(voir ici le résumé des épisodes précédents)
J’ai reçu ce matin une lettre de Free, une des parties assignées dans l’affaire Copwatch version 2.
Je précise qu’aucun autre fournisseur, ni aucun des plaignants, ni leurs avocats, n’ont à aucun moment tenté d’entrer en contact avec eu.org dans cette affaire.
Free a sollicité eu.org en application du principe de subsidiarité, proposant qu’eu.org invite Copwatch à mettre hors ligne son site https://copwatchnord-idf.eu.org/ ; et si nécessaire, suspende le domaine copwatchnord-idf.eu.org.
Cela permettrait d’éviter la mise en œuvre de filtrage brutal IP ou DNS au niveau national, en application du jugement, auquel réfléchissent en ce moment même les 6 fournisseurs d’accès assignés au procès.
Un filtrage à grande échelle n’est jamais une bonne solution, pour la liste suivante de raisons qui ne prétend aucunement être exhaustive.
Pour du filtrage IP :
- les inévitables surblocages qui en résultent : un site ou un ensemble de sites au lieu de quelques pages, un ensemble de services au lieu du service web seul, etc ;
- la lourdeur technique de mise en œuvre, avec intervention sur les routeurs des fournisseurs, ce qui n’est jamais anodin.
Pour du filtrage DNS :
- de même les surblocages qui en résultent : un site ou un ensemble de sites au lieu de quelques pages, un ensemble de services au lieu du web seul, etc ;
- la nécessité d’intervention sur les serveurs de résolution DNS des fournisseurs, ce qui n’est pas anodin non plus, et pas forcément possible car le plus souvent les logiciels DNS utilisés sur lesdits serveurs n’ont pas été conçus pour cela.
Et pour tout filtrage :
- son inefficacité relative, puisque les 6 fournisseurs concernés sont loin de représenter la totalité des accès à Internet en France ;
- comparativement, la grande facilité de contournement par mise en place de miroirs ;
- les risques de surblocage dans le temps, les règles de filtrage pouvant subsister des années après la disparition de la cause qui les a provoquées.
Et en l’occurrence, le filtrage DNS pourrait être d’autant plus brutal que certains des fournisseurs concernés ne seraient pas en mesure de le réaliser plus finement qu’au second niveau. C’est ainsi tout eu.org et ses 20.000 sous-domaines qui seraient bloqués en France, autrement dit un surblocage colossal. On frémit en imaginant ce qui se passerait si example.co.uk, example.co.jp ou exemple.asso.fr devaient être bloqués par DNS par des fournisseurs dans ces conditions, suite à une décision de justice.
On peut se poser aussi la question du recours qu’aurait eu.org si une telle mesure de surblocage était mise en place. Contre qui eu.org devrait-il se retourner ? eu.org devrait-il assigner chacun des fournisseurs filtreurs, et à quel titre : LCEN, entrave au fonctionnement d’un système automatisé… ?
On notera enfin qu’il s’agit d’une première depuis l’existence de eu.org, créé en 1996.
eu.org a donc transmis ce jour la demande à Copwatch.