Dans quelle mesure les réseaux de distribution de contenu vont-ils à l’encontre de la neutralité du réseau ? Apparemment, cela n’a rien à voir… et pourtant, c’est la question que l’on se pose après avoir lu un article du Wall Street Journal (trouvé via un commentaire sur embruns) fournissant un rappel « historique » de la situation et accusant Google de jeter aux orties ses belles idées passées sur la neutralité du réseau.
À ma gauche, donc, la neutralité du réseau : l’idée que la transmission des données doit être effectuée par les opérateurs avec une qualité de service neutre (aucune priorité), pour ne favoriser personne et éviter ainsi la constitution de monopoles, d’ententes, de positions dominantes, etc.
À ma droite, les réseaux de distribution de contenu (Content Delivery Network ou CDN) : une technique permettant d’améliorer les transferts de données, non en leur donnant la priorité, mais en stockant le contenu au plus près des utilisateurs qui y accèdent. L’un des CDN les plus connus est Akamai et il est utilisé par de gros sites comme Le Monde.
A priori, rien à voir. Et pourtant le résultat est le même : les utilisateurs bénéficient d’un meilleur service pour un site particulier. En rapprochant les données des utilisateurs, le CDN joue le rôle d’un lien virtuel privé à débit infini entre l’original et la copie locale.
C’est ce qui permet au Wall Street Journal d’affirmer que Google, favorable jusqu’ici à la neutralité, aurait retourné sa veste puisqu’il commence à proposer discrètement à de gros opérateurs US d’installer chez eux un service de distribution de contenu.
Même si la simple mention du nom de Google a tendance à faire hurler automatiquement au loup ses adversaires les plus hystériques (Google n’est pas précurseur en matière de CDN !), le point soulevé mérite réflexion. Avec prudence tout de même : tant qu’à poursuivre les parallèles tirés par les cheveux, on peut aussi bien dire que les liens de peering (une composante essentielle de l’Internet actuel) violent, eux aussi, la neutralité… on n’a juste entendu personne jusqu’ici se plaindre de ces derniers, à part les opérateurs (généralement petits) qui n’arrivent pas à en établir…
À lire aussi pour se faire une idée plus complète : http://lessig.org/blog/2008/12/the_madeup_dramas_of_the_wall.html et http://googlepublicpolicy.blogspot.com/2008/12/net-neutrality-and-benefits-of-caching.html
Notons que le WSJ est forcément biaisé, d’autant plus qu’il fait partie du groupe News Corp. Lire les commentaires du blog de Lessig comme exercice supplémentaire.
Olivier : merci pour ces pointeurs ! En poursuivant ma réflexion après l’écriture de ce billet, j’ai fini par arriver à la même conclusion : l’article apporte surtout de l’eau au moulin des anti-neutralité déclarés (les telcos en particulier)… regardez ce que fait Google, tout ça c’est la même chose.