Depuis longtemps, motivé par un article optimiste sur le blog Embruns, je voulais me procurer une ampoule à LED de « forte puissance » à culot 220 volts classique, plutôt que les petits spots-veilleuse qu’on trouve un peu partout. J’ai fini par en trouver une dans un magasin parisien spécialisé devant lequel je passais par hasard.
Il s’agit d’une ampoule Toshiba de 5,5 watts acquise pour la rondelette somme de 60 €, « ton chaud », illumination de 250 lumen. La même puissance existe également en « ton naturel » (lumière blanche, plus froide), produisant 290 lumen. Durée de vie annoncée par le fabricant sur l’emballage : 40 000 heures. Soit le procédé de fabrication, soit simplement la présentation marketing sont en progrès puisque le présentoir associé parlait de 24000 heures seulement.
Retour à la maison et essai : l’éclairage est franchement blafard. Je pensais naïvement obtenir ainsi un éclairage équivalent à une ampoule à incandescence de 50 Watts, c’est raté.
Du coup j’ai dû aller parfaire mon instruction sur Wikipedia.
1) Où il s’avère qu’on ne peut plus choisir les ampoules en utilisant le Watt
Ça semble une évidence au vu de ce qui précède, mais on a tous été habitués à choisir nos ampoules en fonction de leur puissance électrique consommée, puisqu’il s’agissait quasi-systématiquement d’ampoules à incandescence. Maintenant il va falloir apprendre à raisonner en lumen. Les concepteurs d’emballages ne nous aident pas beaucoup puisqu’ils ont inventé une espèce d’unité batarde qui figure en gros sur la boite, le watt-équivalent-incandescent, pour ne pas nous brusquer. Mais après tout, pépé et mémé ont réussi plus difficile en passant de l’ancien franc à l’euro.
Heureusement les emballages d’ampoules mentionnent maintenant presque systématiquement (chez les fabricants sérieux) la puissance lumineuse en lumen. C’est écrit tout petit, c’est au dos, mais c’est là. Ainsi, une ampoule à incandescence 220 volts – 60 watts émet environ 600 à 650 lumen. Donc, mon ampoule à LED avec ses 250 lumens me fournit une lumière grossièrement équivalente à celle d’une ampoule à incandescence de 25 watts, ce qui explique ma déception.
2) Où l’on découvre que l’efficacité lumineuse des ampoules à incandescence varie suivant leur tension nominale
Sans grande conséquence pratique mais bon à savoir pour la culture personnelle : les ampoules 120 volts – 60 watts émettent environ 15 lumen/Watt, alors que les ampoules 230 volts – 60 Watts n’en émettent que 10 à 12, et l’efficacité augmente avec la puissance de l’ampoule. Merci Wikipedia ; les états-uniens (qui pratiquent encore le 120 volts) ont, sur ce point, de la chance.
3) Où une évidence se fait jour
Le lumen est bien pratique mais il n’indique que la lumière émise par l’ampoule, pas l’éclairement qui en résulte ! C’est en lux que l’on mesure ce dernier. À vrai dire dans le cas général on se fiche complètement de sa mesure réelle, à moins de vouloir prendre des photographies à l’ancienne. Ce qui compte, c’est de comprendre que l’étalement de la même lumière sur une plus grande surface fournit un éclairement plus faible. Voilà pourquoi on met rarement des ampoules à incandescence de 100 watts dans les toilettes, et souvent un lustre dans le salon…
4) Où l’on commence à entrevoir la lumière
Première conclusion : si je veux remplacer une ampoule à incandescence 60 Watts par des ampoules à LED du modèle suscité, à éclairement identique, il va falloir poser un lustre à 3 ampoules. On a vu plus pratique. Mais ça doit être du dernier chic, le lustre au toilettes. Et ensuite, je suis tranquille pour 40 ans : les fabricants estiment qu’une ampoule est utilisée 1000 heures par an (3 heures par jour environ) ; un peu moins aux toilettes, on l’espère.
Et le fluo dans tout ça ? Il s’en tire plutôt bien, avec une efficacité lumineuse d’environ 55 à 65 lumen/watt. Mieux que l’incandescence, mais nettement mieux aussi que l’ampoule à LED (45 à 50 lumen/watt), que je pensais pourtant intuitivement loin devant. Ce n’est donc pas sur l’efficacité lumineuse que l’ampoule à LED va rattraper son coût élevé à l’acquisition.
