchent les cartouches jet d’encre et permettent de les vendre à prix fort, pensant naïvement que les cartouches de toner en étaient exemptes.
Bref, nous trouvons rapidement un modèle qui coche toutes les cases à un prix intéressant, un peu moins de 110 €. Appelons-la modèle 310.
C’est une imprimante très ressemblante mais d’un modèle différent que nous recevons. Appelons-la 317. La 317 est identique à la 310, à un petit détail près : elle a l’option wifi, qui ne nous intéresse pas du tout. Mais ça ne semble pas gênant de l’avoir.
L’imprimante est munie de 4 cartouches d’encre d’origine : noir, magenta, cyan, jaune. Elles sont censées permettre l’impression d’environ 1500 pages, contrairement aux cartouches vendues ensuite, prévues pour 3000 pages. Leur format étant identique, les cartouches d’origine ne sont donc pas remplies complètement. Le coût par page de l’imprimante neuve avec cartouches est ainsi relativement comparable au coût par page des 4 cartouches de remplacement. Le constructeur souhaite probablement s’assurer qu’on ne commandera pas une imprimante neuve complète lorsque vient le moment de changer les cartouches d’origine.
Passent alors quelques mois d’utilisation sans histoire, jusqu’à la fin 2018, principalement en noir et blanc. Nous approchons de l’épuisement de la cartouche magenta, gentiment signalé à l’avance par l’imprimante.
Nous commandons donc des cartouches de remplacement du constructeur, profitant d’une offre groupée à prix « d’ami » incluant les 4 couleurs. Nous les stockons en attente d’utilisation, le temps que la cartouche magenta d’origine arrive effectivement à bout, ce qui prendra 4 ou 5 mois.
« Et là, c’est le drame. »
L’imprimante ne reconnaît pas la cartouche magenta de remplacement, produisant une erreur cryptique et refusant catégoriquement d’imprimer, même en noir et blanc.
Tout naturellement nous appelons donc l’assistance de la marque en France, qui investigue pour m’expliquer, en substance, que tout cela est de ma faute : mon modèle est le 317, or j’ai commandé des cartouches pour le modèle 310. Il est donc tout à fait « normal » que cela ne fonctionne pas. J’aurais dû faire attention. Je peux m’adresser au vendeur des cartouches pour demander un échange.
De son côté, le vendeur des cartouches — nous avions, autre erreur, privilégié un commerçant du sud de la France pour éviter d’engraisser une grande plateforme de vente en ligne — explique qu’au titre de ses conditions de vente il ne peut réaliser d’échange, même de cartouches neuves non déballées, car notre commande date de plus de 3 mois (puisque nous nous y étions pris à l’avance).
Nous voilà donc avec une imprimante totalement inutilisable à moins de payer à nouveau au moins une cartouche magenta (environ 150-170 €), et 450 € de cartouches inutilisables, potentiellement revendables sur e-bay avec les complications associées, une perte de valeur pour nous, et un risque pour l’acheteur.
Pour la petite histoire, la présence d’une cartouche vide empêche également toute mise à jour logicielle de l’imprimante.
En faisant quelques recherches en ligne, je découvre que des commerçants chinois revendent des circuits (chips) de remplacement pour les cartouches, classés par couleur d’encre, modèle d’imprimante, nombre de pages le cas échéant, et zone géographique.
Ici un petit aparté sur la notion de zone géographique pour imprimante. D’après l’assistance du fabricant, il s’agit de fournir du toner optimisé pour la région où il est utilisé, afin d’être adapté aux conditions climatiques locales (hygrométrie, température).
On pourra juger de cette promesse en constatant sur cette image que la Russie et toute l’Afrique sont dans la même zone, ainsi que l’Espagne et le Groenland, ou encore le sud des États-Unis et le grand nord du Canada. En revanche, cette politique commerciale permet d’appliquer des tarifs et circuits de distribution différenciés par continent.
J’ai donc commandé sur Aliexpress, en Chine, les circuits de remplacement “zone Europe”, pour chacune des 4 couleurs, pour le modèle d’imprimante 317.
Ces circuits sont normalement prévus pour recharger des cartouches avec du toner “compatible” (bien moins cher). Je dois être l’un des rares à m’en être servi sur des cartouches constructeur neuves. La somme est modique (15 € par circuit), le risque financier est donc minime même si l’opération échoue, et la manipulation est simple : 2 vis à ôter, le chip à remplacer, on revisse et c’est reparti.
Cet hiver j’avais remplacé le chip de la cartouche magenta, ce qui m’a permis d’utiliser à nouveau l’imprimante après presque 1 an de panne sans trop savoir comment s’en sortir. Je viens de remplacer le chip et la cartouche noire. On note sur l’emballage (photo ci-dessous) la mention du nombre de pages (3K), de la couleur (BK = black, noir), et de la zone géographique (EUR).
Addendum technique : les circuits ci-dessus sont interfacés avec l’imprimante par le protocole I2C, très courant dans le petit matériel électronique. Il est possible, dans une certaine mesure, de les reprogrammer par ce protocole pour changer les paramètres (autre couleur, autre imprimante, autre zone géographique, remise à zéro du compteur), et on trouve sur le web des instructions d’électroniciens à cet effet. C’est de ce type d’instructions que se servent les vendeurs de chips “pirates”. Dans certains cas, il est impossible de reprogrammer un circuit qui est arrivé au bout du nombre de pages. J’ai essayé ces procédés avec un Raspberry — car celui-ci comporte une interface I2C — sur les circuits “constructeur”, mais sans succès. J’aurai peut-être plus de résultats avec les circuits commandés en Chine.
Les imprimantes considérées ici sont les Lexmark CS310dn (sans wifi) et CS317dn (avec wifi), mais il existe énormément d’autres marques connues qui pratiquent le même genre de procédé : HP, Epson, Ricoh, Samsung, etc. L’objet de ce texte était surtout de montrer les complications que cela implique pour des usages légitimes, ces restrictions n’étant bien entendu jamais explicitées lors de l’acquisition.
