Avertissement ajouté le 17/7/2020 : l’objet de ce billet n’est pas de nier l’impact environnemental du numérique, mais d’étudier la pertinence des injonctions à la limitation de notre volume de données.
La facturation au volume, ou la limitation des abonnements Internet, vieux serpent de mer des réseaux numériques depuis des décennies et rêve de certains opérateurs, fait aujourd’hui sa réapparition sous la motivation de la défense de l’environnement, notamment via un rapport récent du sénat, suivi d’un rapport similaire du Conseil national du numérique. Ces rapports s’appuient notamment sur ceux du Shift Project de 2018 et 2019 sur la sobriété numérique ; ces derniers ont vu certains de leurs éléments critiqués en raisons d’erreurs manifestes (surévaluations des empreintes).
Suite à de nombreuses discussions notamment sur les réseaux sociaux, lectures de rapports et études, etc, depuis 2 ans, je voulais poser ici quelques arguments mis en forme pour éviter d’avoir à les réécrire ici et là.
L’affirmation principale qui sous-tend l’idée de limiter notre consommation de données est que l’explosion des volumes provoquerait une explosion de la consommation électrique. Cet argument est également cité pour mettre en doute la pertinence du déploiement de la 5e génération (5G) de téléphonie mobile.
Nous allons voir qu’en fait, l’essentiel de la consommation électrique des réseaux est constitué par le fonctionnement de l’infrastructure, indépendamment de la quantité de données.
Si vous n’avez pas envie de lire les détails de ce billet, vous pouvez vous contenter de “Et le réseau mobile” et “Faut-il vraiment réduire notre consommation de données ?”, en complétant si nécessaire par “La puissance et l’énergie” pour les notions d’électricité.
La puissance et l’énergie
Pour commencer, quelques rappels de notions électriques fondamentales pour mieux comprendre les chiffres que l’on voit circuler ici et là, et leurs ordres de grandeur.
Le Watt est l’unité de puissance électrique. C’est une valeur “instantanée”. Pour éclairer correctement vos toilettes, vous aurez besoin de moins de puissance que pour illuminer un monument comme la tour Eiffel. Un four électrique, un grille pain ou un radiateur engloutissent aux alentours de 1500 à 2500 watts. Un téléphone mobile, moins de 5 watts. Comme la quasi totalité de la consommation électrique passe en effet Joule, tout objet usuel qui consomme de manière significative émet de la chaleur. C’est un moyen très simple de s’assurer qu’un objet ne consomme pas beaucoup d’électricité : il ne chauffe pas de manière sensible (c’est un peu différent pour des moteurs électriques, mais cela reste vrai pour des ampoules).
Le Watt.heure, Wh (ou son multiple le kilowatt.heure, kWh) est une unité d’énergie. Si vous vous éclairez pendant 2 heures au lieu d’une heure, la consommation d’énergie sera doublée. Et en mettant deux ampoules, vous consommerez en une heure ce qui aurait pris deux heures avec une simple ampoule.
Le fournisseur d’électricité compte donc les kWh pour la facturation. Il calibre également le compteur pour une limite (en Watts) à la puissance appelable à un moment donné. C’est une limitation de débit. Cela peut vous empêcher de faire tourner à la fois le four électrique et le chauffe-eau, gros consommateurs d’électricité, mais ça ne vous interdit pas de les utiliser l’un après l’autre.
Une batterie, que ce soit de téléphone ou de voiture (électrique ou non) stocke de l’énergie et voit donc sa capacité exprimée en watts.heure. On peut aussi l’indiquer en ampères.heure. Dans ce cas, il faut multiplier cette dernière valeur par la tension nominale (volts) pour obtenir la capacité équivalente en watts.heure.
On voit passer parfois, au fil des articles, des “kilowatts par an” ou “mégawatts par heure”. Ces unités n’ont pas de sens physique directement utile. Elles indiquent en général une erreur.
Comment vérifier des consommations d’appareils électriques
Il est facile de vérifier soi-même la consommation des appareils électriques usuels avec un “consomètre”. Ainsi, vous n’aurez pas à prendre pour argent comptant ce qu’on affirme ici ou là. On en trouve pour moins de 15 €. Les modèles auto-alimentés (sans pile) sont en général préférables, évitent la corvée de piles et sont donc plus respectueux de l’environnement, mais peuvent perdre la mémoire en cas de coupure. Ces appareils permettent aussi bien de mesurer la consommation instantanée (la puissance, en W) que l’énergie utilisée sur une certaine durée (en kWh donc), pour les appareils qui ont une consommation fluctuante (par exemple, un frigo ne se déclenche que pour refaire un peu de froid quand c’est nécessaire).
Commençons par un objet courant, le point d’accès wifi.
Un point d’accès wifi de ce type, allumé, consomme environ 4 watts, tout le temps, indépendamment de son utilisation. Côté antenne wifi, la législation en France interdit une émission d’une puissance supérieure à 100 mW. Autrement dit, la consommation due à la transmission par l’antenne est au grossièrement (pour simplifier, car l’électronique interne sera également un peu plus sollicitée) 2,5 % de la consommation totale de la borne. L’interface ethernet (filaire) consomme un peu d’électricité elle aussi, mais celle-ci dépend de la longueur du câble plus que du volume de données transmis. Certaines bornes disposent ainsi d’un mode “vert” pour réduire la consommation électrique dans un environnement personnel, où les câbles mesurent quelques dizaines de mètres au maximum, plutôt que 100 mètres.
La différence de consommation entre une borne qui émet au maximum de sa capacité et une borne allumée sans aucun trafic sera donc au maximum de 2,5 %. En tout cas, il faut être conscient que diviser par 2 sa propre consommation de données ne divisera pas par 2 la consommation électrique associée, ni chez soi, ni ailleurs. Il est très facile avec un consomètre de le vérifier par soi-même pour la partie à domicile.
