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Compte-rendu de l’audience Copwatch version 2

Aujourd’hui 7 février, à 14 heures, se tenait l’audience publique relative à la nouvelle affaire Copwatch.

Bien que n’étant pas convoqué ni assigné, j’y ai assisté.

L’audience se tenait au fin fond du palais de justice de Paris, en haut d’une tour (dite la tour d’argent, mais on n’y mange pas) au dernier étage d’un escalier en colimaçon, charpente en bois et salle glaciale.

Les six plus gros fournisseurs d’accès français (Free, Orange, SFR, Bouygues Télécom, Numéricâble, Darty Télécom) étaient assignés par le ministère de l’Intérieur et des syndicats de policiers pour demander la disparition d’un certain nombre de pages web sur le site incriminé.

L’audience a duré plus de 3 heures, en effet l’affaire n’est pas identique à l’affaire d’octobre, il ne suffit pas de décider d’une nouvelle liste de sites à filtrer. De nombreux miroirs sont apparus (plus de 30), les injures auraient été retirées, resteraient la divulgation de données personnelles qui aurait été constatée par huissier, et accessoirement la diffamation.

Une rumeur disait que les éditeurs du site Copwatch (non assignés) étaient présents dans le public. Ils ne se sont cependant pas exprimés.

Le ministère de l’Intérieur demande que les pages incriminées ne soient plus accessibles. Quitte à bloquer (surbloquer) pour cela l’ensemble du site (toutes les pages, mêmes celles qui ne sont pas litigieuses) si des mesures techniques plus précises ne sont pas possibles.

La particularité de cette assignation était la demande par le ministère de l’Intérieur d’étendre toute mesure de blocage à tout site nouveau diffusant un contenu identique à celui jugé illicite. Autrement dit, effectuer la mise à jour dans le futur du blocage du site Copwatch, sous la responsabilité des fournisseurs d’accès, sans intervention d’un juge.

Les syndicats de policiers avaient les mêmes demandes, insistant tout de même sur la bien plus grande gravité de la divulgation d’informations personnelles puisqu’elle pouvait mettre des policiers en danger.

La position des fournisseurs d’accès, du moins telle qu’elle a été exprimée et que je l’ai comprise, est assez classique :

1) le filtrage par page, qui nécessite du DPI, est trop intrusif (libertés publiques) et trop coûteux (Orange/FT a évoqué pour sa part la somme de 10M€) ;

2) restent le filtrage par adresse IP ou par le DNS. Seuls Orange et Bouygues sont en mesure de réaliser ce dernier facilement, pas Free ni SFR ; le surblocage qui en découle, bien que gênant lui aussi vis à vis des libertés publiques, est connu et assumé. L’affaire ARJEL (blocage DNS de site illégaux de jeu en ligne) a été citée. L’avocat de SFR a en outre rappelé que le blocage DNS résulte en un surblocage d’autres services, comme le courrier.

3) l’intervention d’un juge est absolument nécessaire afin de donner lieu à débat contradictoire, il est hors de question d’étendre la mesure “automatiquement” aux miroirs futurs.

4) le blocage est inefficace : le site coupé en octobre est réapparu quelques heures après (effet Streisand) et non le 25 janvier qui est la date de sa médiatisation. Les avocats des fournisseurs n’ont pas envie  de revenir tous les 2 mois pour de nouvelles interventions inutiles.

5) la seule stratégie viable pour faire disparaître les contenus incriminés est d’agir à la source. L’affaire MegaUpload a bien entendu été citée.

6) seuls 2 sites (copwatchnord-idf.eu.org et copwatchnord-idf.meta.gd) ont donné lieu à des constats d’huissier, les infractions sur les autres sites ne sont pas démontrées et il n’est donc pas possible de les bloquer.

Le ministère de l’Intérieur ne semble pas avoir poussé très loin les investigations pour identifier l’éditeur du site,  ce qui a suscité un certain étonnement chez les défendeurs comme de la part du président. C’est d’autant plus étonnant que, par sa fonction même, le ministère de l’Intérieur est le mieux placé en la matière.