Suite à ce billet précédent, La sobriété numérique, oui mais pour quoi faire ?, il est apparu nécessaire de revenir sur cette nouvelle tendance qui consiste à s’attacher au volume de données pour évaluer les impacts du numérique, et démontrer à nouveau en quoi cela n’a aucun sens.
En effet, le législateur se prépare à demander à nos fournisseurs de téléphonie et d’accès Internet de faire figurer sur nos factures une évaluation de l’équivalent CO₂, abrégé eqCO₂ (car des conversions existent pour d’autres éléments provoquant également un effet de serre) dérivant « directement » de notre consommation de données.
Profitant du contexte — étude en ce moment au parlement de la loi contre le gaspillage –, je vais tenter de montrer ici pourquoi cela ne protégera aucunement l’environnement et risque de nous orienter vers des politiques publiques désastreuses.
L’un des promoteurs de cette nouvelle croisade est le Shift Project. Le Shift Project est un think-tank associatif bien connu dans les milieux environnementaux, dont l’objectif est de proposer des mesures de politique publique pour respecter les accords de Paris et mener au mieux la lutte contre le réchauffement climatique.
Le Shift a publié en 2019 un rapport sobrement titré Climat : l’insoutenable usage de la vidéo en ligne, ciblant donc très explicitement la vidéo comme mauvais élève à abattre, en raison de son fort poids dans le trafic actuel des réseaux. Devant les levées de boucliers et des erreurs manifestes de méthodologie (facteur d’exagération de 20 à 50 de l’impact eqCO₂ sur certains chiffres publiés, ceux qui ont été le plus repris dans les médias), le Shift Project a fait discrètement machine arrière dans son rapport 2020 au titre plus sobre, Déployer la sobriété numérique, dans une note de bas de page :
Cependant, le mouvement de fond consistant à vouloir réduire la consommation de données est bien lancé en France, et il subsiste, alimenté la plupart du temps par une unique source, les études du Shift Project et de Carbone 4, le cabinet de consultants associé. On l’a notamment vu dans le débat contre la téléphonie 5G, où le chiffre –faux — le plus cité dans les médias français sur l’augmentation de la consommation électrique provenait d’une (trop) rapide multiplication issue d’une tribune du Shift publiée par le Monde, extrapolant abusivement des consommations d’équipements chinois spécifiques à l’ensemble des antennes du parc français.
Or, sur le fond, la critique de la consommation de données est fondée sur un choix non explicité et arbitraire, donc extrêmement contestable : la répartition de l’impact CO₂ du numérique par ses différents acteurs (opérateurs, équipementiers, services, etc) devrait se faire au prorata du volume de données consommé. Nous allons voir en quoi ce choix est infondé.
Comment évalue-t-on le poids du numérique ?
Les évaluations dites Top-Down (parce qu’elles ne s’intéressent qu’aux grandes masses sans entrer dans les détails de fonctionnement) incluent des Analyses du cycle de vie, donnant lieu à des rapports de « responsabilité sociale d’entreprise » (RSE). Ces rapports consistent à auditer l’ensemble des processus d’une entreprise et à en calculer l’impact environnemental. L’équivalent CO₂ n’est qu’une partie de ces évaluations. La consommation électrique est convertie en eqCO₂ au prorata du kWh, sur un facteur dépendant des modes de production. En France, le chiffre de 60-65 grammes eqCO₂/kWh est couramment utilisé, il correspond à l’évaluation par RTE du mix moyen de production français, peu carboné.
Ce poids inclut donc l’ensemble de l’activité de l’entreprise : non seulement la partie directement productive — dans le cas d’un opérateur, ses équipements réseau, serveurs, etc — mais également les consommations des camionnettes des équipes d’installation et maintenance, les chauffages et climatisation des bureaux, la consommation d’eau courante, l’entretien des parkings, etc.
On obtient ainsi un certain nombre de chiffres, dont l’équivalent CO₂ total émis annuellement par l’entreprise, qui sont publiés dans les rapports RSE.
Comment évalue-t-on ensuite le poids en équivalent CO₂ du volume de données ?
C’est ici qu’on commence à entrer dans les raisonnements à l’emporte-pièce, ceux qui semblent sujets à caution.
On évalue le trafic total de l’opérateur tel que délivré aux utilisateurs, et on divise le eqCO₂ émis par l’opérateur par le volume de données transmis.
On obtient ainsi un chiffre artificiel en grammes de eqCO₂/Go transmis, ou parfois en kWh/Go, facilement communicable et faussement parlant.
Au passage, on suppose que le service rendu par un opérateur est intégralement celui du volume de données transmis et qu’il n’existe rien d’autre de pertinent et mesurable. Or il existe d’autres métriques non moins utiles. Pour un opérateur de télécommunications : couverture géographique, débit, taux de disponibilité, etc. Pour un service de vidéo en ligne : œuvres stockées, ouverture à des tiers pour auto-publication, etc. Pour un service de simple stockage en ligne, le coût de gestion de la quantité de données ne sera pas le même que pour un service vidéo qui a besoin de procéder à des traitements lourds d’encodage. Pour un virement bancaire ou un message Twitter, le coût individuel de traitement d’une transaction va être très élevé par rapport au volume transféré. Et ainsi de suite.
Quand on a un marteau…
Pire : une fois que cette métrique artificielle du gramme eqCO₂/Go sera popularisée et présente éventuellement sur les factures des fournisseurs d’accès comme le propose aujourd’hui le législateur, la réaction attendue de l’utilisateur va être de réduire sa consommation de données pour décarboner.
Or il est facile de montrer que cet effort est vain et que cette initiative risque de détourner notre attention d’efforts plus efficaces.