La box Internet
Les mêmes remarques s’appliquent à votre box d’accès Internet. Celle-ci va avoir, comme un point d’accès wifi, une ou plusieurs prises ethernet, et un accès au réseau de l’opérateur : aujourd’hui ADSL, VDSL ou fibre.
L’ARCEP a publié en 2019 un rapport sur l’impact carbone des accès à Internet. D’après un des acteur interrogés, “la fibre consomme en moyenne un peu plus de 0,5 Watt par ligne, soit trois fois moins que l’ADSL (1,8W) et quatre fois moins que le RTC [réseau téléphonique classique] (2,1W) sur le réseau d’accès”. Ces estimation de consommation ne varient pas du tout en fonction du volume transmis. En effet l’ADSL comme la fibre ont besoin d’émettre en permanence, que beaucoup ou peu de données soient transmises.
On voit aussi les progrès sensibles accomplis au fil des générations technologiques, puisque la consommation fixe décroît alors que le débit disponible augmente.
Par ailleurs, comme avec la borne wifi, la partie concernant la transmission longue distance présente une consommation marginale par rapport à celle de la box qui représente aux alentours de 10 à 30 watts suivant les générations. Les opérateurs travaillent d’ailleurs à la réduction de cette consommation, car elle devient un argument commercial.
Le téléphone mobile
Bon, la box Internet ou le point wifi ne consomment donc pas tant que ça. Qu’en est-il du téléphone mobile, présenté comme extrêmement gourmand ?
L’avantage du téléphone mobile est qu’il est alimenté par une batterie. Il est donc très facile d’estimer sa consommation maximale en fonctionnement : c’est celle d’une charge batterie complète, moins les pertes de celle-ci (faibles).
Une batterie de téléphone mobile d’aujourd’hui possède une capacité de 10 à 15 Wh. Elle peut donc fournir 10 à 15 W pendant une heure, ou la moitié pendant 2 h, etc.
L’éclairage d’écran d’un téléphone consomme à lui seul aux alentours de 2 W (facile à vérifier avec un consomètre assez sensible sur lequel on branche le chargeur). Cela représente le coût majeur lorsque vous visionnez une vidéo. La consommation est nettement plus élevée si vous préférez le faire sur un grand écran type téléviseur, et cela s’applique également à la télévision hertzienne classique.
Par comparaison, une ampoule LED consomme environ 8 watts pour remplacer à luminosité équivalente une ampoule à incandescence de 60 watts. Autrement dit, une charge de téléphone mobile n’a l’énergie pour éclairer une ampoule “basique” que pendant 1 à 2h. Il est évidemment important d’éteindre les pièces inoccupées, mais on en parle peu. Nous avons été convaincus que le téléphone mobile consommait bien plus, ce qui est faux.
Et le réseau mobile ?
Comme votre installation personnelle, la consommation du réseau de téléphonie mobile est essentiellement un coût fixe. L’équipement actif d’une antenne allumée va consommer quelques kilowatts ou dizaines de kilowatts, l’émission hertzienne proprement dite se contente de quelques dizaines de Watts, soit 100 fois moins. Autrement dit, la variable principale qui sous-tend la consommation électrique d’un réseau mobile est l’étendue de la couverture géographique, directement corrélée au nombre d’antennes.
Une étude finlandaise citée par le document Arcep a tenté d’estimer, pour la téléphonie mobile, la consommation électrique du réseau par rapport au volume de données, autrement dit le nombre de kWh par gigaoctet transféré (kWh/Go).
Pour effectuer de telles estimations d’impact environnemental, les méthodes dites d'”analyse du cycle de vie” (ACV) évaluent l’ensemble des coûts imputés par une activité. Ainsi, l’évaluation de l’empreinte de la téléphonie mobile intègre la fabrication des terminaux, la consommation personnelle (recharge quotidienne du téléphone), etc. Pour évaluer l’empreinte d’un opérateur mobile, on prend en compte la consommation des antennes, mais également la climatisation et chauffage des bureaux, etc. En divisant ce chiffre de consommation électrique totale par le volume échangé total, on peut obtenir une estimation de l’empreinte électrique du volume de données échangées.
Ce chiffre est intéressant pour évaluer l’empreinte totale des opérateurs, mais trompeur : il laisse entendre que la consommation électrique d’un opérateur mobile est totalement dépendante du volume échangé, ce qui est faux. Si du jour au lendemain tous les abonnés mobiles de France divisent leur consommation de données par 2, la consommation électrique des opérateurs ne va pas se réduire du même facteur : leurs antennes resteront allumées, leurs bureaux continueront à être climatisés et éclairés, etc.
L’étude finlandaise citée ci-dessus est intéressante à cet égard : on voit que la consommation électrique des opérateurs finlandais est restée à peu près stable pendant la décennie 2010, malgré une légère croissance tendancielle.
En revanche, les volumes échangés ont considérablement augmenté sur la même période :
L’étude finlandaise utilise les deux graphes précédents pour en déduire un graphe d’efficacité énergétique en kWh/Go :
Si on ne prenait en compte que ce dernier graphe, ou même simplement une estimation ponctuelle en kWh/Go, on serait tenté de croire que doubler le volume de données va doubler la consommation énergétique associée, mais c’est totalement faux. Pour simplifier un peu, on ne ferait qu’introduire un nouveau point de données avec une efficacité énergétique multipliée par deux.
Bien sûr, les choses sont un peu plus complexes que ci-dessus. Augmenter la consommation en volume va provoquer l’installation de nouvelles antennes, de routeurs plus puissants, de liaisons fibre de plus grande capacité, peut-être de nouveaux liens terrestres pour développer le réseau. Inversement, comme on l’a vu ci-dessus, les générations technologiques permettent d’échanger des volumes de données toujours plus élevés avec une consommation électrique qui se réduit. Ces progrès, réels, ne sont que peu visibles dans les chiffres agrégés de kWh/Go, puisque ces derniers sont essentiellement constitués de coûts fixes sans rapport avec les technologies de transmission.
