Chauffeur, si t’es champion

Pour cause de pleaserobme.com, je n’ai pas l’habitude de parler ici de mes absences avant mon retour 🙂

De retour de Toulouse par TGV ce soir.

Vues les perturbations du matin sur le réseau ouest dues à la tempête de la nuit, je passe le début de l’après-midi sur gares-en-mouvement.com pour scruter les tableaux d’arrivées et départs des gares de Bordeaux, Toulouse et Paris-Montparnasse. À part quelques retards exceptionnels sur les trains du matin (4 h de retard sur un TGV prévu à 10h35 à Montparnasse), la situation semble quasiment revenue à la normale aux alentours de 16 heures.

Nous nous dirigeons donc vers Toulouse pour prendre notre TGV de retour, train 8580, horaire de départ théorique de Toulouse : 17h36.

17h33, aucun train ni sur le quai, ni en vue… retard inévitable, je commence à pressentir les ennuis. Effectivement, si le creux de l’après-midi a pu être assuré sans problème avec les rames disponibles, on dirait que pour la pointe du dimanche soir, le plan de circulation est encore perturbé par les rames en retard sur tout le réseau ouest…

17h38, le TGV double (et plein) 8519 en provenance de Paris avec 41 minutes de retard, arrive à quai. Il n’était pas censé nous servir de train retour, mais faute de mieux… Mais dans quelle rame monter, celle de tête ou celle de queue ? Les afficheurs LCD n’ont pas encore été mis à jour. Un agent de la SNCF nous assure que c’est la rame de queue qui correspond au 8580, l’autre va repartir au garage. Sûr ? Sûr. Nous sommes quasiment en tête de quai, nous courons en queue et nous installons. 17h45. J’entends un vague message sur le quai expliquant le contraire, la rame du 8580, c’est l’autre, celle où nous sommes assurera le train suivant pour Paris, le 8586. Une agente de la SNCF monte dans chaque voiture pour prévenir les voyageurs du changement de programme… 17h52, nous courons sur le quai pour revenir en tête alors que le haut parleur annonce un départ avec 20 minutes de retard (soit dans 4 minutes). Nous nous ré-installons. Messages du contrôleur qui entend restaurer un peu de « discipline » (sic), certains passagers du 8586 s’étant incrustés dans le 8580 et refusant de descendre. « Pour des raisons de sécurité » (resic), le contrôleur refuse de faire partir le train tant que les malotrus n’auront pas obtempéré.

18h11, le contrôleur annonce le départ imminent alors que le signal de sortie est encore au carré (départ impossible). Tout va très vite ensuite car simultanément, j’entends l’annonce de départ sur le quai, la fermeture des portes, suivie peu après du départ du train. L’aiguilleur nous a donc ouvert le signal fissa.

Départ à 18h12, nous avons 36 minutes de retard. Le genre de retard irrattrapable. Parfois, lors de marches vraiment héroïques, celles qu’on ne voit que dans la Vie du Rail, j’ai lu qu’on pouvait regratter 10, voire 15 minutes. Je n’y compte pas, mais je prépare tout de même mon fidèle GPS, ça m’occupera pendant le voyage.

Arrêts à Montauban, Agen.

Pendant ce temps, Greg le contrôleur avec son chouette accent de régional toulousain de l’étape, opère sa magie pour repêcher les correspondances coulées pour les gens qui changent à Bordeaux, qui apprennent que le TGV 8494 pour Paris de 20h17 avec arrêts à Angoulême, Poitiers et Saint Pierre des Corps les attendra sur notre quai à Bordeaux. Quant aux voyageurs pour La Rochelle, il leur est conseillé de passer la nuit à Bordeaux, pour cause de gare sous 1,20 mètre d’eau et circulation routière interdite par arrêté préfectoral. Le tableau de quai de Bordeaux Saint-Jean, opportunément consultable sur gares en mouvement, nous annonce sur le quai 5 avec 40 minutes de retard.

Arrivée à Bordeaux à 20h20, avec 38 minutes de retard. Jonction avec la rame du 8482 qui nous attendait, en provenance d’Arcachon.

Départ 20h26, 39 minutes de retard… je suis notre vitesse sur My Tracks, qui aura le mauvais goût de me paumer l’enregistrement de la section Bordeaux-Tours, la plus intéressante avec ses alternances de sections à 220 km/h, 160 km/h, 140 ou 130, qui doit demander un sérieux doigté de la part du conducteur pour en tirer le potentiel maximal : un oubli et en cas de freinage trop tardif, dépassement de vitesse de plus de 5 km/h, la sanction est immédiate : ce n’est pas le flash du radar et quelques points perdus « plus tard » mais l’arrêt d’urgence, 10 minutes de re-perdues et un tirage d’oreilles à prévoir le lendemain dans le bureau du chef. De plus, pour cause de puissance limitée sous caténaire 1500 volts, en unité double, nous sommes dans une configuration défavorable pour les accélérations. Effectivement, je sens des freinages un peu plus musclés qu’à l’habitude, histoire de profiter le plus longtemps possible des sections à vitesse élevée.

Lorsque nous traversons la gare de Poitiers en trombe à 130 km/h et à 21h57, soit 1h31 seulement après notre départ de Bordeaux (contre 2h00 prévues à l’horaire du TGV 8494 qui nous suit avec juste un arrêt préalable à Angoulême), je commence à flairer que nous avons rattrapé au moins 10 minutes. Peu après, le contrôleur nous annonce une arrivée prévue à Paris avec 20 minutes de retard seulement. J’hésite entre scepticisme et admiration, en tout cas je le croirai quand je le verrai.

Puis c’est le contournement de Tours et l’entrée sur la LGV Atlantique. À cette heure tardive, le trafic y est peu dense, seul le TGV 8218 en provenance de St Brieuc (arrivée prévue à 22h40 à Paris) nous y précède d’au moins 20 minutes. En conséquence, nous pouvons « blinder » à 300 km/h de bout en bout. En arrivant en Île de France, passage à cette vitesse au péage de l’autoroute A10 à Saint-Arnoult à 23h03 avant de nous engouffrer dans la longue succession de tunnels et de ralentissements progressifs qui débouche à Chatillon.

Arrêt à quai à Montparnasse : 23h19, soit 19 minutes de retard sur l’horaire, 20 minutes rattrapées. Apparemment, ça n’existe donc pas que dans les livres ! Bordeaux-Paris en 2h53 (contre 3h05 à l’horaire pour les trains les plus rapides dans ce sens et sur ce trajet ; voyages-sncf.com avec sa fiabilité légendaire m’a même brandi le train 8563 en 3h02, mais refuse de me le montrer une seconde fois).

J’aurais bien embrassé le conducteur, pour qui j’étais à la limite d’écraser une larme d’émotion, mais il a quitté sa cabine aussi vite qu’il avait conduit son train…