Si demain nous divisons tous par 2 notre consommation de données au vu de l’évaluation qui précède, satisfaits de faire ainsi « notre part » dans la réduction d’impact, nos opérateurs vont-ils soudain constater avec plaisir que leurs factures d’électricité, d’équipements, de chauffage, de carburant sont également divisées par 2 ?
La réponse est évidemment « non ».
Pourraient-ils démonter quelques équipements afin de réduire leur infrastructure en rapport avec la baisse de volume ? Marginalement peut-être, mais pas au point de la réduire par un facteur proportionnel.
En fait l’impact sur le CO₂ émis serait infime, probablement même pas mesurable.
Il est utile de rappeler en passant que, si l’on cherche des corrélations, l’impact en équipement et consommation électrique d’une infrastructure d’opérateur, mobile comme fixe, est principalement lié à sa couverture géographique. Si nous voulons protéger l’environnement par des mesures de restriction, il serait donc directement utile de réduire cette couverture géographique. Affirmons sans grand risque d’être démenti que ce ne serait pas une voie souhaitable : en creux, on peut voir là une confirmation que les réseaux numériques ont une utilité qui va bien au delà de la comptabilité des volumes échangés.
Pitié pour les données…
Ce choix méthodologique de clé de répartition au volume, jamais questionné, n’a donc aucun sens physique, comme expliqué ici et dans le billet cité en introduction.
Pourquoi avoir choisi le volume de données ? La métrique a l’avantage d’être simple et de sembler logique. C’est le principe du compteur d’eau ou d’électricité.
Or si le numérique a vu ses usages exploser dans nos sociétés, c’est parce qu’il ne fonctionne pas aussi simplement que cela, et parce que la logique du compteur, privilégiée par les administrations des télécoms et leurs financiers, a été abandonnée : elle ne reflétait pas du tout les coûts réels, était elle-même coûteuse et improductive, et freinait notablement l’émergence des réseaux numériques à grande échelle et à haut débit.
La comptabilisation par secteur plutôt qu’au volume
La métrique du volume de données a aussi l’avantage perçu en France de cibler — en apparence — surtout des acteurs étrangers de la vidéo en ligne : Youtube, Netflix, Disney, etc. C’est oublier que la vidéo sur hébergement personnel est désormais possible, grâce à des outils comme Peertube, développé d’ailleurs par des français. Plomber la consommation de données ne peut que décourager les utilisateurs de s’approprier ces technologies, donc empêcher toute déconcentration du secteur, pourtant rêvée par nombre de nos politiques.
Si on se place du côté des gros fournisseurs de services, l’absurdité d’imputer le CO₂ par rapport aux volumes apparaît encore plus évidente. La vidéo en ligne produirait environ 60 % du trafic Internet aujourd’hui, selon une étude citée par le Shift. Est-ce que, pour autant, les fournisseurs de service concernés produisent 60 % du CO₂ de la totalité du secteur, comme le laisse entendre l’imputation au volume ? Très probablement pas. Il serait utile de le vérifier. Personne ne semble l’avoir fait.
Nous avons besoin de méthodologies d’imputation plus rigoureuses
Si nous voulons utilement lutter contre le réchauffement climatique, il est urgent de développer des méthodologies plus rigoureuses permettant un ciblage utile des efforts à réaliser, en entreprise comme par les citoyens, mais aussi en matière de politiques publiques. Sans cela, nous courons le risque de perdre nos efforts, notre temps et pire, de rater une cible qui est déjà difficile à atteindre.
Le volume cache la forêt
Réintroduire de près — imposition au vu d’un montant équivalent CO₂ artificiel ? — ou de loin une restriction des volumes échangés serait un considérable retour en arrière, introduisant une pénurie qui ne protégerait aucunement l’environnement, au contraire : elle nous restreindrait dans les usages vertueux du numérique — par exemple, la vidéoconférence ou le télétravail qui évitent des déplacements fortement émetteurs de CO₂ et qui congestionnent nos réseaux de transport. L’Ademe a ainsi conclu dans une étude récente que les externalités positives du télétravail prédominaient.
Le numérique est avant tout un fantastique outil de copie et diffusion en masse de l’information, bénéficiant d’effets d’échelle considérables. Depuis l’époque du Minitel, les débits de données couramment disponibles à coût comparable ont été multipliés par un million (de 1200 bps à 1 Gbps). Il en est de même avec les capacités de stockage, la puissance de nos ordinateurs, etc.
On me rétorquera — c’est un slogan en vogue — qu’il n’existe rien d’infini dans un monde fini. C’est une évidence. Mais notre bon sens habituel est dépassé pour appréhender des facteurs de gain d’efficacité d’un million en 40 ans, et les analogies avec le monde physique (réseau routier vs réseaux numériques) sont inopérantes et trompeuses.
On me parlera aussi de l’effet rebond — et de même, après avoir rappelé que l’effet rebond n’est pas une théorie physique s’appliquant mécaniquement avec certitude, qu’il ne peut donc être prouvé qu’a posteriori et n’a rien d’une fatalité, je répondrai qu’il faudrait un sacré effet rebond dans les usages pour enterrer des gains d’efficacité d’un million. Je ne réserve pas 1 million de fois plus de billets de train qu’autrefois, ni ne commande 1 million de fois par correspondance, ni ne regarde 1 million de fois plus d’heures de vidéo — je suis contraint là par le monde physique, celui qui n’a que 24 heures par jour.
Suite à mon billet précédent sur la question, et quelques retours de Stéphane Bortzmeyer, Philippe Bourcier et Laurent Penou, que je remercie ; suite aussi à un article tout récent de Pour la Science, j’ai décidé de commander un peu de matériel électronique pour pouvoir mieux mesurer la consommation des équipements réseau domestiques.