Le rapport ARCEP cité ci-dessus propose également une évaluation en termes de gaz à effet de serre (indicateur plus important que la consommation électrique), qui montre une baisse progressive de l’empreinte des opérateurs français.
La section à laquelle ce graphique figure est d’ailleurs titrée “Une amélioration de l’efficacité énergétique qui compense, à ce stade, l’effet de l’explosion de trafic” pour résumer la situation.
Et les centres serveurs (datacenters) ?
Si tous les éléments cités ci-dessus ont une consommation faible, rien ne prouve que la consommation des datacenters n’est pas en train d’exploser pour répondre à la demande croissante ?
Une étude de l’agence internationale de l’énergie (IEA) montre, là encore, que la consommation électrique de ces centres n’explose pas, car les coûts principaux sont également des coûts fixes, et l’amélioration des équipements et de leur taux d’utilisation permet de traiter une quantité toujours croissante de services à consommation électrique égale.
De 2010 à 2019, le volume réseau a ainsi été multiplié par 12 alors que la consommation électrique est restée remarquablement stable.
Faut-il vraiment réduire notre consommation de données ?
On voit d’abord qu’aucun des éléments de la chaîne, du serveur de données à notre installation personnelle, n’éprouve une sensibilité particulière aux volumes de données échangés. Il n’y a donc pas de raison écologique de se forcer à réduire notre consommation de celles-ci.
Il n’y a pas de raison non plus de forcer les opérateurs à le faire à notre place, en appelant à l’interdiction des forfaits illimités, ou à une obligation de facturation au volume. On notera d’ailleurs que ces envies de facturation proviennent historiquement des opérateurs eux-mêmes, et ont pu être liées à des initiatives pour remettre en cause la neutralité du réseau.
On peut légitimement arguer que l’électricité française est l’une des moins carbonées du monde (nos efforts en matière de consommation électrique ont donc beaucoup moins d’impact CO2 qu’ailleurs, à énergie économisée équivalente).
Mais puisque rien ne prouve qu’être sobre sur notre consommation de données aura le moindre impact significatif sur la consommation électrique, à quoi bon s’épuiser en efforts inutiles ?
Ce tweet résume d’ailleurs bien la question, pour montrer que le refus “par principe” de l’illimité n’a pas de sens :
En conclusion, la sobriété pour la sobriété, qu’elle soit volontaire ou forcée, n’est guère justifiable, et risque même de nous empêcher de profiter des externalités positives significatives, et reconnues, du numérique. Préférons donc la sobriété dûment justifiée.
Il est bien entendu utile d’éteindre sa box Internet, son accès wifi ou son ordinateur lorsqu’on ne s’en sert pas, comme on éteint la lumière ou le chauffage dans une pièce inoccupée. Il semble également établi, jusqu’à preuve du contraire — les données fiables sur la question sont rares en Europe –, que la fabrication des terminaux mobiles reste une activité consommatrice de ressources, il est donc utile d’utiliser les nôtres le plus longtemps possible pour mieux en amortir ce coût fixe.
Ce billet est resté succinct pour ne pas noyer le lecteur sous des tonnes de chiffres, mais n’hésitez pas à laisser un commentaire ici si vous avez des données pertinentes et sourcées qui pourront peut-être faire l’objet d’une deuxième couche 🙂
Sur l’“étude” du Shift Project, Carbon Brief avait publié un fact-check par George Kamiya qui s’est révélé vraiment violent
https://www.carbonbrief.org/factcheck-what-is-the-carbon-footprint-of-streaming-video-on-netflix avec des erreurs d’appréciation allant de 27× à 57× (étude reprise entres autres par l’IEA https://www.iea.org/commentaries/the-carbon-footprint-of-streaming-video-fact-checking-the-headlines ). Bizarrement, il est très difficile sur un Google en France, de retrouver ce fact-check, noyé par 500 résultats du site the TSP.
Ce qui montre :
1- Qu’il n’y a pas de relecture critique avant publication de TSP, contrairement à toute démarche scientifique
2- Que la presse n’a pas vraiment vu ce fact-check
3- Que la même presse s’est contentée du commentaire minimal de TSP, ne reconnaissant qu’une erreur de 8×, comme si c’était la norme dans une étude scientifique
4- Qu’ils n’ont pas invalidé leur conclusion, alors qu’une telle erreur n’aurait jamais été acceptée dans la copie d’un étudiant
5- Qu’ils ne l’ont pas retirée, alors que c’est la norme dans un tel niveau de doute dans les publications anglo-saxonnes.
6- Que la conclusion était évidemment écrite avant le développement, ce qui est intolérable
7- Qu’ils ont un excellent prestataire SEO
J’ai toujours ce goût amer, après leur autre “étude” sur la consommation électrique supposée de l’envoi d’un e-mail.
À mes yeux, ce “think-tank”, qui a plus le fonctionnement d’un lobby, a le même niveau de crédibilité que Jacques Benveniste et ne devrait plus être citée comme source de référence.
L’écologie et la survie de notre espèce est une affaire beaucoup trop sérieuse pour laisser des bonimenteurs truquer les conclusions comme bon leur semble.
Renseignez-vous svp : https://theshiftproject.org/article/shift-project-vraiment-surestime-empreinte-carbone-video-analyse/
@Durand merci, j’avais connaissance de ce document, mais permettez-moi de ne pas être totalement convaincu par l’argumentaire “oui nos chiffres étaient faux mais cela ne change rien à nos conclusions” 🙂
Bonjour. Je réagissais au commentaire de “Da Scritch”.