Détail cocasse, l’avocat du ministère de l’Intérieur a dit être persuadé que des informations sur l’audience circulaient à l’instant même où il s’exprimait. Et en effet, nous étions plusieurs personnes à en faire un compte-rendu en temps réel sur Twitter.

Le ministère public estime que la “subsidiarité a été démontrée” pour les 2 sites “principaux” , mais pas pour tous les autres ; que les interdictions de sites sont plus graves que des interdictions de pages mais ne portent pas atteinte à la liberté d’expression puisque l’éditeur est masqué ; et enfin, que des interdictions futures automatiques sont inconcevables.

Le jugement sera rendu vendredi 10 février à 16 heures.

On notera que la possibilité de demander une coupure de domaine DNS à la source n’a absolument pas été évoquée dans les débats, ce qui sur le fond ne changerait de toute façon rien à l’efficacité des mesures prises.

Complément par PCinpact avant l’audience : http://www.pcinpact.com/news/68786-copwatch-blocage-filtrage-miroirs-futurs.htm

Compte-rendu de PCinpact : http://www.pcinpact.com/news/68797-copwatch-parquet-claude-gueant-inconcevable.htm

Le Point : http://www.lepoint.fr/societe/la-justice-une-nouvelle-fois-sommee-d-interdire-des-pages-du-site-copwatch-07-02-2012-1428434_23.php

Numerama : http://www.numerama.com/magazine/21446-pourquoi-et-comment-claude-gueant-veut-faire-refermer-copwatch.html

Bluetouff sur Reflets http://reflets.info/whos-fucking-next/

Un client Free qui a mis un miroir chez lui a été contacté par le fournisseur : http://sebsauvage.net/rhaa/index.php?2012/02/07/13/28/23-assignation-en-refere

Au sujet de copwatchnord-idf.eu.org

Ce billet va être un tantinet abscons car technique, et je n’ai malheureusement pas le temps de développer… que les lecteurs veuillent bien m’en excuser. Il y aurait beaucoup à dire, des pages et des pages, mais je vais me limiter à l’essentiel.

Rapide historique

Le site copwatchnord-idf.org a défrayé la chronique cet automne car il a provoqué l’ire du ministère de l’Intérieur. Ce dernier a réussi à en obtenir le blocage sur le territoire français, obtenant aussitôt un bel effet Streisand puisque des miroirs sont apparus aussitôt après. Ce blocage a été obtenu par le blocage, par les principaux fournisseurs d’accès français, de l’adresse IP du site, qui se trouve hébergé aux États-Unis. On trouvera sur Numérama un résumé de l’affaire. Selon cet article ultérieur de Numérama, les éditeurs du site Copwatch ne s’étant pas présentés à l’audience, le tribunal n’a pas débattu de la légalité du site .

Depuis quelques jours, le site est réapparu à l’adresse https://copwatchnord-idf.eu.org/. Le 24 janvier, cela a donné matière à un article sur le site web du journal Le Point : Censuré par Claude Guéant, Copwatch revient.

Or, le domaine copwatchnord-idf.eu.org, comme son nom l’indique, a été réservé via eu.org, service que je gère depuis 1996 avec l’aide d’une équipe de bénévoles. Le domaine copwatchnord-idf.eu.org a été validé (rendu utilisable) le 5 novembre 2011.

Pour rappel, eu.org n’est pas hébergeur mais distribue des noms de domaine gratuitement. eu.org est un simple intermédiaire technique et a distribué à ce jour plus de 20 000 domaines.

Les nouvelles du jour

Des bruits laissaient entendre cet après-midi que la place Beauvau aurait dit qu’il serait pratiquement impossible d’identifier l’hébergeur de eu.org.

Mon intuition me dit que si la place Beauvau mentionne actuellement eu.org, c’est très probablement en raison de la réapparition de Copwatch.

Revenons sur les termes de l’affirmation ci-dessus :

– l’hébergeur (celui qui fournit le serveur contenant les pages web ainsi que les logiciels du service de fourniture de noms de domaine) est parfaitement identifié puisqu’il s’agit de moi-même, sur ma liaison ADSL personnelle. Je suis facilement identifiable par la base publique Whois des noms de domaine publiée par le registrar Gandi.net (pour les domaines dont il a la charge) ; de même mon fournisseur d’accès, Free, est facilement identifiable par la base Whois d’allocation des adresses IP dans laquelle figure le bloc où se trouve celle que j’utilise.

