Hier, le président a expliqué — à nouveau — qu’il était important de rester chez nous pour ralentir au maximum la diffusion du virus covid-19 ; et a mis en place de nouvelles mesures pour décourager les déplacements inutiles, les annonces précédentes n’ayant guère été suivies d’effets.
Pourquoi ralentir au maximum la diffusion ? Parce que le virus, peu virulent d’ordinaire, peut être dangereux pour des personnes vulnérables, affichant un taux de mortalité supérieur à la grippe saisonnière. Surtout, sa diffusion — même lente — a toutes les chances de provoquer l’engorgement des hôpitaux, rendant ainsi impossible de prodiguer à tous les cas graves les soins dont ils ont besoin. C’est déjà le cas en Italie, cela commence à être vrai en France.
Plus la diffusion est lente, plus le pic à supporter par les hôpitaux sera réduit. Personne ne sait l’ampleur de celui-ci, c’est à dire, la façon dont devraient être dimensionnés les hôpitaux. C’est pourquoi les autorités de santé nous demandent de déployer tous nos efforts pour limiter la propagation. C’est pourquoi on nous demande également de rester chez nous et de ne pas diffuser le virus dans tout le pays. Ce n’est pas juste pour nous ; c’est surtout pour épargner les malades les plus vulnérables.
Actuellement, d’après les statistiques disponibles dans les pays européens, le virus touche chaque jour 30 % supplémentaires de la population. Autrement dit, la population infectée double tous les 3 jours. Doubler les capacités des hôpitaux ne donnerait que 3 jours de répit ; les quadrupler, 6 jours de répit. Cela ne peut être suffisant, même dans un monde idéal où nous en aurions le temps matériel.
Petit retour en arrière.
En janvier 2020 lors d’un voyage aux États-Unis, j’attrape un gros rhume qui dégénère. Environ 15 jours de rhume, fatigue, toux, fièvre, maux de tête et de gorge : « syndrome grippal ». 3 jours plus difficiles au milieu. Rien d’agréable, mais je n’y ai pas porté beaucoup d’attention, hors l’envie d’en sortir. J’ai supposé que j’avais pris froid lors de mes visites en plein air.
C’était 6 jours après l’avion de Paris à San Francisco via Amsterdam. Des heures dans deux avions, 3 aéroports bondés et autant de files de sécurité, douane, bagages. Autant d’occasions d’attraper ce virus, d’autant que je n’ai pas pris de précaution particulière, en l’absence de recommandations sanitaires à ce stade en France. Au retour, l’hôtesse me dira : « cette toux-là, je l’entends sans arrêt ».
L’infection est disparue comme elle est venue, comme un rhume. En voyage touristique, je n’avais pas l’intention de perdre du temps chez un médecin, et particulièrement pas aux États-Unis. J’ai trouvé les médicaments courants dont j’ai l’habitude pour apaiser fièvre et maux de tête. J’étais heureux que cela suffise.
Une semaine après mon retour en France, je me retrouve quelques jours à l’hôpital en Haute-Savoie, après le 12 février, suite à une fracture de la hanche. C’est ici que se terminera totalement ma toux.
Un mois après mon retour, j’apprends qu’un autre proche a également été malade. Je plaisante en lui demandant s’il n’aurait pas eu ce fameux covid-19. Il pense plutôt avoir attrapé mon rhume. C’est possible, malgré une durée d’incubation de plusieurs semaines. Ses symptômes sont très similaires.
Puis je lis que le ministre de la culture, Franck Riester, a été testé positif au virus et qu’il a repris son activité après 3 jours de maladie.
C’est là que je commence à me poser des questions. Dans mon esprit, marqué par les communications de panique sanitaire, le covid-19 était une maladie plus virulente et plus longue. Est-ce que, sans le réaliser, j’aurais pu le subir en janvier ?
Il m’est impossible de le savoir avec certitude. En France, les rares tests disponibles semblent réservés aux cas graves et aux ministres.
La semaine dernière, une autre de mes proches est tombée malade. « Syndrome grippal » encore : grosse fatigue, parfois un peu de fièvre, maux de tête, un peu de toux. Cela semble aujourd’hui toucher à sa fin.
Nous avons contacté les services spécialisés qui nous dit que, sauf aggravation des symptômes, il suffisait d’attendre la fin de la maladie, en restant chez nous. Pas de test : les cas bénins n’ont aucun traitement spécifique différent de celui d’une simple grippe. Il est donc inutile de savoir s’il s’agit du covid-19.
Combien sommes-nous dans un tel cas, à être potentiellement contaminés, non répertoriés, et sans aucun moyen de le savoir ?
Bien entendu, cette question est sans importance pratique, hors celle d’espérer une immunité personnelle dans les semaines qui suivent la guérison, nous permettant de nous alléger l’esprit comme les protections.
Mais combien sommes-nous, surtout, en l’absence de test, a avoir été malades du covid-19 sans le comprendre, c’est à dire sans prendre plus de précautions que pour un simple rhume ou grippe ? Et avoir, donc, contribué à diffuser la maladie qui a aujourd’hui ces conséquences sans précédent ? Le port du masque est maintenant un réflexe naturel pour protéger autrui — malheureusement, les masques sont indisponibles. Que dire de ceux qui, en masse, quittent les grandes villes, violant le confinement, pensant échapper à la maladie, mais ne réalisant pas qu’ils l’ont peut-être déjà et participent ainsi à sa diffusion plus rapide ?
La situation est sans précédent. Comment aurait-il fallu procéder ? Il n’est pas aisé, même pour les spécialistes de santé, d’évaluer la dangerosité d’une maladie généralement bénigne, lorsque sa gravité ne se révèle qu’à très grande échelle.
On aurait cependant pu supposer que les exemples chinois, puis italien plus proche de nous, auraient permis à nos dirigeants comme à nous de profiter de cette triste expérience anticipée. Il n’en a rien été. D’autres pays, après la France, sont en train de reproduire les mêmes erreurs, malgré les supplications des spécialistes en épidémiologie.
Mais il est également de la responsabilité de chacun de comprendre aujourd’hui la situation et de ne prendre à la légère, ni un gros rhume, ni les précautions à prendre pour épargner autrui. Cela inclut le respect aussi strict que possible des instructions de confinement, sans attendre que le gouvernement soit contraint de déployer des moyens de plus en plus coercitifs.
Nos gouvernants ne sont pas seuls responsables. Nous le sommes tous. Ils ont fait des erreurs. Nous aussi. Faisons maintenant notre part.
Cela n’a rien d’insurmontable : on nous demande tout simplement de rester chez nous.