Cela dit l’explication du Shift était quand même bien plus étoffée que ce que vous écrivez et ils expliquent avec transparence en page 14 pourquoi leur erreur (certes grossière) impacte à hauteur de “seulement” 1% leur estimation de l’impact total de la vidéo en ligne.
https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2020/06/2020-06_TSP-a-t-il-surestime%C3%A9-lempreinte-carbone-de-la-vid%C3%A9o-en-ligne_FR.pdf
Là vous êtes de mauvaise foi, ils développent pourquoi cela ne change pas leur conclusions, vous faite un appel au ridicule, c’est pas trés cool
Merci da scritch 🙂
Note quand même qu’il y a eu un article dans Libération revenant sur les erreurs d’évaluation du Shift Project :
https://www.liberation.fr/planete/2020/03/05/le-streaming-sur-netflix-une-empreinte-carbone-allegee_1780310
Je ne connais pas d’autre article là-dessus et en effet, les chiffres sont repris ici et là sans grand recul.
Oui, justement : cet article de Libé ne propose que le lien vers TSP, mais nullement vers l’article original.
Je trouve ce comportement… tendancieux.
Pinaillons un peu. L’article dit « Côté antenne wifi, la législation en France interdit une émission d’une puissance supérieure à 100 mW. » Cette affirmation n’est vraie que pour la bande 2,4 GHz, qui est de moins en moins utilisée. Les niveaux exacts sont en :
http://www.radiofrequences.gouv.fr/les-niveaux-d-exposition-a73.html
Ça reste très faible de toute façon, donc ça n’invalide pas l’article.
Ah j’avais loupé ça en effet, merci pour la précision ! Il faudra de toute façon que j’essaie de faire des mesures plus précises.
Il y a aussi le fait que le PA qui sert à augmenter le signal va consommer plus que ce qui est transmis. Sur des transmetteurs S-band sur satellites, la consommation juste du PA va typiquement être 2 à 3 fois la puissance du signal transmis.
Concernant la VOD, prenons pour exemple un film en HD de 4Go. Est-ce qu’il vaut mieux que cette exemplaire de film soit stocké sur des disques dur d’1 million de Francais (soit 4Péta-Octet consommé pour un seul fichier), ou sur quelques serveurs de caches Netflix, et que le film soit consommé en cas de besoin à distance ?
Bonjour,
Trois éléments qui me semble absents de cet article et qui font que je n’en partage pas les conclusions :
– L’empreinte écologique du numérique ne se limite pas à la consommation ; cette dernière étendue sur la durée de vie du matériel oscille entre une composante mineure et une composante très minoritaire du bilan total du cycle de vie.
– Ce qui est vrai à l’échelle d’un équipement ne l’est pas à l’échelle d’une infrastructure. Certes un routeur peut transiter par exemple entre 0 et qq Go indépendamment de sa consommation. Mais s’il faut acheminer 1Tb/s faut clairement multiplifier les équipements et les tuyaux.
– Les prétendues « externalités positives » du numérique restent à démontrer ; il n’est pas du tout évident que la somme des avantages que ça procure soit supérieur à la somme des inconvénients. Cf par exemple https://fr.wikipedia.org/wiki/Informatique_durable#Mauvaises_hypoth%C3%A8ses_sur_le_r%C3%B4le_des_TIC_pour_l'environnement pour quelques exemples à apprécier.
Merci pour ces commentaires, petite réponse rapide :
– bien sûr l’empreinte écologique ne se limite pas au volume transmis, mais parlons de ce qui compte, alors, plutôt que demander la sobriété des volumes. Ce billet portait surtout sur ce dernier point : évitons de nous attaquer aux faux problèmes, si on veut résoudre les vrais.
– comme j’y fais allusion dans le texte, l’infrastructure doit être adaptée au débit “à la marge” bien évidemment, mais là encore : doubler le volume n’aboutit pas à un doublement de l’impact, très loin de là. Cf les graphes de l’étude finlandaise, mais aussi celle sur les DC, et là dessus tout concorde. Il me semble délicat d’affirmer l’inverse sans élément sérieux pour le montrer.
– les externalités positives : on en a vu quelques-unes pendant le confinement, notamment réduction majeure du trafic automobile — reconnu comme source significative de pollution, bien au delà du numérique — qui n’a été possible que grâce au numérique. (Il n’est pire aveugle…), et il y en a bien d’autres. De même les ordiphones ont remplacé des multitudes d’appareils électroniques pas plus pérennes et à fort impact (appareils photos compacts, GPS auto, lecteurs MP3, etc). Le marché des appareils photo s’est écroulé.
Pierre,
merci pour ton article intéressant.
tu commets une erreur courante en oubliant l’effet rebond qui invalide l’essentiel de ton raisonnement.
Ce qu’il faut comprendre c que :
1. la fabrication des objets numériques consomme énormément de ressources et émet énormément de CO2. il suffit de consulter les chiffres et les ACV dont tu parles.
2. Ne pas limiter les débits fait qu’ils augmentent exponentiellement et c’est ça qui justifie ensuite de changer tous les matériels bien avant leur fin de vie, et in fine qui engendre une pollution supplémentaire et régulière. idem pour les serveurs en data center, idem pour la puissance des terminaux. la 5G dans le métro ce sera uniquement pour que tout un chacun puisse regarder Netflix en 4k sur son téléphone. c’est juste absurde sur un petit ecran qui va surconsommer de la data, de la batterie…
D’où la proposition de limiter les débits qui multiplie en même temps directement la durée de vie de l’infrastructure.
Le shift et d’autres ont publié des chiffres qui permettent de démontrer ce phénomène, et te permettront d’affiner ton etude d’impact. green it vient de sortir une etude sur la 5G qui corrobore ces éléments.
Je pense en effet que ça serai au niveau de la production et du renouvellement du matériel qu’il faudrai regarder, c’est tout bête mais même à titre individuel j’ai changé certain de mes switch 100M par du 1G alors que les anciens fonctionnait encore parfaitement.