– l’hébergeur de eu.org n’a rien à voir avec les hébergeurs des 20 000 sites, dont Copwatch, délégués par eu.org via le système de noms de domaine ;

– la prestation fournie par eu.org à ses utilisateurs, dont Copwatch, n’est pas une prestation d’hébergement mais la simple fourniture (on dit délégation) d’un nom de domaine.

– les personnes responsables des domaines ainsi fournis (délégués) fournissent des informations de contact supposées sincères, dont l’exactitude n’est pas vérifiée, mais qui sont diffusées publiquement sous le nom de base Whois. Au minimum il faut que l’adresse email fournie et les serveurs de noms soient techniquement corrects au moment de la demande de délégation du domaine, sinon l’enregistrement est refusé.

Et maintenant ?

Il est probable que le ministère de l’Intérieur va demander que le site copwatchnord-idf.eu.org soit, sinon fermé proprement dit, du moins rendu inaccessible. Le site étant physiquement hébergé aux USA, il est impossible d’obtenir la coupure du serveur qui l’héberge pour la même raison qu’en octobre.

En revanche, il est possible, par exemple, que :

– le ministère demande aux fournisseurs d’accès français, de même qu’en octobre, le blocage pour les accès depuis la France de l’adresse IP du nouveau site (située chez le même hébergeur que l’ancien) ;

– ou qu’il demande à eu.org la coupure du domaine copwatchnord-idf.eu.org.

N’étant pas juriste, je ne suis pas en mesure de juger de la légalité, ni des mesures citées ci-dessus qui posent de sérieuses questions sur les libertés publiques, ni du site Copwatch lui-même.

J’espère en tout cas que l’on n’utilisera pas une bombe atomique pour atteindre la cible, comme c’est malheureusement trop souvent le cas par les temps qui courent lorsqu’Internet est concerné.

Mise à jour : article du 1er février de PcInpact sur le développement de l’affaire (et encore un autre nom de domaine pour le site : copwatchnord-idf.meta.gd). Rendez-vous le 7 février apparemment…

Mise à jour 2 février au soir : un article d’Arrêt sur images revient sur l’affaire.

 

Vidéo HD : caméscope ou appareil réflex ?

Vue la popularité croissante des appareils photo réflex permettant l’enregistrement de vidéos HD, on entend parfois affirmer qu’ils remplacent (ou vont remplacer) les caméscopes.

Pourtant, pour utiliser ces deux types d’appareils, je peux dire que les usages que j’en fais n’ont pas grand chose à voir.

Le caméscope HD :

  • dispose d’un autofocus en continu qui permet le recadrage à tout moment ;
  • possède une autonomie d’au moins 1 à 2 heures pour filmer en continu (que ce soit sur cassette magnétique ou disque dur) ;
  • dispose d’un viseur interne bien visible même en plein soleil ;
  • reste allumé jusqu’à 5 minutes en pause, entre deux prises.

L’appareil réflex souffre en partie des contraintes techniques imposées par le miroir relevable de la visée réflex :

  • nécessite généralement une mise au point fixe pendant la durée du plan, ou mise à jour au jugé avec les risques d’imprécision que cela comporte ; le capteur (donc l’ouverture) étant grand, la profondeur de champ est réduite, ce qui ne favorise pas la netteté générale, même si l’aspect “cinéma” est plaisant ;
  • préfère les plans fixes, pour la même raison ;
  • ne présente qu’un écran LCD pour la visée (le viseur optique est désactivé), ce qui s’avère extrêmement peu pratique et quasiment inutilisable au soleil ;
  • ne possède qu’une autonomie réduite : petite batterie et nécessité de conserver l’écran LCD allumé, ce qui l’oblige à s’éteindre assez rapidement lorsqu’on n’effectue pas une prise de vue (au bout de 30 secondes sur le mien)
  • en revanche, le temps de démarrage que permet l’absence de cassette ou disque est bien plus réduit.

