La décision a été rendue hier : le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a validé 4 projets de restructuration dans l’enseignement supérieur.
L’opération qui m’intéresse tout particulièrement est celle du campus du plateau de Saclay, dans sa partie plateau de Palaiseau. Elle concerne en effet une dizaine d’écoles d’ingénieurs de la région parisienne, dont Télécom ParisTech et Polytechnique qui se trouve déjà sur place.
Le projet vise à réduire l’émiettement de ces écoles, et certaines inefficacités criantes qui en découlent, pour monter un ensemble de taille comparable aux grandes universités américaines. L’intérêt en saute tellement aux yeux sous de multiples aspects qu’il est difficile d’imaginer que l’opération n’aboutisse pas. Malgré le coût de mise en oeuvre, les économies à réaliser à moyen et long terme ne font guère de doute.
Le (gros) mot de restructuration n’a pas été employé, mais c’est exactement de cela qu’il s’agit. En effet, un aspect majeur du projet est celui de la mutualisation des moyens. Les 10 écoles vont-elles conserver 10 services documentation, 10 services informatiques, 10 services bâtiment, 10 départements de langues ou d’économie, 10 directions des ressources humaines ? Pas besoin d’être sorti… de Polytechnique, justement, pour comprendre que non.
Pour effectuer une évaluation à la grosse louche, si l’on suppose que les écoles sont de taille comparable ou que Télécom ParisTech représente un cas moyen, ce sont ainsi environ 10×150 postes de permanents administratifs de toutes natures (bâtiment, informatique, secrétariats…) qui vont se voir à plus ou moins long terme susceptibles d’être réorganisés dans le but d’en économiser (supprimer et/ou transformer en fonctions d’enseignement-recherche) une partie substantielle. Il y a là plusieurs centaines de postes à gagner, au minimum. Sur ce sujet un peu sensible, les documents présentant le projet sont muets. Mais il est permis de spéculer un peu. L’échéance étant située à 5 ans environ, il ne faut pas espérer dans cet intervalle d’embauche massive au cours des prochaines années dans des services généraux même en situation de sous-effectif chronique : ce seraient autant de personnes à recaser ultérieurement. Même en comptant 30 % de départs en retraite non remplacés et les 10 à 15 % habituels de démissions lors de tout déménagement d’entreprise, il devrait rester selon toute probabilité du personnel « en excès » en 2014.
Ensuite, à moyen terme, chaque école devrait se recentrer naturellement sur son « coeur de métier » pour que ne subsistent peut-être, à l’extrême limite, qu’un logo sur une porte de laboratoire, des publications de recherche et des diplômes.
Cela pose naturellement la question de ce que l’on appelle pompeusement la « gouvernance ». L’école Polytechnique, déjà présente sur les lieux depuis plusieurs décennies, et par ailleurs (et surtout) la plus renommée et influente des écoles d’ingénieurs en France, possède là deux atouts majeurs pour prendre très naturellement le rôle principal voire directeur dans les instances décisionnaires de la nouvelle structure.
En conclusion, un joli projet dont l’intérêt stratégique semble indéniable, mais qui soulève pour l’instant plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Les incertitudes associées vont devenir rapidement pesantes pour le personnel des écoles concernées. Je serais d’ailleurs curieux de connaître le sentiment des employés des autres établissements en question…