Voici le graphique extrait de Pour la Science titré « le vrai coût énergétique du numérique » (réservé abonnés) [ bizarrement, le graphique semble avoir disparu de l’article depuis que je l’ai consulté initialement ], par Anne-Cécile Orgerie.
C’est ce style de graphe que je souhaiterais réaliser.
Pour cela, il faut un système permettant un relevé automatique périodique des consommations.
J’ai donc commandé :
une prise DELOCK 11827, essayée par Jan-Piet Mens ici.
Ces prises permettent une commande de l’appareil branché, mais aussi une consultation de sa consommation relevable par navigateur web ou programmation, à travers une connexion wifi.
un boîtier PZEM-004T. Le PZEM-004T est un circuit wattmètre intégré qui se branche entre le secteur et l’équipement à mesurer. Il se vend parfois nu, parfois dans un boîtier plastique. Il peut être relevé par port série (sur niveaux TTL), ou avec un câble USB réalisant l’adaptation. Le modèle représenté ici est limité à 10 ampères, mais il existe également une version 100 ampères que je n’ai pas commandée pour l’instant, et qui dispose d’une pince de courant pratique pour mesurer de fortes intensités sans couper le câble.
un relais 1PM « Shelly Plug ». Ce boîtier, normalement conçu pour être intégré dans un interrupteur mural ou une prise pour les rendre commandables à distance par navigateur web ou téléphone mobile, à travers votre wifi, inclut également un wattmètre relevable. Il y a en ce moment des promotions chez Shelly, petite société bulgare, et le paquet de 2 Shelly 1PM est à un prix particulièrement intéressant.
une « Shelly Plug S », à peu près la même chose que le Shelly 1PM ci-dessus, mais sous forme de prise électrique, prête à utiliser, et similaire à la DELOCK 11827 présentée en haut. Il existe un autre modèle de puissance supérieure, et toute une gamme pour commander vos appareils électriques à distance.
un module wattmètre I2C pour basse tension, courant continu, relevable par I2C. Il est donc plus compliqué à utiliser, il faut lui adjoindre un équipement supplémentaire disposant de l’I2C : un Raspberry, par exemple, ou un processeur destiné à l’électronique embarquée comme un STM32 ou un ESP32 qui disposent des interfaces nécessaires. Il doit être calibré avant usage, mais il dispose d’une bonne résolution (20 mW). En le complétant avec quelques prises adaptées, on peut par exemple lui faire mesurer la consommation d’un appareil USB, d’un appareil sur batterie, ou peut-être sur adaptateur secteur — si la tension mesurée est suffisamment lissée, ce qui n’est pas forcément gagné dans ce dernier cas –.
Voilà. Restera à installer tout ça et à en tirer des informations pertinentes.
PS : Stéphane Bortzmeyer a lui aussi parlé des mesures qu’il a faites sur son réseau (électrique) domestique, des appareils utilisés, et des résultats obtenus. https://www.bortzmeyer.org/mesure-conso-energie.html
I have recently converted my self-hosted FreeBSD jails (including this very blog) to the VNET architecture.
A few words about VNET
The purpose of this post is not to explain jails, or VNET, but to provide examples for migration from the traditional jail networking environment (in my case, using ezjail), to the VNET architecture. There are numerous documents online for jail environments based on iocage, but not that much about ezjail-based ones.
Up to VNET, networking in jails had severe limitations on addressing, in particular limitations on the loopback interfaces (::1 and 127.0.1) and usage of IP aliases, which caused numerous configuration headaches. This was due to the jails sharing network interfaces and the full networking stack with the host. It was possible to alleviate some of this with multiple routing tables (setfib & al), but it was still limited.
VNET allows the jails to run networking stacks totally separated from the host’s, like it would in a fully virtualized guest. As a consequence, it allows running virtual routers with specific firewalls filters to better organize and isolate jail networking.
VNET basically works by moving network interfaces to the guest jails, in a separate instance of the network stack, hiding them from the host environment. This is done at jail startup, but it can also be done dynamically to a running jail with:
ifconfig <interface> vnet <jail_id>
VNET works on any kind of interface: physical or virtual. It is thus perfectly possible to assign a physical interface, or a VLAN tagged interface, etc, to a jail.
Enabling VNET
First, we need to enable VNET in the kernel. From FreeBSD 12, the default kernel has VNET already, so there is nothing to do, unless you have a custom kernel. On FreeBSD 11, you need to recompile a kernel after adding the following line:
options VIMAGE # Subsystem virtualization, e.g. VNET
VNET and ezjail
What to do next with ezjail?
ezjail‘s configuration files are stored in /usr/local/etc/ezjail, one file per jail, named after the jail’s name. ezjail uses environment variables based on the former jail configuration variables stored in /etc/rc.conf. Under the hood, the system converts these lines to the new jail syntax, .conf files stored in /var/run.
The line that configures networking looks like the following (may be wrapped on your screen):
Note that we don’t specify IP addresses or the loopback interface anymore. Configuration will be done by the jail itself, possibly in the regular /etc/rc.conf way:
We still have to create the interface the jail is going to use, here epair17b. I chose the epair/if_bridge architecture as it seemed the most flexible and easier to get a grip of, but it is also possible to use netgraph-based interfaces, or anything other the system supports.
epair interfaces are 2 virtual network interfaces linked with a virtual crossover cable. if_bridge is a bridge interface which switches traffic between the interfaces you attach to it. By combining both and adding routers, you can create any virtual network architecture.
To prepare the interfaces,
ifconfig epair17
creates two interfaces, epair17a and epair17b.
epair17b will be given to the jail; epair17a will stay on the host, and will have to get connectivity somehow. This is typically done by making it a bridge member.
epair17a may or may not have an IP address assigned to it (it does not need one if it is only used for bridging), but it needs to be up:
ifconfig epair17a up
We also need to add one of the interfaces to a bridge, so it gets connectivity to the rest of the network:
ifconfig bridge0 create up
ifconfig bridge0 addm epair17a
To make it easier to understand, I made a view images showing possible architectures.