Enfin, sur l’autonomie “en déplacement” (vacances…), les cassettes magnétiques sont imbattables : environ 2€ par heure d’enregistrement (13 Go en HDV), à comparer avec le prix des cartes mémoires.

En conclusion : non, les réflex numériques ne sont pas prêts à remplacer les caméscopes dans une utilisation loisirs/famille classique pour des prises de vue longues et peu ou pas préparées.

En revanche, ils sont pratiques pour certains usages bien précis :

  • de la prise de vue courte, “rapide et sale”, façon vidéo pour Youtube, mais de qualité : infiniment mieux que ce que l’on obtiendra avec un téléphone portable.
  • à l’extrême opposé, de la prise de vue “pro” façon cinéma avec préparation : sur trépied, plan fixe, éclairage soigné. Dans ce cadre, les contraintes dues au réflex sont parfaitement habituelles.

Ce sont les conclusions auxquelles je suis arrivé après quelques mois de cohabitation des deux systèmes. Mais la technique évoluant vite du côté des réflex, il est probable que ces conclusions seront à revoir dans quelques années.

Internet à l’Élysée : rétropédalage politique pour 2012 en sept actes

Acte I : la loi Hadopi

Les lois HADOPI 1 (Haute Autorité  pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet) et HADOPI 2 sont bien connues aujourd’hui. Suites de la loi DADVSI, ce sont de nièmes lois de commande destinées à protéger les ayants-droit de la musique et du cinéma, établies au nom de notre exception culturelle bien française (les états-uniens, ces vilains, ont tendance à considérer ces arts comme une industrie ; chez nous ils relèvent du ministère de la Culture, qui n’a heureusement rien à voir avec de sordides problématiques pécuniaires).

Nicolas Sarkozy veut ainsi civiliser Internet. Ce sont ses mots.

Or chacun sait, dans les milieux techniques liés à l’informatique et au réseau, qu’il n’existe strictement aucun moyen d’empêcher de façon fiable la copie d’une information numérique. Chacun le sait, et chacun l’a dit et répété. Cette analyse a été présentée en annexe du rapport Olivennes-Faure, qui avait été commandé par le gouvernement de l’époque pour recommandations préalables aux lois DADVSI puis HADOPI. Il ne s’agit pas d’un tour de passe-passe idéologique visant à légitimer le piratage éhonté des contenus — que la plupart des intervenants, sur le fond, condamnent –, mais de la simple constatation d’un fait.

En outre, chacun sait, et chacun a également dit et répété, que toute mesure de filtrage sur Internet est délicate à mettre en œuvre, d’une part pour des raisons techniques, d’autre part et surtout parce qu’elle met en jeu la liberté d’expression et d’information dans nos démocraties. Au minimum, on est en droit d’espérer que l’exercice de cette censure fasse l’objet d’une procédure judiciaire en bonne et due forme.

Cela n’a pas empêché le gouvernement et le rapporteur, Franck Riester, d’ignorer superbement tous ces avertissements pour faire voter la loi Hadopi, puis la loi Hadopi version 2 suite à la censure par le Conseil Constitutionnel d’un article important, dans des circonstances rocambolesques — lire les résumés sur Wikipedia dont j’ai donné les liens en haut d’article.

L’autorité créée par cette loi, la HADOPI, a commencé réellement son activité à la rentrée 2010, pour le modeste budget de 12 millions d’euros. Elle est supposée envoyer des courriers électroniques d’avertissement, avec l’aide des fournisseurs d’accès français, aux internautes qui copieraient illégalement des œuvres, se rendant ainsi coupables de contrefaçon ; puis, s’ils persistent dans l’erreur, à couper purement et simplement leur accès à Internet, à l’exception de la télévision et de la téléphonie. On note au passage avec intérêt la hiérarchie de valeurs imprimée dans l’esprit du législateur français : seuls les moyens de communication existant depuis plus de 70 ans ont l’honneur de se voir réellement protégés. Apparemment, Internet n’est pas aussi essentiel dans la vie de tous les jours que le téléphone et la télévision. Cette distinction n’a rien d’anecdotique, elle est au contraire au cœur du problème.

