(suite de mes pérégrinations débutées ici)
Les opérateurs délivrant de la fibre jusqu’à l’abonné (dite “FTTH”) sont au nombre de 3 :
- FT/Orange
- SFR
- Free
On peut y ajouter Numéricâble qui est un cas particulier. Numéricâble est un cablo-opérateur de télévision qui a ajouté à son offre, à la fin des années 90, l’accès à Internet utilisant la technologie DOCSIS. Il ne délivre pas de la fibre jusqu’à l’abonné mais du câble coaxial cuivre pour télévision (quoiqu’il semblerait que Numéricâble fournisse maintenant de la “vraie” fibre FTTH mais je n’en sais pas plus).
Alors comment obtenir la fibre chez soi ?
Signature d’une convention avec un opérateur d’immeuble (OI)
Pour cela, il faut procéder au vote d’une résolution en assemblée générale. Le plus économique est de le faire lors de l’assemblée générale annuelle, afin de ne pas multiplier les convocations coûteuses. Cette résolution donne l’autorisation au syndic d’immeuble de signer une convention avec un opérateur.
Or, les opérateurs se déplacent rarement avant d’avoir une convention signée, et ne peuvent vérifier la faisabilité technique qu’en se déplaçant.
Par ailleurs, comme je l’ai expliqué précédemment, Free s’est retiré de l’activité d’opérateur d’immeuble, et les autres opérateurs semblent éviter de (ou ne peuvent) se rendre dans les immeubles où Numéricable a été choisi comme opérateur d’immeuble.
Les deux seuls fournisseurs d’accès également opérateurs d’immeuble existant à Paris (et a priori c’est le cas par défaut dans toutes les grandes villes, à part les exceptions locales) à l’heure actuelle sont donc SFR (voir ici) et Orange (ici).
Mais il existe la possibilité d’être simplement opérateur d’immeuble sans être fournisseur d’accès, c’est par exemple ce qui se passe dans les Hauts de Seine avec Sequalum (merci à J.-B. Favre). On peut même imaginer des syndics d’immeuble qui seraient leur propre opérateur.
De plus, il est évidemment impossible d’être certain qu’un opérateur pressenti installera effectivement la fibre. Il a 6 mois pour le faire, après quoi la convention est caduque et il faut procéder à la signature avec un autre opérateur, en général à l’assemblée générale annuelle suivante. Sauf convocation exceptionnelle on peut donc perdre un an, c’est ce qui est arrivé dans ma copropriété.
Il est donc conseillé de rédiger une résolution d’AG “générique”, du style “accord de principe pour signer une convention avec un opérateur pour la pose de fibre, avec pouvoir au conseil syndical pour le choix de l’opérateur”, plutôt qu’une résolution nommant explicitement un opérateur.
Arrivée de l’opérateur d’immeuble
Une fois la convention signée, dans un délai de 6 mois, l’opérateur va venir :
- effectuer un repérage des lieux pour le câblage horizontal (arrivée en bas d’immeuble) et le câblage vertical (relier les étages) et faire viser un dossier de travaux par le syndic d’immeuble ;
- tirer une fibre de son réseau métropolitain jusqu’au bas d’immeuble
- installer en bas d’immeuble un “point de mutualisation” permettant aux autres opérateurs de desservir l’immeuble
- installer le câblage dit “vertical” pour desservir chaque bâtiment et chaque étage
Ces opérations prennent un certain temps. La pose effective du câblage vertical demande 1 ou 2 jours de travaux.
Création d’un accès abonné
Tout n’est pas encore prêt pour s’abonner à n’importe quel opérateur. !
- cas le plus simple : on souhaite s’abonner à l’opérateur d’immeuble. Celui-ci envoie alors un technicien qui va procéder au raccordement de l’appartement, en posant un câble optique de l’armoire de palier (desservie en câblage vertical) jusqu’à l’appartement. Eh oui, les appartements ne sont pas systématiquement raccordés complètement lors du câblage vertical, en raison des coûts induits et des contraintes logistiques d’accès !