First, example of a basic configuration where all the jails are configured on the same local network as the host through bridge0, mimicking the traditional jail networking.
Figure 1
Here, the jails are organized on two separate subnetworks, with Host possibly providing IP routing and firewalling.
Figure 2
Lastly, on Figure 3, another architecture where the first group of guests, Guest 1 and Guest 2, is directly configured on the local network, whereas Guest 4 and Guest 5 are connected through virtual router Guest 3. For example, this can be used in a setting where Guest 1 and Guest 2 provide the front-end to a service, and Guest 3 and Guest 4 provide the backend (databases, etc). Guest 4 and Guest 5 don’t even need full connectivity to the Internet, this can be enforced with firewall rules on Host or Guest 3.
Figure 3
Making the configuration persistent
The above commands were meant to explain the workings of the setup, but they are ephemeral. The configurations need to be made persistent in the boot configuration of Host, for example in /etc/rc.conf:
Note that the epair interfaces on the guests don’t need to be up from the host configuration. The guest startup code will manage this.
Using jib to create/destroy interfaces dynamically
The above static configuration has a small issue: VNET takes quite some time (dozens of seconds) to reassign an interface of a deleted jail to the host, making it invisible in the meantime. This means that a jail restart will fail for lack of the adequate interface.
To avoid this, and create persistent MAC addresses for the interface, which comes-in handy, there are scripts provided in /usr/share/examples/jails, jib (for epair/bridge-based interfaces) and jng (for netgraph-based interfaces).
We just need to install these scripts in /usr/local/sbin and make them executable.
jib creates epair interfaces and adds one interface of the pair to a bridge connected to an output interface, ie:
jib addm TEST re0
will create interfaces e0a_TEST and e0b_TEST and add e0a_TEST to a bridge named re0bridge if it exists, or failing that, create such a bridge and connect it to re0. The jail will be configured to use nterface e0b_TEST.
The cherry on the cake with jib/jng : they try and keep MAC addresses persistent.
To create and destroy interfaces dynamically with ezjail, instead of tweaking /etc/rc.conf, we only need to add the following lines to the ezjail configuration file for the jail:
Note that it is possible to directly set-up IP addresses on bridge0bridge1 etc, which may save a couple of epair interfaces in the second and third examples. This is left as an exercise for the reader.
Also, it seems currently difficult or impossible to use VLAN interfaces (if_vlan) in a bridge configuration. I’m still digging on this subject.
References
I have found the following pages useful when preparing my setup and this post:
Thanks to Jacques Foucry for his work on the nice graphics, Mat Arnold for pointing me to /usr/share/examples/jails and Éric Walter for the idea of the SVG WordPress plugin, avoiding the use of pixelated graphics 🙂
Due a bug in zone generation, all updates for the EU.ORG zone were stuck from 2020-08-29 02:19 UTC to 2020-09-04 14:40 UTC. Then an incorrect fix was made, resulting in the publication of incorrect DNSSEC signatures for the zone from 2020-09-04 14:40 UTC to 2020-09-04 19:37:00 UTC. Then the final, correct fix was implemented.
This episode, unoriginal albeit humbling, nevertheless yielded interesting returns of experience.
All times in the rest of this document are UTC times.
The software setup at eu.org
The primary DNS server for EU.ORG runs ISC‘s BIND. The zone is currently generated by Python and shell scripts from a Postgresql database. This does not include DNSSEC records for the zone (except DS records for delegations). DNSSEC records are generated and refreshed by dnssec-signzone, one of the tools provided with bind. Once the zone file has been updated, it is reloaded using rndc reload, another command-line tool provided with bind.
Zone key rotation is handled by custom scripts which periodically check for key age and schedule key generation, pre-publication, activation and de-activation as needed, calling dnssec-keygen to manage the key files.
Setup for the failure: blocked updates
2020-08-29 02:19: due to a race condition in the zone generation process (issue #1), the EU.ORG zone file disappeared.
The last good and published version of the EU.ORG zone file, still loaded in the primary server, had serial number 2020082907, generated at 2020-08-29 01:12. In the case of a missing file, the reload obviously fails but bind behaves nicely and keeps serving its older in-memory version of the file.
However, the disappearance of the zone file caused all subsequent zone file generation processes to fail (issue #2), as they were accessing the current version of the file to fetch the currently published serial number.
The problem remained unnoticed (issue #3: incomplete monitoring) until 4 September 2020, when a user notified us that his new domain was still undelegated.
The ugly
Around 2020-09-04 14:40, a first fix was attempted: a known good version of the zone file was reinstalled to allow the zone generation process to succeed, then a new zone was generated, freshly DNSSEC-signed, and loaded.
However, the above timeline conflicted with a scheduled key rotation of the zone-signing keys. The theoretical key rotation schedule was as follows:
Theoretical key rotation schedule
The new key (14716) was due to be published from 2020-08-29 05:37, a few hours after the zone update process failed. It should have been present in concerned resolver caches about 24 hours later, alongside the previous key (22810), ready to be used to check signatures (RRSIG records) of the zone which were supposed to be published from 2020-09-03 05:37.
However, due the zone update suspension, this happened instead. The skipped steps are shown in gray.
Actual key rotation schedule (before fix)
The zone was directly updated from the 2020-08-14/2020-08-29 key configuration to 2020-09-04 14:40.
A few minutes after 2020-09-04 14:40, it was apparent that something was amiss: the resolution of EU.ORG domains failed for people using resolvers with DNSSEC validation.
The cause was quickly identified: since pre-publication for DNSKEY 14716 was missed, most resolvers only had the unexpired DNSKEY 22810 in their cache, while the only RRSIG records available in the zone servers required key 14716.