À ce jour, fin 2010, les résultats de la HADOPI ne sont pas au rendez-vous (une vraie surprise…). Le piratage ne semble pas avoir sensiblement régressé ; l’activité « pédagogique » (envoi de courriers électroniques), pourtant la plus facile à mettre en œuvre, semble très largement en deçà des quotas initialement annoncés de 50.000 adresses par jour. Cela semble étonnant, mais on verra plus bas qu’il y a une excellente explication pour cela.

Fin de l’acte I.

Acte II : le rabot fiscal

Suite à la crise financière, devant la nécessité de réduire le déficit du budget de l’État, plutôt que d’essayer de réduire son train de vie (cf par exemple ci-dessus : budget Hadopi), la solution française est bien connue : inventer de nouveaux impôts, augmenter les impôts existants et supprimer les niches fiscales.

Nous avons donc pu assister au rabotage récent du statut de jeune entreprise innovante (JEI) et du Crédit Impôt-Recherche ; rabotage qui désole beaucoup de créateurs d’entreprises de technologie.

Nous allons également assister dans les jours qui viennent à la remontée, déjà votée, du taux de TVA sur les accès ADSL, et qui s’applique au 1er janvier 2011. Cette mesure irrite les fournisseurs d’accès et abonnés Internet, qui ont la désagréable impression d’être une nouvelle fois les dindons de la farce.

Acte III : Wikileaks

Là dessus, interviennent les déclarations fracassantes d’Éric Besson, à peine arrivé à l’économie numérique (en remplacement de la regrettée Nathalie Kosciusko-Morizet), souhaitant éjecter Wikileaks des serveurs français qui l’hébergent par une lettre de mission à Pascal Faure (CGIET) qui restera dans les annales. On est là en plein dans la mission « civilisatrice ».

Nouvel émoi. Rigolade (jaune) lorsqu’une fuite du conseil des ministres laisse entendre que le président a confondu Wikipedia avec Wikileaks.

Acte IV : l’annonce du déjeuner de bloggueurs influents

Le président de la République, en homme de dialogue, bien conseillé par son entourage et manifestement conscient de la grogne et de la gêne grandissantes dans un secteur d’avenir qui lui tient particulièrement à cœur (au moins en discours), a cherché a renouer le contact en invitant quelques « personnalités » de l’Internet français pour un déjeuner informel à l’Élysée, le jeudi 16 décembre.

Et là, les choses deviennent très intéressantes pour qui veut s’informer sur le fonctionnement de notre démocratie, les pratiques de nos hommes politiques et la constitution de microcosmes, voire de connivences.

La liste des personnes invitées a été publiée :

  • Xavier Niel, fondateur d’Iliad et patron de Free ;
  • Jean-Michel Planche, fondateur d’Oléane et président de Witbe ;
  • Daniel Marhely, président de Deezer ;
  • Maître Eolas, blogueur et avocat ;
  • Nicolas Vanbremeersch, blogueur (Meilcour.fr, ex-Versac) et fondateur de Spintank ;
  • Eric Dupin, blogueur (Presse Citron) ;
  • Jacques-Antoine Granjon, président de vente-privée.com ;
  • Jean-Baptiste Descroix-Vernier, directeur de Rentabiliweb.

Un choix varié, entrepreneurs comme « blogueurs » relativement connus, qui n’ont pas dû se faire prier : quand on a l’honneur d’être invité à l’Élysée par le président de la République, en général, on y va ; ou on explique comme l’a très bien fait Korben pourquoi on a de très bonnes raisons de refuser.

