Tout a commencé par une modeste vidéo de mariage prise avec mon téléphone ces dernières semaines.
Ce week-end, en une soirée, j’en ai effectué un premier montage rapide avec kdenlive, pour l’envoyer à quelques membres de la famille pour premier visionnage.
Ce qui semblait le plus simple pour leur faciliter la vie était de placer la vidéo sur Youtube.
Les modes de publication sur Youtube
Si vous connaissez la publication sur Youtube, vous pouvez passer directement à la section « Exécution ».
Trois options sont possibles : vidéo privée, non répertoriée, ou publique :
Le mode « privé » ne donne accès qu’aux personnes qui ont un compte Google et qui sont explicitement listées par l’auteur comme autorisées. Ce mode est très peu pratique dans la plupart des cas, soit que l’on ne connaisse pas l’identifiant Google de tous les destinataires, soit que certains d’entre eux n’en possèdent tout simplement pas.
Le mode « public » rend la vidéo accessible à tous et indexée par les moteurs de recherche, donc trouvable à travers eux. Elle est également annoncée dès publication à tous les abonnés de la chaîne.
Le mode « non répertorié », enfin, est intermédiaire. Il rend la vidéo accessible à tous ceux qui en connaissent l’adresse, qui peuvent la transmettre à qui ils le souhaitent, mais la vidéo reste discrète : elle n’est annoncée à personne, ni trouvable par des moteurs de recherche.
C’est ce dernier mode que j’avais choisi, car il semble le plus pratique pour diffuser une vidéo personnelle familiale.
Exécution sans sommation
Avec mon insouciance et mon innocence coutumières, je téléverse donc samedi soir la vidéo sur Youtube.
Le lendemain, je découvre que la vidéo a été bloquée suite à « Réclamation ». Ce n’est pas vraiment une surprise, puisque j’ai déjà abondamment parlé ici de Content-ID et de la directive copyright, le système qui détecte des extraits d’œuvres et rend les intermédiaires responsables des contrefaçons, et que ma vidéo comporte un large extrait filmé de la piste de danse.
On peut obtenir la liste des « Réclamations » pour identifier les œuvres à problèmes :
Ma vidéo a donné lieu à 13 réclamations : 11 d’entre elles sont mineures et m’empêchent de monétiser la vidéo, ce qui n’était de toute façon pas mon intention. Deux sont bloquantes : elles empêchent la vidéo d’être visible par d’autres personnes que moi, y compris en la passant en mode « privé ».
De là, il est possible de voir à quels morceaux de la vidéo s’appliquent les réclamations :
Petits meurtres d’œuvres entre amis
Ensuite, on peut choisir le sort à réserver à chaque passage litigieux :
- le supprimer purement et simplement
- remplacer la musique (ce qui pourrait être amusant sur un morceau dansé)
- couper le son pendant le passage
Le remplacement propose directement une liste de titres gratuits. On peut également, apparemment, placer un morceau que l’on a importé soi-même.
Quant à la suppression du son, il existe deux possibilités : remplacer par un silence, ou tenter d’enlever uniquement le morceau musical contesté, donc supposément en conservant les bruits d’ambiance, par traitement du signal.
J’ai choisi « ne couper que le son du titre », espérant un résultat cocasse où l’on aurait encore entendu des applaudissements, cris et bruits de pas sans la musique, mais ça n’a pas fonctionné : aucun son n’a subsisté. On était prévenu par la mention bêta qu’il ne fallait pas s’attendre à des miracles. De plus, le traitement est particulièrement long et ne peut être réalisé que sur un seul morceau à la fois.
La résurrection
Finalement, de guerre lasse, j’ai mis la vidéo en « non listée » sur ma propre instance Peertube.
Peertube est un logiciel libre qui permet de créer sa propre plateforme vidéo personnelle en évitant les systèmes de censure a priori installés sur les grandes plateformes pour respecter la directive copyright.
Les promesses non tenues des sociétés d’ayants-droit et de la directive copyright
Rappelons qu’à l’origine de toutes ces complications, la directive copyright, pour reprendre les mots d’un ancien ministre de la culture, Franck Riester, serait là pour protéger « les créateurs et la diversité culturelle européenne » :
En parlant de résurrection, j’ai exhumé ces deux affirmations évidemment rassurantes du secrétaire général de la Sacem — une des organisations à l’origine de l’article 17 de la directive, ici en jeu –, David El Sayegh, dans cet article des Échos. Il s’agissait alors, en 2018, d’appuyer le vote de la directive à l’époque incertain en raison d’un premier vote défavorable.
- cela n’aboutira pas à un filtrage généralisé (si)
- « vous pouvez vous marier plusieurs fois avec des chansons différentes » (non)
Cette fiction n’a été que de courte durée puisque, dès le vote de la directive, Jean-Marie Cavada, son rapporteur, se félicitait du filtrage automatisé qui serait mis en œuvre.
On voit.
comme d’habitude, le discours hypocrite macroniste : mais non, mais non, mais non, “on” jure que les mesures d’interdiction que nous prenons ne seront pas généralisées… Penses-tu !!! Il faut toujours comprendre dans ces discours l’inverse de ce qui est dit…