5) Où l’on tente de mettre toutes ces idées au clair
Ma supposition initiale que les ampoules à LED sont les plus efficaces étant donc fausse, j’ai voulu faire le point sur le coût d’utilisation complet comparé de différents types d’ampoules, en tenant compte du coût à l’achat, de la consommation électrique, de l’éclairement procuré et de la longévité.
Les quatre paramètres permettant d’évaluer l’efficacité d’une ampoule sont :
- la puissance électrique consommée (watts)
- la lumière émise (lumen)
- le prix d’achat
- la longévité (heures)
Normalement ils figurent tous sur l’emballage (mais, malheureusement, pas forcément sur les résumés des supermarchés en ligne). Le plus difficile à vérifier est le dernier, la longévité, où l’on est obligé de se fier aux affirmations du fabricant ; de plus il peut varier suivant l’utilisation de l’ampoule : les allumages/extinctions répétés sont mauvais pour la longévité des ampoules à incandescence, catastrophiques pour les fluo, mais quasi-inoffensifs pour les LED.
À partir de ces paramètres, on peut aisément calculer :
- la lumière totale émise par l’ampoule au cours de sa vie (lumen.heure)
- son efficacité lumineuse (lumen/Watt)
- la consommation électrique totale au cours de sa vie (Watt.heure)
- son coût total : prix d’achat + consommation totale x prix du Wh
- et finalement, son coût ramené à la lumière émise
Sur la base d’un kWh vendu 0,10 € TTC par EDF (tarif jour), j’obtiens ainsi les résultats suivants, donnés en € par million de lumen.heures :
- incandescence : 10 € (coût d’achat : 10 % du total)
- LED : 7 à 8 € (coût d’achat : 75 % du total)
- Fluo : 2 à 3 € (coût d’achat : 30 à 40 % du total)
6) Et la planète, dans tout ça ?
Je n’ai pas pris en compte dans ce calcul les coûts indirects de fabrication puis recyclage des ampoules, tout simplement parce que je suis rigoureusement incapable de les évaluer. C’est un critère où les ampoules fluo ont un handicap car elles contiennent du mercure qui coûte cher… soit en pollution, soit en recyclage. Le calcul qui précède permet tout de même de constater que, sur un coût total largement dominé par la consommation d’énergie, c’est le fluo qui bat de loin les autres en efficacité, y compris les LED.
On pourrait aussi s’amuser à prendre en compte le fait que pendant les mois d’hiver, l’échauffement de l’ampoule sert de chauffage d’appoint… mais sous nos latitudes cela ne concerne que 3 ou 4 mois sur 12, et cela consiste surtout à surchauffer le plafond. On peut donc supposer que les résultats n’en sont affectés qu’à la marge.
7) Alors, que faire des LED ?
L’article d’Embruns indiquait une efficacité de 100 à 150 lm/W pour les meilleures ampoules à LED, soit mieux que les fluo (alors que la première technologie n’est pas encore arrivée à maturité, contrairement à la seconde) et bien mieux que l’ampoule Toshiba suscitée. Malheureusement, 18 mois plus tard, ces avantages ne se sont pas concrétisés dans les rayons des magasins, du moins ceux que je fréquente. La meilleure performance annoncée par Wikipedia pour les LED est de 93 lumen/Watt, ou 150 lumen/Watt “bruts” (quand on ne compte pas les pertes dues à l’alimentation basse tension).
Même en refaisant le calcul précédent avec les paramètres indiqués pour la miraculeuse lampe LED “geobulb”, j’arrive tout de même à 4 € par Mlm.h, deux fois mieux que l’ampoule Toshiba, mais encore en deçà des performances des ampoules fluo. Cependant, l’essentiel de ce coût étant représenté par l’achat, on pourrait espérer qu’il baisserait suffisamment en cas de fabrication en grande série. Cela ne semble juste pas très bien parti pour l’instant.
En conclusion provisoire, l’application “phare” pour l’ampoule à LED semble rester la lampe de bureau ou de chevet : éclairage ponctuel, proche (permettant d’avoir un éclairement raisonnable même avec une faible émission), et plus doux que le fluo car sans scintillement. Reste à voir si les performances vont s’améliorer pour que cela ne reste pas éternellement une technologie « du futur »…
Il est clair que ça n’avance pas bien vite dans le domaine et que les offres en grands magasins sont pauvres (sauf pour les guirlandes de Noël majoritairement LEDs mainteant). La seule bonne nouvelle est que les prix baissent. Ainsi, la GeoBulb III Cool White est passée de 100 à 70 $ (7 watts, 520 lumens – soit deux fois la capacité lumineuse de la Toshiba).
Les ampoules fluo modernes ne contiennent plus de mercure.