Acte V : le passage de la loi LOPPSI

Par un amusant hasard du calendrier parlementaire, c’est la nuit précédant le repas suscité qu’a été votée en 2e lecture à l’assemblée la loi LOPPSI sous la férule de Brice Hortefeux et de Éric Ciotti. Chacun pouvait assister à sa retransmission en direct sur le site Internet de l’assemblée. Dans un hémicycle quasiment vide en fin de soirée, on pouvait voir les rares députés présents rejeter en bloc les amendements de bon sens proposés, y compris ceux provenant de députés UMP comme Laure de la Raudière ou Lionel Tardy. Sans parler évidemment de ceux des très rares députés d’opposition présents, Patrick Braouzec et Patrick Bloche. Un processus similaire à celui de l’adoption de la loi HADOPI, avec un résultat qui laisse à désirer pour les mêmes raisons : adoption du filtrage d’Internet vis à vis des contenus pédopornographiques sur simple décision administrative, sans intervention d’un juge, sans même la moindre transparence sur les sites visés. Préférence pour la censure des contenus plutôt que pour l’action contre les actes répréhensibles : la définition même de la tartuferie.

En somme, on préfère l’affichage médiatique de petits bras musclés plutôt que l’efficacité, comme dans le cas d’HADOPI.

Il ne faut probablement pas attendre grand chose du passage en 2e lecture au sénat pour améliorer la loi, il ne reste donc plus que le conseil constitutionnel.

Acte VI : le déjeuner

Le décor est posé, les lois sont quasiment votées dans leur ensemble d’une manière irréversible à court terme. Le moment est donc idéal pour que le président de la République, à l’approche de l’échéance électorale de 2012, puisse afficher la volonté de dialogue qui a toujours caractérisé son action. En effet, un calcul rapide permet de constater que les internautes échaudés par HADOPI et LOPPSI sont probablement un petit peu plus nombreux que les ayants-droit comme Johnny Hallyday, ses collègues et leurs producteurs. Transposé en voix aux élections de 2012, cela pourrait se traduire par un sérieux handicap pour le parti du président.

Cela serait encore plus fâcheux si l’HADOPI prenait sa pleine puissance d’envoi de courriers pédagogiques, se transformant par là même en arme de destruction massive de voix pour l’UMP.

C’est donc là que nous entrons de plain-pied dans la haute politique pré-électorale.

Quatre convives ont fait des compte-rendus directs ou indirect du repas, les voici. Je vous invite à les lire car il est difficile de les paraphraser :

On trouve également les traditionnelles photos sur le perron.

Les déjeuners à l’Élysée ne sont pas rares, mais, fait notable, c’est sans doute la première fois que l’on peut en lire plusieurs compte-rendus aussi directs, qui ne sont pas passés par le filtre aseptisant des médias classiques. Il est ainsi possible d’entrevoir les avis divergents, les points communs, le tout dans une grande transparence, dont on peut très sincèrement remercier les intéressés.

Acte VII : le Conseil

Pour résumer, le président veut établir un dialogue et, pour cela, propose en particulier d’établir une sorte de Conseil National du Numérique (pas forcément sous ce nom), qui était déjà dans les cartons après la fermeture des quelques instances similaires l’ayant précédé. Faire et défaire…

Outre l’opportunisme de la démarche, déjà noté ci-dessus ainsi que dans certains compte-rendus, on peut voir là le réflexe classique de l’homme politique lorsqu’il perd pied : créer une instance « représentative » (il ne s’agit pas forcément qu’elle soit réellement représentative, mais il faut quand même qu’elle en ait l’air). Cela permet :

  • d’établir un dialogue, au moins apparent, ce qui est d’autant plus essentiel qu’en fait la messe est dite et les lois déjà  votées — en entreprise, on appelait cela le management participatif ;
  • de se débarrasser des patates chaudes en les déléguant ;
  • d’avoir un fusible à faire sauter en cas de problème, par remplacement, comme dans un gouvernement ;
  • de déléguer la communication des mauvaises nouvelles en utilisant éventuellement les titulaires de la fonction comme cautions morales en fonction de l’aura qu’ils ont pu acquérir par ailleurs dans une vie antérieure ;
  • de montrer qu’on agit pour résoudre les problèmes ;
  • de distribuer des postes honorifiques à des gens méritants, compétents ou populaires — en en faisant, le cas échéant et s’ils ne le sont déjà, des obligés, dans un classique échange de bons procédés ;
  • éventuellement — l’improbable n’est jamais exclu –, d’avancer réellement.