Je ne pense pas que le manichéisme soit la solution, l’augmentation des débits a nécessairement un impact sur le renouvellement du matériel (qui ne profite pas du mix énergétique français niveau GES).
Toutefois non ça n’est pas la quantité de données qui fait tourner les serveurs ou qui leur demande d’être d’autant plus refroidi.
Bonjour Xavier,
Alors sur l’effet rebond https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_rebond_(%C3%A9conomie) touche essentiellement à l’énergie. “les économies d’énergie ou de ressources initialement prévues par l’utilisation d’une nouvelle technologie sont partiellement ou complètement compensées” … “grande importance pour l’établissement, l’évaluation et la mise à jour de stratégies et politiques énergétiques”.
Donc, l’effet rebond 1) n’est pas une fatalité donc sujet à chaque fois à démonstration, 2) n’est pas visible ici (aucune explosion en termes d’énergie), 3) est bien trop souvent brandi comme une évidence.
(par ailleurs, si on avait brandi l’effet rebond lors de sa première mise en évidence réell, on n’aurait pas développé le chemin de fer. Aurait-on dû se passer de celui-ci ?)
Sinon je suis d’accord qu’il faut éviter le renouvellement inutile du matériel. Alors parlons de cela plutôt que de brandir la sobriété des volumes échangés, qui est contre-productive (empêche de profiter des gains d’efficicience).
Netflix applique une politique de quasi per device encoding. Tu n’aura donc jamais de 4k sur ton smartphone dans le metro
Excellent! Merci Pierre.
Pour ce qui est des DC, j’aime bien citer cette étude de 2016 du Lawrence Berkeley National Laboratory «United States Data Center Energy Usage Report»
https://eta.lbl.gov/sites/all/files/publications/lbnl-1005775_v2.pdf
Lire les perspectives à court terme, c’est à dire 2020… et constater qu’elle sont réalisées. «Recalibrating global data center energy-use estimates» https://science.sciencemag.org/content/367/6481/984
Elle a été mise à jour. Cf. : https://www.greenit.fr/2020/03/04/data-center-seulement-6-de-hausse-en-8-ans/
Bonjour,
Il y a quand même quelque chose qui me chiffonne : les évaluations de la consommation électrique mondiale des datecenters varient d’un facteur ~2,5 de 200TWh à 500 TWh (la borne haute étant l’estimation du Shift).
En particulier, votre article pointé ci-dessus se réfère à une étude parue dans Science et relayée par l’AIE qui fournit une estimation de ~200TWh. Mais dans votre propre évaluation de l’impact mondial du numérique en 2019 vous atterrissez à ~300TWh, soit 50% de plus => où se situe l’écart en termes d’hypothèses ?
Ce qui diffère entre l’étude de JG Koomey / AIE à 200 TWh / an et la notre 300 TWh c’est la complétude de l’inventaire.
Notre estimation se base sur le résultat d’analyses du cycle de vie (ACV) très complètes de 4 centres informatiques. Nous avons compilé ces 4 ACV pour obtenir un facteur d’impact “conso. élec. globale par serveur” tenant compte de l’ensemble des équipements qui entourent les serveurs (switch, baies de stockage, contrôle d’accès, NOC, PDU, onduleurs, clim, etc.). Par ailleurs, en ACV, la règle est de retenir les hypothèses les plus impactantes. Donc notre estimation est probablement une estimation haute.
Je ne connais pas les détails de modélisation de l’étude AIE, mais je pense qu’ils ont du “oublier” certains éléments de l’inventaire.
La conso réelle se situe probablement entre les 200 TWh de l’AIE et les 300 TWh de notre étude.
[Réponse au commentaire de F. Bordage ci-dessous] J’imagine que vous vous appuyez sur le chiffre de 67 millions de serveurs dans votre étude d’octobre 2019 (pour multiplier l’estimation décrite ci-dessous obtenue en ACV) : ce chiffre inclut des hypothèses permettant de comptabiliser les serveurs présents dans les locaux techniques des entreprises ? (hors salle informatique digne de ce nom donc)
Il serait également intéressant de comprendre l’écart avec les 500 TWh estimés par le Shift.
L’étude en question table certes sur une conso électrique des DC probablement contenue sur 2018-2022 ; mais elle indique aussi qu’au delà de 2022 il risque d’y avoir une augmentation probable de la consommation électrique à moins de l’apparition d’une technologie disruptive. Et si cela n’est pas le cas, alors il faudra des usages plus raisonnés des données pour limiter l’augmentation de la consommation électrique en DC.
Les exploitants de DC sont effectivement au taquet : 24 à 28° C de température de consigne, free cooling, matériel compatible ASHRAE class A3-A4, etc.
Le truc, c’est qu’on a au minimum 30 % de serveurs zombies. La solution de fond, c’est l’écoconception des services numériques.
Depuis 10 ans, Il y a des retours d’expérience qui montrent que pour un même service rendu (trouver l’horaire d’un train par exemple), on peut diviser la quantité de données transférées par 1350 (!) et la quantité de serveurs par plus de 100 (!). C’est un cas un peu extrême, mais ça donne une idée du potentiel.
Donc on a largement les moyens de réduire l’impact des DC (qui ne se limite pas à la conso élec.).
Merci pour les précisions F. Bordage.
Puisque la forte diminution de la quantité de données transférées est l’un des arguments mis en avant en faveur de l’écoconception, j’ai du mal à concevoir qu’il serait aberrant d’envisager des forfaits data progressifs plutôt qu’illimités. En première approche, cela me semble plutôt très complémentaire. En effet :
– l’écoconception va permettre de réduire l’impact de services numériques
– toutefois , les vidéos représentent la part prépondérante des données échangées aujourd’hui, et captent l’essentiel de la croissance annuelle du volume des données échangées => inciter les utilisateurs à de la sobriété (grâce à un forfait progressif) dans les usages lié au visionnage des vidéos (en en regardant moins, et en plus faible résolution lorsque c’est le cas) me semble très complémentaire à l’écoconception et également structurant en terme d’impact sur les 2 segments réseau et DC (sauf que les impacts sont incrémentaux -à chaque fois qu’un matériel de plus doit être fabriqué puis allumé- plutôt que linéaires).
