IPv6 : vivement la retraite d’IPv4

Qui se préoccupe vraiment d’IPv6, le protocole de prochaine génération de l’Internet ? Pas grand monde. C’est un peu comme la réforme des retraites ou le dentiste : tout le monde sait très bien qu’il faut y passer, mais on préfère laisser les autres essuyer les plâtres.

Les fournisseurs de connectivité grand public en France par exemple ne proposent pas IPv6, à l’exception notable de précurseurs comme Nerim. Malgré la pétition IPv6 pour tous qui a tenu l’objectif (10000 signatures) que lui avait assigné Free avant de commencer à bouger, on attend toujours que cela soit déployé jusqu’à la Freebox. Seuls des opérateurs orientés recherche comme Renater fournissent de l’IPv6 natif.

Côté contenus, ce n’est pas brillant non plus : ni des services majeurs comme Google ou Yahoo, ni des hébergeurs de contenu comme Akamai n’ont le moindre serveur public en IPv6 qui donnerait l’exemple.

En fait, les seuls qui ont vraiment avancé pour l’instant sont les fournisseurs d’équipements et de systèmes d’exploitation : Cisco, Juniper, FreeBSD, Linux, tout le monde est prêt, même Microsoft… mais aussi les vendeurs de téléphonie mobile comme Nokia : l’IP mobile est un marché qui va connaître une croissance fulgurante dans les toutes prochaines années, et IPv6 est rigoureusement indispensable si tous les téléphones de la planète doivent avoir leur propre adresse.

À part ses plus grandes capacités d’adressage, malheureusement, IPv6 n’apporte pas grand chose par rapport à IPv4. Il ne peut pas non plus le remplacer totalement pour l’instant : il ne permet pas d’accéder aux sites IPv4, l’Internet actuel. Autrement dit, utiliser IPv6 ne dispensera pas d’utiliser IPv4 pendant toute une période de transition. IPv6 n’ayant pas trouvé sa « killer-app », on pourrait en rester là et continuer joyeusement avec IPv4 et l’Internet « classique », sans rien changer à ce qui existe.

Seulement, le problème qui a motivé le développement d’IPv6 n’a pas disparu pour autant : d’après une étude récente de Geoff Huston sur les statistiques d’allocation, l’IANA (l’organisme qui les distribue aux registres régionaux sur chaque continent) va arriver à court d’adresses IPv4 vers la fin 2009, dans à peine 2 ans : demain. Peu de temps après, les registres régionaux à leur tour vont se trouver à court, ce qui signifie, au minimum qu’il va falloir gérer la pénurie et que les règles de distribution d’adresses vont subir des ajustements sévères.

En clair, dès 2010 ou 2011 (le temps que les dernières allocations percolent jusqu’à l’utilisateur final), il va devenir difficile ou impossible pour les sites et fournisseurs existants de faire croître leur espace adressable IPv4, et tout autant difficile pour les nouveaux connectés d’obtenir les adresses IPv4 dont ils ont besoin. Dit autrement, à partir de 2011 environ, certains nouveaux connectés n’auront le choix qu’entre IPv6 et rien du tout. Voilà qui motivera tout le monde à se préoccuper de transition…

Un autre article du même Geoff Huston résume très bien les différentes options envisageables et celles qui ne le sont plus. La transition « douce » (déploiement d’IPv6 avant la pénurie d’adresses IPv4) n’est plus au menu.

En conclusion, le moment de se retrousser les manches est arrivé, tout le monde est concerné, et le fait qu’IPv6 n’intéresse (toujours et encore) personne n’est plus une excuse suffisante pour se tourner les pouces !

8 thoughts on “IPv6 : vivement la retraite d’IPv4”

  1. Pour mettre notre pierre à l’édifice, serait-il enviseageable de rendre IPV6 obligatoire pour accèder à frmug ?

    Cela nous forcerait à passer par un tunnel en attendant que nos FAI respectifs mettent ça en place, mais au moins, on serait prêts, et ça me forcera à étudier un peu IPV6, qui me passe complétement au dessus pour l’instant …

  2. Tsss, yapake Nerim et Renater : Opentransit est dual-stack depuis juin 2005 et propose donc des connexions IPv6 à ses clients qui en font la demande. Notons aussi qu’en 2006 Wanadoo fournissait de l’IPv6 à tout abonné qui s’inscrivait à l’expé (plusieurs technos possibles, je ne sais pas si c’est toujours dispo).

  3. > Opentransit est dual-stack depuis juin 2005

    Mais c’est “unsupported”. Lorsque un client d’OpenTransit (et je parle d’expérience) a un problème IPv6 un peu complexe (dans mon cas, c’était un switch qui envoyait une partie des paquets dans un trou noir), OpenTransit répond que ce n’est pas un service officiel et que, de toute façon, on est bien le seul client qui utilise ce service.

  4. Zuzur : oui, eh bien déjà il faudrait que Frmug soit en IPv6 pour commencer, mais… il faudra bien y venir de toute façon, c’est l’idée ! Si tu veux faire joujou, tu peux déjà le fait sur ton réseau local, voire carrément sur ta machine (“ping6 ::1” ou “telnet ::1 80”) ou prendre un tunnel chez sixxs.net.

    Sarah : c’est vrai que j’ai un peu abrégé mon propos : Opentransit fournit du (voire “le”) transit IPv6 à Renater. Certains gros autres fournisseurs de transit sur Paris proposent également des options IPv6, rarement en natif cependant.

    Stéphane : je n’ai jamais eu besoin de remonter jusqu’à Opentransit, mais les choses évoluent, je crois que depuis un an environ la sous-traitance de supervision pour RAP prévoit les mêmes clauses de service pour IPv6 que pour IPv4.

  5. la migration d’ipv6 se fera seulement lorsqu’on aura pu le choix … un peu comme la résolution du bug de l,an 2000, on le savait que ça viendrait or personne n’a rien fait justqu’a la dernière minute. C’est classique, mais plate.

    D’ici la j’espère que les FAI au québec vont se mettre en branle pour déployer du ipv6 natif, je suis tanné d’avoir recours au 6to4 🙂

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