Ce type de mécanisme est parfaitement connu, bien rodé et largement pratiqué. Il peut même fonctionner si les objectifs stratégiques sont clairement établis, ce qui est souvent le cas lorsqu’à l’extrême on souhaite calmer ou satisfaire tel ou tel lobby.

Mais dans le cas du numérique ? Que recouvre ce mot, d’ailleurs ? Et même si on se limite à Internet ?

L’écosystème d’Internet n’est pas homogène au même titre que l’industrie musicale, et ne peut donc pas constituer un lobby, même au sens noble du terme.

Internet est un croisement bizarre entre la technologie informatique, l’anarchie et l’esprit d’entreprise, mélange hétérogène difficile à appréhender pour les hommes politiques, et à plus forte raison par ceux qui n’y mettent pas les pieds.

Internet étant une agglomération d’intérêts variés et souvent divergents (particuliers de tous milieux et de tous âges, fournisseurs d’accès « purs » ou telcos reconvertis tant bien que mal, éditeurs de contenus, fabricants de matériel, universitaires, chercheurs, commerçants, PME…, en somme des citoyens de toutes origines), il semble difficile de le faire représenter en tant que tel ; problématique qui s’est déjà présentée, à plus petite échelle et de manière beaucoup plus informelle, pour le choix des convives à inviter…

Épilogue

En conclusion, la chose qui me semble évidente est que la création d’un tel conseil serait, avant tout, un bel aveu d’impuissance de la part du pouvoir politique. C’est l’ensemble des mœurs et mentalités politiques françaises qui doit être rénové et modernisé, adapté au numérique et à Internet, plutôt que l’inverse. La conclusion de Versac (paragraphe titré “manque d’ambitions”…) me semble bien résumer la question et aller dans un sens intelligent. Et comme le dit Jean-Michel Planche : on n’est pas à l’abri d’un coup de chance.

Quant à la malheureuse HADOPI, on voit qu’elle est coincée entre le marteau-ayants-droit et l’enclume-UMP-2012. S’il était facile de voter une loi d’affichage pour satisfaire les premiers, il va être plus difficile de jouer la montre pendant encore 18 mois pour envoyer le moins possible de courriers pédagogiques. D’ailleurs, aux dernières nouvelles, il semblerait que les ayants-droit commencent à découvrir la nature du problème…

Mise à jour du 21 décembre 2010 : Nicolas Sarkozy, le retour du candidat numérique (tout un programme), point de vue de Pierre Chappaz sur le déjeuner, et sur l’annonce officielle d’Éric Besson de ce jour (création du CNN, …).

Master Classes de Ruggero Raimondi avec Don Giovanni

Un peu de culture, pour changer. Je vous le promets, ce n’est qu’accidentel et indépendant de ma volonté, c’était juste trop beau pour que je me retienne d’en parler.

J’ai été invité hier soir aux « Master Classes » de Ruggero Raimondi à la salle Gaveau.

Il s’agit d’un cours donné à de jeunes chanteurs très talentueux répétant des scènes de Don Giovanni, sous les conseils du maître prodigués en direct. La particularité de l’expérience est qu’elle est réalisée devant le public, c’est ce qui la rend exceptionnelle. Toute la session a été filmée par et pour une émission d’Alain Duault qui passera sur France 3 à la rentrée (douze heures de rushes prises pendant 2 jours de répétition, une heure d’émission).

Magnifique.

Je vous conseille (non, je vous ordonne) de surveiller le passage de l’émission. Pas la peine d’être un grand fan d’opéra, ni d’être expert en chant ou en musique classique, pour apprécier. Il suffit d’aimer le chant, la musique (soigner la sortie son de la télévision, fermer les écoutilles pour ne pas être dérangé), et le théatre… et de se laisser porter par la magie. Placement des acteurs, pauses dans le chant, rythme, gestes, sentiments… la scène, partie de rien, est façonnée et prend vie en quelques minutes sous nos yeux. C’est captivant. C’est aussi une superbe initiation à l’opéra.

Pour les amis des comédies musicales du théatre anglais de l’ENST, ça n’a absolument rien à voir et pourtant c’est exactement la même chose.