Bonjour,
Sur l’empreinte environnementale du numérique, je vous conseille les résultats préliminaires des études #EENM et #iNUM du collectif GreenIT.fr qui sont des ACV simplifiées en Creative Commons. Nous sommes entrain de réaliser l’équivalent d’une revue critique.
– #EENM (Monde, 2019) : http://www.greenit.fr/empreinte-environnementale-du-numerique-mondial/
– #iNUM (France, 2020) : https://www.greenit.fr/impacts-environnementaux-du-numerique-en-france/
En tant que “père” du concept de sobriété numérique, je suis atterré par l’appropriation qu’en font certains acteurs et des raccourcis associés tels que la fin des forfaits illimités. C’est clairement de l’écologie punitive : cela ne fonctionne pas et cela nous fait passer pour des bobos !
Effectivement, une fois que les ordinateurs, routeurs, équipements coeur de réseau, etc. sont fabriqués et allumés la quantité de données transportées ne change quasiment rien en terme d’impacts environnementaux.
Le sujet clé est de ne pas :
a. saturer l’infra (réseaux et serveurs) pour ne pas avoir à l’upgrader vers la 5G (trop tard) ;
b. déclencher l’obsolescence des terminaux ;
ce qui ajouterait beaucoup d’impacts.
Des tas de solutions existent déjà et sont déjà déployées pour gérer la bande passante, notamment le “capping” par type de flux au delà d’un certains quota avec dégradation de la bande passante allouée.
Quoi qu’il en soit, l’écoconception des services numériques permet de réduire très significativement l’infra nécessaire tout en allongeant la durée de vie des terminaux (dont la fabrication concentre plus de 3/4 des impacts environnementaux).
L’enjeu de la sobriété numérique est clairement de réduire le taux d’équipement (par exemple par des effets de mutualisation tels qu’expliqués dans l’article) et d’allonger la durée de vie, notamment via l’ouverture des API des objets connectés, la dissociation des MAJ correctives et évolutives, la généralisation du réemploi, etc.
Merci… je vais lire cela. Je jette un coup d’oeil sur la synthèse de l’étude GreenIT.fr et j’y trouve :
“Vous pouvez agir vous aussi :
…
En limitant votre usage du Cloud et du streaming, surtout en 4G”
donc l’idée de forfait limité s’y trouve bel et bien implicitement, de même que quand vous parlez de “capping” par type de flux (donc réseau non neutre).
Il y a aussi un contresens dû à une incompréhension du fonctionnement de l’IPTV :
“En préférant la TNT à l’ADSL / fibre pour regarder la télévision”
L’IPTV fonctionne par IP multicast, technologie qui évite les duplications inutiles de flux. Si 10 000 personnes regardent la même chaîne, celle-ci ne sort qu’une fois de la tête de réseau, pas 10 000 fois, et est dupliquée uniquement lorsque nécessaire sur les noeuds du réseau.
Et quel que soit le moyen, on parle bel et bien de limiter les volumes, que ce soit réalisé de manière volontaire ou coercitive.
Or on ne voit toujours aucune explosion de l’impact environnemental dû au volume (à part dans les études prospectives qui peuvent dire un peu ce qu’elles veulent).
« Bon, la box Internet ou le point wifi ne consomment donc pas tant que ça »
Parce qu’il y en a qu’une ?
Il faut combien d’éoliennes pour 30 millions d’abonnés ?
Bonjour, pas sûr de comprendre où vous voulez en venir. Vous voulez dire qu’il faudrait se passer d’accès Internet pour vraiment décarboner ? Que faites-vous des usages qui vous permettent de ne pas vous déplacer pour des formalités simples ?
Ça me paraît effectivement être une bonne piste, et bien plus efficace que d’essayer de surveiller les compteurs. Malheureusement même nos administrations nous forcent à devenir connectées.
Les « formalités simples » ont bon dos, parce que c’est quand même l’informatisation et les réseaux qui ont permis de propulser la logistique aux niveaux que nous connaissons, avec des quantités incroyables de marchandises en circulation sur les routes.
Là où je veux en venir, c’est qu’un routeur qui ne consomme « que » 30 W c’est l’arbre qui cache la forêt. Puisque le sujet de l’article est la sobriété numérique, on ne peut pas s’arrêter à la consommation unitaire d’un appareil comme le font remarquer plusieurs commentaires ici.
Se passer d’accès Internet pour vraiment décarboner ? Peut-être pas, MAIS si on constate que sur les 200 à 500 TWh que consomment les centres de données, 90% sont imputables aux flux de (jeux) vidéo, autrement dit des usages puérils, la question se pose. La 5G est un cas d’école ; alors, devra-t-on se déconnecter de la 5G ? La réponse est oui.
En ce qui concerne les « formalités simples », cela n’existe pas dans ce pays. Une bureaucratie kafkaïenne sur papier reste une bureaucratie kafkaïenne dans un disque dur. Bonne remarque de Mayuko plus bas.
“Puisque le sujet de l’article est la sobriété numérique, on ne peut pas s’arrêter à la consommation unitaire d’un appareil”
Si vous relisez l’article, vous verrez que je parle : 1) des routeurs perso, 2) des datacenters, 3) du réseau.
“MAIS si on constate que sur les 200 à 500 TWh que consomment les centres de données, 90% sont imputables aux flux de (jeux) vidéo”
Non : c’est faux. Cf la courbe sur les datacenters. Explosion du trafic sans explosion de la consommation. Idem avec le réseau mobile.
