Après la loi DADVSI (2006, déjà caduque), la HADOPI qui lui fait suite (devra faire la preuve de son efficacité, non avérée, depuis le 1er janvier 2010, mais les ayants-droit ne se font probablement guère d’illusion), aujourd’hui a été votée à l’assemblée la nouvelle loi dite “LOPPSI” qui comprend un volet complétant l’arsenal juridique des lois Internet :
PROJET DE LOI d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure :
Conformément à l’engagement de la ministre de l’intérieur, le présent projet d’article met à la charge des fournisseurs d’accès à Internet l’obligation d’empêcher l’accès des utilisateurs aux contenus illicites. La liste des sites dont il convient d’interdire l’accès leur sera communiquée sous la forme d’un arrêté du ministre de l’intérieur. En pratique, l’OCLCTIC transmettra au FAI les données utiles par voie dématérialisée. Les FAI auront le libre choix des technologies de blocage selon leurs infrastructures.
(voir aussi un article complet sur les mesures de LOPPSI 2 sur lemonde.fr)
Les FAI seraient financièrement dédommagés des coûts de mise en oeuvre du filtrage par l’autorité publique.
Il y a plusieurs choses à noter en l’occurrence.
Il s’agit évidemment de censure.
Comme de nombreuses personnes l’ont remarqué, il s’agit aussi d’un pied dans la porte en commençant par la “pédopornographie” (sur laquelle, comme Thomas, je ne suis jamais tombé en quelque 20 ans d’Internet), mais ce critère est probablement amené à s’étendre aux autres activités illégales, notamment en vue de protéger les ayants-droit puisque c’est une autre obsession législative et fiscale récurrente. D’après Benjamin Bayart, l’intention existe déjà, il a suffi de 5 minutes de discussion à l’assemblée le jour de l’ouverture des débats.
Ensuite, c’est presque un détail, mais il s’agit tout de même d’aller modifier l’infrastructure du coeur de réseau pour y coller des verrues à l’efficacité discutable et qui en dégraderont mathématiquement la fiabilité tout en augmentant les coûts d’exploitation (matériels plus onéreux, plus complexes donc plus sensibles, temps humain plus important pour leur mise en oeuvre, etc).
Enfin et surtout, la liste de sites censurée serait supposée rester secrète (je cherche à confirmer ce point), et ça ne semble pas provoquer un grand émoi. Pourtant, même si cela peut paraître sans importance par rapport aux autres mesures, la moindre des choses à attendre de la censure dans un pays démocratique, c’est bien qu’elle soit effectuée de manière transparente : la transparence se pratique déjà pour les livres et les films. L’excuse pour garder secrète la liste de censure Internet est de dire que le gouvernement ne veut pas publier un « annuaire » de ce genre de site. C’est un peu léger comme argument pour renoncer aussi vite à toute possibilité de mettre en évidence les abus éventuels. Par ailleurs, quelle confidentialité peut-on attendre d’une liste qui devrait être diffusée à quelques centaines de fournisseurs d’accès ? C’est sur ces derniers qu’il faudrait compter pour alerter le public sur les abus de filtrage. Ce flou artistique arrange sans doute le législateur (un sujet de moins à trancher), mais cette protection n’en est pas une, vu son caractère non écrit donc informel.
Lire aussi au sujet de la LOPPSI l’excellent rapport de la Quadrature du net.
Le meilleur document que j’ai trouvé sur Wikipedia concernant la censure en France est malheureusement sur le Wikipedia anglophone. Le droit de regard des citoyens sur l’action de l’Etat relève de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. La Commission d’accès aux documents administratifs permet de demander (sinon d’obtenir) l’accès aux documents de l’administration ; en cas de refus, il est possible de se retourner devant la juridiction administrative.
A noter que le blocage se fait après avis de l’autorité judiciaire. D’autre part avant LOPPSI il y a deja un elargissement du blocage avec la loi sur les jeux d’argents qui impose de bloquer les sites non agrées en France.
Eh oui, on vit une époque formidable.
De loin et de ce que tu nous en dit, j’ai peu d’espoir sur la CADA. De mes lointaines année de droit, il me semble que tout n’est pas pour autant communicable. Et la CADA n’est pas au dessus des lois.
En revanche, le Conseil Constitutionnel aurait peut-être une belle décision à rendre.
Un “s” à année ne serait pas superflu.
🙂