The bad
The obvious fix was to reactivate key 22810 and regenerate the zone signatures (RRSIG records) with dnssec-signzone. This also leaves in place the signatures with key 14716 (keeping the latter was needed for resolvers which had begun to cache key 14176).
As a side note, it helped that the EU.ORG switched a few months ago to NSEC3 “opt-out” mode. This saves a lot of space (especially in nameserver memory) for zones with many delegations, which is especially useful if you temporarily need double signatures such as in this episode.
A first implementation attempt was made at 2020-09-04 14:52 by updating the dates in the public key file (.key) for key 22810, pushing the inactivation date to 2020-09-07 05:37:00 and the deletion date to 2020-09-09 05:37:00.
the TTL value above is ignored by dnssec-signzone, which by default reuses the TTL in the zone file. The actual TTL is 86400.
note the weird year 202 instead of 2020
After update:
; Created: 20200808100738 (Sat Aug 8 12:07:38 202)
; Publish: 20200809053700 (Sun Aug 9 07:37:00 202)
; Activate: 20200814053700 (Fri Aug 14 07:37:00 202)
; Inactive: 20200907053700
; Delete: 20200909053700
EU.ORG. 172800 IN DNSKEY 256 3 8 AwEAAcHAqfeFzQqo9vFq8ZziaQs2...
However… (issue #4: when working in a hurry, expect stupid mistakes), this fix was wrong, albeit harmless. As should have been obvious from the “;” prefix, the above lines are informational. The change above was without any effect, but this was initially unnoticed for lack of adequate testing. (issue #5: don’t reset resolver caches too early, it may hamper testing; if you are expecting specific RRSIG records, test this explicitly).
The good
The actual dates are in the adjoining .private file, which was finally updated as follows:
This resulted in the following key rotation schedule, implemented from 2020-09-05 19:37, which finally fixed the issue and probably reduced the zone downtime by almost 19 hours.
It was tested on an untouched resolver which failed EU.ORG requests and recovered from the update (hypothesis: is this because of heuristics on RRSIG records when no cached DNSKEY matches the cached RRSIG records?).
Fixed key rotation schedule
Lessons learned
The above incident will result in several procedural changes on the EU.ORG servers. Some of these are marked as issue #n; others are being considered, like using bind‘s automated signature mode, coupled with dynamic zone updates, which would have made the whole episode moot (but would introduce a strong dependency on bind). Writing this post-mortem text helped make the most of the incident.
Thanks to Stéphane Bortzmeyer, always vigilant when it comes to DNS and DNSSEC bugs, who noticed and notified us that the zone was still broken after the initial incorrect fix, and who read and commented an initial version of this text.
Avertissement ajouté le 17/7/2020 : l’objet de ce billet n’est pas de nier l’impact environnemental du numérique, mais d’étudier la pertinence des injonctions à la limitation de notre volume de données.
La facturation au volume, ou la limitation des abonnements Internet, vieux serpent de mer des réseaux numériques depuis des décennies et rêve de certains opérateurs, fait aujourd’hui sa réapparition sous la motivation de la défense de l’environnement, notamment via un rapport récent du sénat, suivi d’un rapport similaire du Conseil national du numérique. Ces rapports s’appuient notamment sur ceux du Shift Project de 2018 et 2019 sur la sobriété numérique ; ces derniers ont vu certains de leurs éléments critiqués en raisons d’erreurs manifestes (surévaluations des empreintes).
Suite à de nombreuses discussions notamment sur les réseaux sociaux, lectures de rapports et études, etc, depuis 2 ans, je voulais poser ici quelques arguments mis en forme pour éviter d’avoir à les réécrire ici et là.
L’affirmation principale qui sous-tend l’idée de limiter notre consommation de données est que l’explosion des volumes provoquerait une explosion de la consommation électrique. Cet argument est également cité pour mettre en doute la pertinence du déploiement de la 5e génération (5G) de téléphonie mobile.
Nous allons voir qu’en fait, l’essentiel de la consommation électrique des réseaux est constitué par le fonctionnement de l’infrastructure, indépendamment de la quantité de données.
Pour commencer, quelques rappels de notions électriques fondamentales pour mieux comprendre les chiffres que l’on voit circuler ici et là, et leurs ordres de grandeur.
Le Watt est l’unité de puissance électrique. C’est une valeur “instantanée”. Pour éclairer correctement vos toilettes, vous aurez besoin de moins de puissance que pour illuminer un monument comme la tour Eiffel. Un four électrique, un grille pain ou un radiateur engloutissent aux alentours de 1500 à 2500 watts. Un téléphone mobile, moins de 5 watts. Comme la quasi totalité de la consommation électrique passe en effet Joule, tout objet usuel qui consomme de manière significative émet de la chaleur. C’est un moyen très simple de s’assurer qu’un objet ne consomme pas beaucoup d’électricité : il ne chauffe pas de manière sensible (c’est un peu différent pour des moteurs électriques, mais cela reste vrai pour des ampoules).
Le Watt.heure, Wh (ou son multiple le kilowatt.heure, kWh) est une unité d’énergie. Si vous vous éclairez pendant 2 heures au lieu d’une heure, la consommation d’énergie sera doublée. Et en mettant deux ampoules, vous consommerez en une heure ce qui aurait pris deux heures avec une simple ampoule.
Le fournisseur d’électricité compte donc les kWh pour la facturation. Il calibre également le compteur pour une limite (en Watts) à la puissance appelable à un moment donné. C’est une limitation de débit. Cela peut vous empêcher de faire tourner à la fois le four électrique et le chauffe-eau, gros consommateurs d’électricité, mais ça ne vous interdit pas de les utiliser l’un après l’autre.