Vos prémisses sont fausses, du coup votre conclusion est fausse.
Bonjour ! Merci pour cet article, cela dit il manque deux choses je trouve. 1- Qu’en est il de la trajectoire de l’évolution de la consomation des données ? Vue la croissance exponentielle du trafic, j’ai du mal à croire que l’évolution de l’efficacité energétique puisse suivre au même rythme, y a cette article décrivant plutôt bien cette problématique : https://blogrecherche.wp.imt.fr/2020/03/09/linquietante-trajectoire-de-la-consommation-energetique-du-numerique/
2- Est ce que la consomation actuelle est compatible avec nos objectifs de neutralité carbone d’ici 2050? Et si la consomation énergétique doit baisser, est ce que cela poura se faire sans limiter la consomation de données ?
Tout à fait d’accord avec ces 2 remarques. Concernant la 2ème, si on considère que le dérèglement climatique est un sujet suffisamment important pour vouloir rester sous 2 degrés, alors il faut faire ~-4% de GES par an chaque année jusqu’en 2050. Il me semble assez évident que cela ne peut être atteint sans une sobriété sur les données échangées sur le réseau / stockées en datacenter, car les améliorations d’efficacité (qui auront probablement du mal à maintenir le rythme des 3 dernières décennies) ne le permettront pas.
Bonjour,
La trajectoire de la consommation de données est montrée dans deux graphiques :
– celui de l’étude finlandaise
– celui de l’étude IEA sur les datacenters
A ces deux graphiques correspondent les graphiques sur la consommation d’énergie, qui est stable. Cela suffit à démontrer que l’efficacité énergétique suit (ce qui revient à dire que le volume de données a un coût énergétique incrémental indiscernable).
Pierre, merci pour les réponses aux commentaires déjà, ces échanges sont intéressants 🙂
Vous ne répondez pas à la deuxième remarque (enjeu climatique), qui a lui seul nécessite de mon point de vue de la sobriété des données (car une stabilitéde l’empreinte actuelle des DC et du réseau, qui représentent grosso modo 1.5% des GES au niveau mondial, n’est pas acceptable si on considère que le climat est un sujet).
Concernant l’étude finlandaise (et les operateurs français) avez vous éventuellement eu le temps de vérifier qu’il n’y a pas un biais lié à
un surdimensionnement de l’infra ? (auquel cas forcément que le volume de données ne joue pas)
Merci 🙂
Mon premier propos était de rappeler que l’empreinte réellement constatée est quasi stable, et même parfois en légère diminution, malgré l’explosion des volumes de données ; et que c’est la logique même quand on connaît le fonctionnement des réseaux.
L’image qu’on veut nous en donner est une explosion future, or cette image ne se fonde que sur des études prospectives assez aléatoires voire contestables, et cette “explosion” se limite d’ailleurs à une croissance de quelques %.
Ensuite, même si ce n’était pas l’objet principal de ce billet, je me méfie des conceptions absolutistes “il faut tout réduire à tout prix pour tenir les engagements de décarbonation” : si 1 kg de CO2 supplémentaire émis par le numérique permet d’économiser 10 kg de CO2 émis par le transport, il serait bien stupide de s’en priver, non ? Or si vous regardez bien, les recommandations d’environnement évacuent totalement les externalités positives, voire vont jusqu’à nier celles-ci (cf rapport du sénat sur la sobriété, passage sur le télétravail). Cela ne me semble pas complet et pas en mesure d’orienter les politiques publiques vers les meilleures décisions (euphémisme).
Donc tentons de réduire l’empreinte du numérique : très bien. Mais faisons-le avec des recommandations pertinentes et bien ciblées. Pas “réduisons notre consommation de vidéo”, autoflagellation bien inutile (voire contre-productive, car les journées n’ayant que 24h, la vidéo remplace d’autres usages pas forcément moins polluants… par exemple mobile/tablette/PC remplacent le téléviseur, bien plus consommateur en raison de son grand écran), mais plutôt “évitons de changer notre téléphone/nos routeurs/nos serveurs (ou autre) trop souvent”, puisque tout le monde s’accorde à dire que la principale source de CO2 dans le cycle de vie des équipements est là (a fortiori en France avec notre électricité peu carbonée).
Oui évidemment il convient de tenir compte des externalités positives du numérique. C’est d’ailleurs ce que je rappelle à tous mes clients, qu’il y a une notion de balance à évaluer pour chaque usage / service numérique.
Mais je pense qu’il est aujourd’hui temps d’inverser la charge de la preuve compte tenu de l’urgence climatique : savez-vous me prouver que les transfo digitales telles qu’elles sont déployées aujourd’hui ont au global tellement de bénéfices (en termes d’émissions GES évitées) qu’il est inutile de mettre en place des actions de sobriété liée aux données (qui s’inscrit dans une sobriété numérique plus largement) ? Evidemment (et heureusement) qu’il y a quelques exemples qui sautent aux yeux : le transport évité grâce à un échange audio/visio ou les sites web de seconde main par exemple.
Les limites qu’il me semble voir au final dans votre raisonnement :
– Je comprends que vous dites implicitement que l’explosion des données a induit l’amélioration d’efficacité. Or, je pense que ce n’est pas le cas ; cette amélioration serait apparue dans tous les cas de par la concurrence entre les fabriquants d’équipements. Auquel cas, si on avait stabilisé le volume / stockage de données, alors la conso électrique actuelle aurait in fine baissé.
– Vous faites parfois l’amalgame entre conso d’électricité et conso d’énergie (l’étude parue dans Science et reprise par l’AIE ne parle que de conso électrique, pas d’énergie primaire) => avec le prisme électricité uniquement, vous ne détectez pas l’énergie additionnelle nécessaire à la fabrication des nouveaux équipements nécessaires pour contrebalancer l’explosion des data car plus efficaces en conso d’électricité.