- cas plus compliqué : on souhaite s’abonner à un autre opérateur.. C’est possible. Il faut alors que celui-ci pose à son tour une fibre horizontale jusqu’au bas d’immeuble, ou qu’il réutilise une fibre horizontale existante posée par un opérateur déjà présent (ce cas semble rare mais il existe entre SFR et Orange, voir les commentaires), puis se mette en contact avec l’opérateur d’immeuble pour être raccordé au point de mutualisation local. Il ne lui reste alors plus, comme ci-dessus, qu’à poser du câblage d’étage pour desservir l’appartement désiré.
Les délais ?
Il faut d’abord penser à intégrer une résolution à l’ordre du jour de l’assemblée générale suivante. Délai légal de convocation : 1 mois (il n’y a pas si longtemps, il me semble me souvenir que c’était seulement 2 semaines…)
Puis, si la résolution est votée, signer et envoyer la convocation, et attendre le passage de l’opérateur pour le repérage : de 1 semaine à 1 mois (estimation au doigt mouillé)
Puis pour les travaux : de 1 semaine à un mois pour attendre son tour (estimé aux entrailles de poisson), puis 1 ou 2 jours de pose horizontale + verticale.
Puis , pour un abonnement à l’opérateur d’immeuble ou un opérateur déjà présent : de 1 semaine à 1 mois (estimation marc de café), 1 ou 2 heures de pose.
Pour un abonnement à un autre opérateur non présent : repérage + pose fibre horizontale, de 1 à 3 mois (estimation astrologique), raccordement au point de mutualisation après accord avec l’opérateur d’immeuble : quelques semaines, pose chez l’abonné : idem ci-dessus.
Les totaux sont assez déprimants :
- presque 2 mois d’attente dans le meilleur des cas, si l’on a la chance de s’y prendre juste avant l’AG et dans les délais.
- probablement plutôt 3 à 4 mois si l’on fait vite côté immeuble et syndic mais que l’opérateur prend du temps ;
- au pire, 8 à 9 mois si l’on fait vite côté immeuble et syndic mais que l’opérateur ne réalise les travaux qu’à la fin de son délai de 6 mois
- à quoi il faut ajouter 11 mois pour attendre la prochaine AG annuelle si elle vient juste d’avoir lieu
Ajoutez un mauvais suivi de la part du syndic (cas très fréquent), une mauvaise compréhension des procédures, un opérateur faisant faux bond, et vous pouvez facilement perdre des années supplémentaires.
Ainsi dans notre immeuble les démarches (signature de la première convention) ont été initiées en mars 2008 ; 4 ans 1/2 plus tard il faut tout reprendre à zéro.
Conclusions
- ne pas s’étonner de la faible demande pour la fibre, vu le parcours du combattant qui précède et demande une sérieuse motivation de la part du syndic d’immeuble et conseil syndical, les opérateurs ne venant absolument solliciter personne.
- ne pas s’étonner du retard français
Sans être grand devin, il est facile de voir que ce retard ne sera pas résorbé dans les années qui viennent, bien au contraire, puisque :
- aucun changement législatif ou organisationnel ne semble actuellement en préparation pour simplifier cette procédure ;
- le sujet qui intéresse l’ARCEP et les opérateurs est le déploiement du VDSL2, qui à moindre coût donnera une “seconde vie” au cuivre du siècle dernier ;
- les opérateurs préfèrent investir dans la téléphonie mobile 4e génération (LTE), potentiellement plus rémunératrice.
Et grands merci à @_Galak_ et @lprevosto (sur Twitter) ainsi que l’assistance SFR qui m’ont grandement aidé à mieux comprendre ce qui précède…
Quant à Orange, c’est l’électroencéphalogramme totalement plat, aucune nouvelle d’eux directe ou indirecte, 9 jours après le premier contact avec l’assistance qui m’a assuré afin de me forcer à raccrocher que l’on allait “me rappeler”.
Mise à jour : suites
FTTH en France, saison 6 : du rififi chez le syndic, relance du dossier et repérage v2
Installation de la fibre (FTTH), suite de la saison 5.