Une batterie, que ce soit de téléphone ou de voiture (électrique ou non) stocke de l’énergie et voit donc sa capacité exprimée en watts.heure. On peut aussi l’indiquer en ampères.heure. Dans ce cas, il faut multiplier cette dernière valeur par la tension nominale (volts) pour obtenir la capacité équivalente en watts.heure.
On voit passer parfois, au fil des articles, des “kilowatts par an” ou “mégawatts par heure”. Ces unités n’ont pas de sens physique directement utile. Elles indiquent en général une erreur.
Comment vérifier des consommations d’appareils électriques
Il est facile de vérifier soi-même la consommation des appareils électriques usuels avec un “consomètre”. Ainsi, vous n’aurez pas à prendre pour argent comptant ce qu’on affirme ici ou là. On en trouve pour moins de 15 €. Les modèles auto-alimentés (sans pile) sont en général préférables, évitent la corvée de piles et sont donc plus respectueux de l’environnement, mais peuvent perdre la mémoire en cas de coupure. Ces appareils permettent aussi bien de mesurer la consommation instantanée (la puissance, en W) que l’énergie utilisée sur une certaine durée (en kWh donc), pour les appareils qui ont une consommation fluctuante (par exemple, un frigo ne se déclenche que pour refaire un peu de froid quand c’est nécessaire).
Commençons par un objet courant, le point d’accès wifi.
Un point d’accès wifi de ce type, allumé, consomme environ 4 watts, tout le temps, indépendamment de son utilisation. Côté antenne wifi, la législation en France interdit une émission d’une puissance supérieure à 100 mW. Autrement dit, la consommation due à la transmission par l’antenne est au grossièrement (pour simplifier, car l’électronique interne sera également un peu plus sollicitée) 2,5 % de la consommation totale de la borne. L’interface ethernet (filaire) consomme un peu d’électricité elle aussi, mais celle-ci dépend de la longueur du câble plus que du volume de données transmis. Certaines bornes disposent ainsi d’un mode “vert” pour réduire la consommation électrique dans un environnement personnel, où les câbles mesurent quelques dizaines de mètres au maximum, plutôt que 100 mètres.
La différence de consommation entre une borne qui émet au maximum de sa capacité et une borne allumée sans aucun trafic sera donc au maximum de 2,5 %. En tout cas, il faut être conscient que diviser par 2 sa propre consommation de données ne divisera pas par 2 la consommation électrique associée, ni chez soi, ni ailleurs. Il est très facile avec un consomètre de le vérifier par soi-même pour la partie à domicile.
La box Internet
Les mêmes remarques s’appliquent à votre box d’accès Internet. Celle-ci va avoir, comme un point d’accès wifi, une ou plusieurs prises ethernet, et un accès au réseau de l’opérateur : aujourd’hui ADSL, VDSL ou fibre.
L’ARCEP a publié en 2019 un rapport sur l’impact carbone des accès à Internet. D’après un des acteur interrogés, “la fibre consomme en moyenne un peu plus de 0,5 Watt par ligne, soit trois fois moins que l’ADSL (1,8W) et quatre fois moins que le RTC [réseau téléphonique classique] (2,1W) sur le réseau d’accès”. Ces estimation de consommation ne varient pas du tout en fonction du volume transmis. En effet l’ADSL comme la fibre ont besoin d’émettre en permanence, que beaucoup ou peu de données soient transmises.
On voit aussi les progrès sensibles accomplis au fil des générations technologiques, puisque la consommation fixe décroît alors que le débit disponible augmente.
Par ailleurs, comme avec la borne wifi, la partie concernant la transmission longue distance présente une consommation marginale par rapport à celle de la box qui représente aux alentours de 10 à 30 watts suivant les générations. Les opérateurs travaillent d’ailleurs à la réduction de cette consommation, car elle devient un argument commercial.
Le téléphone mobile
Bon, la box Internet ou le point wifi ne consomment donc pas tant que ça. Qu’en est-il du téléphone mobile, présenté comme extrêmement gourmand ?
L’avantage du téléphone mobile est qu’il est alimenté par une batterie. Il est donc très facile d’estimer sa consommation maximale en fonctionnement : c’est celle d’une charge batterie complète, moins les pertes de celle-ci (faibles).
Une batterie de téléphone mobile d’aujourd’hui possède une capacité de 10 à 15 Wh. Elle peut donc fournir 10 à 15 W pendant une heure, ou la moitié pendant 2 h, etc.
L’éclairage d’écran d’un téléphone consomme à lui seul aux alentours de 2 W (facile à vérifier avec un consomètre assez sensible sur lequel on branche le chargeur). Cela représente le coût majeur lorsque vous visionnez une vidéo. La consommation est nettement plus élevée si vous préférez le faire sur un grand écran type téléviseur, et cela s’applique également à la télévision hertzienne classique.
Par comparaison, une ampoule LED consomme environ 8 watts pour remplacer à luminosité équivalente une ampoule à incandescence de 60 watts. Autrement dit, une charge de téléphone mobile n’a l’énergie pour éclairer une ampoule “basique” que pendant 1 à 2h. Il est évidemment important d’éteindre les pièces inoccupées, mais on en parle peu. Nous avons été convaincus que le téléphone mobile consommait bien plus, ce qui est faux.
Et le réseau mobile ?
Comme votre installation personnelle, la consommation du réseau de téléphonie mobile est essentiellement un coût fixe. L’équipement actif d’une antenne allumée va consommer quelques kilowatts ou dizaines de kilowatts, l’émission hertzienne proprement dite se contente de quelques dizaines de Watts, soit 100 fois moins. Autrement dit, la variable principale qui sous-tend la consommation électrique d’un réseau mobile est l’étendue de la couverture géographique, directement corrélée au nombre d’antennes.
Une étude finlandaise citée par le document Arcep a tenté d’estimer, pour la téléphonie mobile, la consommation électrique du réseau par rapport au volume de données, autrement dit le nombre de kWh par gigaoctet transféré (kWh/Go).