– Vous faites implicitement l’hypothèse que les gains d’efficacité constatés ces dernières années pourront perdurer ad vitam eternam, rien n’est moins sûr (mais c’est une opinion personnelle, pas un fait)
– Si je simplifie, considérer que “circulez il n’y a rien à voir” sur les 2 segments DC et réseau qui représentent ~1,5% des émissions de GES ne me semble pas à la hauteur de l’enjeu que l’humanité / le vivant a à rester sous 2 degrés => faire -4% par an en GES sur 30 ans est juste une transformation énorme ; et mon avis est qu’on ne peut donc simplement pas se permettre de ne pas réduire quelque chose qui représente quelques % des émissions mondiales actuelles.
Je serais ravi de “finaliser” cette discussion de vive voix si cela vous intéresse, vous avez mon mail 😉
Bonjour,
Surtout , l’efficacité énergétique ne doit pas servir d’excuse pour consommer toujours plus ! Le but, l’urgence, c’est de consommer moins d’énergie globalement.
Si l’on en croit vos graphes sur le volume de données vs efficacité énergétique, on a multiplié par 10 en 8 ans le volume en améliorant l’efficacité dans les mêmes proportions (grosso modo), ce qui fait que l’on consomme la même chose.
C’est un exemple parfait d’ “effet rebond” : plus l’efficacité augmente, plus les coûts baissent, donc plus on consomme (pareil que les voitures : si elles consomment peu, on roule plus).
Et çà démontre surtout une chose : c’est que revenir au volume de données de 2012 diviserait notre consommation énergétique… par 10.
Comme 2012 ne semble pas être la préhistoire en termes de data et de débit, on peut imaginer que ce fût souhaitable…
L’effet rebond porte sur la croissance de l’impact énergétique liée à la croissance du volume, elle-même permise par les gains en efficacité. On n’en constate aucun en numérique. C’est pourquoi il faut bien distinguer “consommation de données” et “consommation électrique” voire “émission de gaz à effet de serre”. Seul le dernier a un impact. Le lien entre les 2 en France est faible en raison de notre mix énergétique parmi les moins carbonés du monde.
Tout mon billet est axé sur l’idée que vouloir réduire la consommation de données = non sens, car cela ne réduira pas la consommation d’énergie.
Je ne comprends pas comment vous pouvez calculer que diviser les données par 10 divisera la consommation par 10, puisque l’étude finlandaise montre le contraire : les gains d’efficience sont majoritairement dus à l’augmentation du volume à conso électrique équivalente. Donc on a au contraire intérêt à exploiter l’infrastructure au maximum de ses capacités si on veut avoir la meilleure efficience (amortir les coûts fixes).
Quant à 2012 : j’avais alors l’ADSL, pas la fibre. Je ne souhaite certainement pas revenir en arrière, à aucun prix, désolé 😉
Je veux bien qu’on m’explique comment le développement des réseaux (et du trafic associé) serait à ce point indépendant de trucs comme la vente par correspondance, les transports internationnaux, etc.
J’ai aussi du mal à comprendre comment le nuage carboné d’internet s’arrête à nos frontières.
Parce que tout mélanger est bien pratique pour justifier n’importe quoi ?
Bonjour,
Je réagis sur vos derniers propos : Tout mon billet est axé sur l’idée que vouloir réduire la consommation de données = non sens, car cela ne réduira pas la consommation d’énergie.
C’est ce raisonnement qui n’a pas de sens parce qu’il insinue que les gains d’efficience énergétique peuvent être infinis. C’est exactement la même chose que de dire : continuez à aller chercher votre baguette en voiture à 150 m de chez vous puisque votre véhicule consomme moins d’essence que le précédent. Cela occulte également tout ce qui sera induit. Je parle de déviance comportementale, de matière grise et de durabilité. Poser son raisonnement uniquement sur la consommation de Watt est, de mon point de vue, irresponsable.
1) Je crois que vous vous méprenez sur les ordres de grandeur des gains d’efficience qu’a permis l’informatique. Cela n’a rien à voir avec les quelques % d’économie de carburant d’une génération de véhicules à la suivante. On parle de facteurs allant en dizaines de milliers depuis 25 ans (et beaucoup plus que ça depuis que l’informatique existe). Regardez par exemple la différence entre le Minitel (1200 bps) et la fibre (1 Gbps soit presque 1 million de fois plus). En ~35 ans. Avec une consommation d’énergie inférieure.
2) “Poser son raisonnement uniquement sur la consommation de Watt est, de mon point de vue, irresponsable”. Wow ! Voilà une parole forte. Désolé… on parle de décarboner. Il faut donc se fonder sur des quantités mesurables, et éviter de tomber dans les croyances et l’outrance. Il s’agit tout simplement de la démarche scientifique et il faut l’utiliser en matière environnementale si on veut cibler correctement nos efforts.
Vouloir systématiquement tout transformer nos conso énergétiques en équivalent CO2 conduit immanquablement à produire du paradoxe et des bétises.
Toutes choses étant égales par ailleurs, dois-je choisir de préférer déployer du numérique dans un datacenter français parce que le mix énergétique génère 50g de CO2 par kWh plutôt que dans un datacenter allemand parce que le mix énergétique génère 440g de CO2 par kWh? Y aura-t-il éternellement des frontières comme au bon vieux temps de Tchernobyl?
Un article intéressant d’Ericsson sur l’empreinte carbone du numérique (en anglais): https://www.ericsson.com/en/reports-and-papers/industrylab/reports/a-quick-guide-to-your-digital-carbon-footprint
l’article est orienté pistes de décarbonation du numérique avec un état des lieux et quelques graphes intéressants (notamment TB de données vs empreinte carbone du cycle de vie numérique, ) et une estimaiton de l’impact du numérique pour la décarbonation sur d’autres secteurs d’activité.
Les chiffres ne sont pas tous récents par contre.