Pour ceux qui auraient voulu y assister sur place : trop tard malheureusement… mais surveillez la programmation future de la salle Gaveau, un futur cours est envisagé sur La Traviata.

Le seul vrai secret de la mayonnaise

On a pu lire beaucoup de choses et beaucoup de bêtises sur la façon de réussir la mayonnaise. Pourtant, il n’y a qu’une seule chose à savoir. Pas deux, une :

Il faut démarrer avec une quantité d’huile aussi réduite que possible, 1/2 cuillérée à café par exemple.

Plus il y a d’huile au début, plus il faut battre fort pour obtenir l’émulsion.

Ce n’est tout de même pas compliqué.

LOPPSI 2 et autres lois en I après DADVSI, HADOPI…

Après la loi DADVSI (2006, déjà caduque), la HADOPI qui lui fait suite (devra faire la preuve de son efficacité, non avérée, depuis le 1er janvier 2010, mais les ayants-droit ne se font probablement guère d’illusion), aujourd’hui a été votée à l’assemblée la nouvelle loi dite “LOPPSI” qui comprend un volet complétant l’arsenal juridique des lois Internet :

PROJET DE LOI d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure :

Conformément à l’engagement de la ministre de l’intérieur, le présent projet d’article met à la charge des fournisseurs d’accès à Internet l’obligation d’empêcher l’accès des utilisateurs aux contenus illicites. La liste des sites dont il convient d’interdire l’accès leur sera communiquée sous la forme d’un arrêté du ministre de l’intérieur. En pratique, l’OCLCTIC transmettra au FAI les données utiles par voie dématérialisée. Les FAI auront le libre choix des technologies de blocage selon leurs infrastructures.

(voir aussi un article complet sur les mesures de LOPPSI 2 sur lemonde.fr)

Les FAI seraient financièrement dédommagés des coûts de mise en oeuvre du filtrage par l’autorité publique.

Il y a plusieurs choses à noter en l’occurrence.

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Le principe de Gervais

Attention, ce qui suit est réservé aux cyniques endurcis.

Vous connaissez sûrement le principe de Peter : chacun s’élève dans la hiérarchie jusqu’à son niveau d’incompétence.

Vous connaissez peut-être son contraire (ou sa suite, suivant la façon dont on voit les choses) : le principe de Dilbert : on réserve aux incompétents les promotions vers des postes d’encadrement.

Voici maintenant le principe de Gervais, décrit par un très bel article (en anglais).

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Auditez l’informatique de Télécom ParisTech

Vous êtes consultant ? Vous réalisez des audits et avez des références ? Vous êtes libre en avril-mai-juin ?

N’hésitez pas à déposer avant le 19 mars 2009 un dossier de candidature pour l’audit de l’informatique de Télécom ParisTech, c’est ici, section ” l’audit du système d’information de Télécom ParisTech (hors applications informatiques), son organisation, le bilan de l’existant, la préconisation de solutions, la proposition d’un schéma directeur du système d’information“.

La partie intéressante (le CCTP, cahier des clauses techniques particulières) est disponible en cliquant sur le lien “DCE” puis en fournissant simplement vos coordonnées et votre adresse électronique.

Campus Saclay : restructuration dans l’enseignement supérieur

La décision a été rendue hier : le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche a validé 4 projets de restructuration dans l’enseignement supérieur.

L’opération qui m’intéresse tout particulièrement est celle du campus du plateau de Saclay, dans sa partie plateau de Palaiseau. Elle concerne en effet une dizaine d’écoles d’ingénieurs de la région parisienne, dont Télécom ParisTech et Polytechnique qui se trouve déjà sur place.

Le projet vise à réduire l’émiettement de ces écoles, et certaines inefficacités criantes qui en découlent, pour monter un ensemble de taille comparable aux grandes universités américaines. L’intérêt en saute tellement aux yeux sous de multiples aspects qu’il est difficile d’imaginer que l’opération n’aboutisse pas. Malgré le coût de mise en oeuvre, les économies à réaliser à moyen et long terme ne font guère de doute.

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