Pour effectuer de telles estimations d’impact environnemental, les méthodes dites d'”analyse du cycle de vie” (ACV) évaluent l’ensemble des coûts imputés par une activité. Ainsi, l’évaluation de l’empreinte de la téléphonie mobile intègre la fabrication des terminaux, la consommation personnelle (recharge quotidienne du téléphone), etc. Pour évaluer l’empreinte d’un opérateur mobile, on prend en compte la consommation des antennes, mais également la climatisation et chauffage des bureaux, etc. En divisant ce chiffre de consommation électrique totale par le volume échangé total, on peut obtenir une estimation de l’empreinte électrique du volume de données échangées.
Ce chiffre est intéressant pour évaluer l’empreinte totale des opérateurs, mais trompeur : il laisse entendre que la consommation électrique d’un opérateur mobile est totalement dépendante du volume échangé, ce qui est faux. Si du jour au lendemain tous les abonnés mobiles de France divisent leur consommation de données par 2, la consommation électrique des opérateurs ne va pas se réduire du même facteur : leurs antennes resteront allumées, leurs bureaux continueront à être climatisés et éclairés, etc.
L’étude finlandaise citée ci-dessus est intéressante à cet égard : on voit que la consommation électrique des opérateurs finlandais est restée à peu près stable pendant la décennie 2010, malgré une légère croissance tendancielle.
En revanche, les volumes échangés ont considérablement augmenté sur la même période :
L’étude finlandaise utilise les deux graphes précédents pour en déduire un graphe d’efficacité énergétique en kWh/Go :
Si on ne prenait en compte que ce dernier graphe, ou même simplement une estimation ponctuelle en kWh/Go, on serait tenté de croire que doubler le volume de données va doubler la consommation énergétique associée, mais c’est totalement faux. Pour simplifier un peu, on ne ferait qu’introduire un nouveau point de données avec une efficacité énergétique multipliée par deux.
Bien sûr, les choses sont un peu plus complexes que ci-dessus. Augmenter la consommation en volume va provoquer l’installation de nouvelles antennes, de routeurs plus puissants, de liaisons fibre de plus grande capacité, peut-être de nouveaux liens terrestres pour développer le réseau. Inversement, comme on l’a vu ci-dessus, les générations technologiques permettent d’échanger des volumes de données toujours plus élevés avec une consommation électrique qui se réduit. Ces progrès, réels, ne sont que peu visibles dans les chiffres agrégés de kWh/Go, puisque ces derniers sont essentiellement constitués de coûts fixes sans rapport avec les technologies de transmission.
Le rapport ARCEP cité ci-dessus propose également une évaluation en termes de gaz à effet de serre (indicateur plus important que la consommation électrique), qui montre une baisse progressive de l’empreinte des opérateurs français.
La section à laquelle ce graphique figure est d’ailleurs titrée “Une amélioration de l’efficacité énergétique qui compense, à ce stade, l’effet de l’explosion de trafic” pour résumer la situation.
Et les centres serveurs (datacenters) ?
Si tous les éléments cités ci-dessus ont une consommation faible, rien ne prouve que la consommation des datacenters n’est pas en train d’exploser pour répondre à la demande croissante ?
Une étude de l’agence internationale de l’énergie (IEA) montre, là encore, que la consommation électrique de ces centres n’explose pas, car les coûts principaux sont également des coûts fixes, et l’amélioration des équipements et de leur taux d’utilisation permet de traiter une quantité toujours croissante de services à consommation électrique égale.
De 2010 à 2019, le volume réseau a ainsi été multiplié par 12 alors que la consommation électrique est restée remarquablement stable.
Faut-il vraiment réduire notre consommation de données ?
On voit d’abord qu’aucun des éléments de la chaîne, du serveur de données à notre installation personnelle, n’éprouve une sensibilité particulière aux volumes de données échangés. Il n’y a donc pas de raison écologique de se forcer à réduire notre consommation de celles-ci.
Il n’y a pas de raison non plus de forcer les opérateurs à le faire à notre place, en appelant à l’interdiction des forfaits illimités, ou à une obligation de facturation au volume. On notera d’ailleurs que ces envies de facturation proviennent historiquement des opérateurs eux-mêmes, et ont pu être liées à des initiatives pour remettre en cause la neutralité du réseau.
On peut légitimement arguer que l’électricité française est l’une des moins carbonées du monde (nos efforts en matière de consommation électrique ont donc beaucoup moins d’impact CO2 qu’ailleurs, à énergie économisée équivalente).
Mais puisque rien ne prouve qu’être sobre sur notre consommation de données aura le moindre impact significatif sur la consommation électrique, à quoi bon s’épuiser en efforts inutiles ?
Ce tweet résume d’ailleurs bien la question, pour montrer que le refus “par principe” de l’illimité n’a pas de sens :
En conclusion, la sobriété pour la sobriété, qu’elle soit volontaire ou forcée, n’est guère justifiable, et risque même de nous empêcher de profiter des externalités positives significatives, et reconnues, du numérique. Préférons donc la sobriété dûment justifiée.
Il est bien entendu utile d’éteindre sa box Internet, son accès wifi ou son ordinateur lorsqu’on ne s’en sert pas, comme on éteint la lumière ou le chauffage dans une pièce inoccupée. Il semble également établi, jusqu’à preuve du contraire — les données fiables sur la question sont rares en Europe –, que la fabrication des terminaux mobiles reste une activité consommatrice de ressources, il est donc utile d’utiliser les nôtres le plus longtemps possible pour mieux en amortir ce coût fixe.
Ce billet est resté succinct pour ne pas noyer le lecteur sous des tonnes de chiffres, mais n’hésitez pas à laisser un commentaire ici si vous avez des données pertinentes et sourcées qui pourront peut-être faire l’objet d’une deuxième couche 🙂